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Le temps du sursaut est venu (2) : à la gauche de s’opposer et proposer

Voilà ce que la gauche doit marteler à l’approche des élections régionales et dans la perspective de la séquence présidentielle et législative du printemps 2012. Cela viendra vite. Nicolas Sarkozy doit être combattu sans relâche et mis en échec pour la politique antisociale qu’il a pratiquée depuis 2007. Il a affaibli la France et trompé les Français. Toute notre énergie doit être concentrée à ce devoir d’opposition. Pour autant, dans la confrontation politique à venir, nous devrons également à nos compatriotes la vérité de dire que les réformes nécessaires seront difficiles à mener, en raison précisément de la détérioration des finances publiques imputable à la droite et que la gauche aura l’impératif de redresser. Des priorités devront ainsi être établies, au cœur de l’offre politique que le Parti Socialiste construira dans les prochains mois par le travail militant sur son projet.

Cette offre politique, espérons-le, procèdera d’une analyse renouvelée de l’état de la société. Trop longtemps, et cela aura contribué à nos échecs électoraux récents, nous avons pensé la société comme structurée en groupes homogènes, aux attentes et revendications distinctes et prévisibles. Ceci n’est plus vrai, comme les votes du 21 avril 2002 et du 6 mai 2007, mais aussi le résultat du référendum du 29 mai 2005 auront pu en faire montre. Il nous faut prendre en compte l’émiettement considérable du monde salarié. Les progrès technologiques ont transformé tous les métiers. La mondialisation financière a distingué une catégorie particulière de salariés, à qui les bonus et autre stock options ont profité. Un puissant mouvement d’individualisation des préférences et des choix accompagne depuis près de deux décennies cette fragmentation du salariat, contribuant à une moindre solidarité collective.

La difficulté pour la gauche est d’appréhender ce nouveau champ social et d’y apporter les réponses adéquates. Un récent essai publié à la « République des Idées » par le chercheur Eric Maurin (« La peur du déclassement »,  Editions du Seuil) met remarquablement l’accent sur l’incapacité à ce jour pour le Parti Socialiste et la gauche de gouvernement d’arbitrer entre les inclus et les exclus de la société française du XXIème siècle. L’offre traditionnelle du Parti Socialiste s’adresse d’abord aux salariés en CDI et aux fonctionnaires (les inclus), créant une forme de rempart de droits avec les exclus, notamment les salariés précaires, les demandeurs d’emplois et une partie de la jeunesse. Les exclus se reconnaissent peu dans le Parti Socialiste et les inclus s’en détournent aussi par peur de déclassement social. L’exemple le plus patent aura été de ce point de vue l’incompréhension de l’électorat face à  la promesse d’augmentation du SMIC de 1500 Euros lors de la campagne présidentielle de 2007.

L’offre politique de la gauche de gouvernement se heurte aussi à l’essoufflement de ses outils traditionnels parmi lesquels la redistribution. La croissance économique atone en est certes une raison, mais seulement une parmi d’autres. La redistribution peine, voire échoue à traiter les inégalités de départ apparues crûment ces dernières années sur l’école, la formation, la culture, la santé et l’environnement. Elle n’attaque pas les inégalités à la racine. Ajouter des mécanismes d’incitation et de discrimination positive aux côtés de la redistribution est aujourd’hui nécessaire, dans la logique du « socialisme de production » que Dominique Strauss-Kahn avait esquissé dans son livre « La flamme et la cendre » il y a quelques années. C’est également de cette manière que le Parti Socialiste intégrera le mieux l’impératif écologique, qu’il n’a pas suffisamment pris en compte à ce jour. Le débat du mois passé sur la taxe carbone en aura été l’exemple. S’opposer à la taxe carbone pour des raisons légitimes de justice sociale n’a de sens que si est proposée en parallèle une taxation écologiquement et socialement juste, qui permette de modifier les comportements et les investissements, en donnant à la puissance publique les ressources pour prévenir à la racine la destruction des ressources naturelles et de la biodiversité.

Comment donner corps à cette offre politique renouvelée ? En reconnaissant l’aspiration à l’individualisation qui traverse notre société et en construisant des protections sans doute plus universelles au bénéfice de chacun. La flexisécurité, si elle s’appuie sur la mise en place d’une sécurité sociale professionnelle et d’un droit à la formation tout au long de la vie, sera une mesure phare d’un projet progressiste. La progression du pouvoir d’achat, au travers d’augmentations négociées du salaire minimum par branche professionnelle, pourrait en être une autre. La concentration des moyens sur les zones les plus précarisées en matière d’enseignement et de service public de la petite enfance devrait aussi être envisagée. Ce ne sont là que quelques exemples parmi d’autres, qu’il nous reviendra d’imaginer ensemble dans le Laboratoire des Idées mis en place par le PS.

S’opposer et proposer, en responsabilité, voilà ce qu’il nous faut faire au sein du Parti Socialiste et surtout au contact de nos compatriotes. Nicolas Sarkozy conduit notre pays dans une impasse. Le battre en 2012 est à la fois nécessaire et possible. Nous y parviendrons si nous savons tenir un langage de vérité, de courage et d’inventivité, en phase avec la société française et l’évolution du monde. Ne lâchons rien dans le combat contre la droite et restons plus que jamais vigilants sur notre unité. Le rassemblement de la gauche commence par nous-mêmes. Le premier maillon dans la chaîne de la victoire, c’est la confiance en nous, en notre collectif, en notre volonté commune de renverser le cours des choses. Le temps du sursaut est venu.

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