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Léon Blum et les combats du socialisme

Léon BlumIl y a quelques jours de cela, le 30 mars, une date anniversaire est passée, peu remarquée dans le flot continu de l’actualité : les 60 ans de la disparition de Léon Blum.

Je suis peu porté à ces commémorations, convaincu que le souvenir et la trace d’un homme d’Etat vivent davantage dans la mémoire collective qu’un jour particulier. C’est finalement le débat de notre forum interne sur les 35 heures qui m’aura ramené à Blum et au Front Populaire.

La baisse du temps de travail est-elle un objectif de la gauche au pouvoir ? Oui, bien sûr. Comme bien d’autres, j’ai eu la chance d’entendre le récit du Front Populaire, de ses conquêtes, de ses échecs aussi, par celles et ceux qui l’ont vécu, à la base, comme militants. Réduction du temps de travail de 48 à 40 heures hebdomadaires, deux premières semaines de congés payés, conventions collectives, hausses de salaires, allocations chômage, scolarité obligatoire jusque 14 ans, bref tout un cadre, une protection, une émancipation pour des millions de Français qui n’avaient rien si ce n’est leur force de travail et leur espérance en un monde meilleur.

Je me souviens de la reconnaissance émue de ma grand-mère, de ses mots simples et en même temps passionnés, des décennies après, lorsqu’elle racontait 1936, son printemps 1936. Ce récit m’accompagne toujours et a contribué à mon propre engagement.

L’histoire a beaucoup identifié Léon Blum au Front Populaire. C’est à la fois légitime au regard de l’œuvre législative et dommage lorsque l’on songe à la richesse du parcours de l’homme. Je retiens aussi le talentueux critique littéraire du début du XXème siècle, le Conseiller d’Etat dont l’engagement pendant plus de 20 ans aura contribué à forger la jurisprudence administrative de notre pays, le militant de la lutte contre l’antisémitisme, brocardé, attaqué, parfois même physiquement, par l’extrême-droite toute sa vie durant.

En mai 1936, dans l’Action Française, Charles Maurras écrivait : « C’est en tant que juif qu’il faut voir, concevoir, entendre, combattre et abattre le Blum. Ce dernier verbe paraîtra un peu fort de café : je me hâte d’ajouter qu’il ne faudra abattre physiquement Blum que le jour où sa politique nous aura amené la guerre impie qu’il rêve contre nos compagnons d’arme italiens. Ce jour-là, il est vrai, il ne faudra pas le manquer ». Cela dit tout.

C’est d’ailleurs l’affaire Dreyfus qui aura conduit Léon Blum en politique, au contact de Jean Jaurès. Viendront la création de l’Humanité, les premiers combats à la SFIO, le baptême du feu électoral dans le département de la Seine (et plus tard à Narbonne), le Congrès de Tours et sa défense passionnée de la « vieille maison » contre la tentation communiste.

Le socialisme démocratique, la construction progressive des acquis politiques, économiques et sociaux, le rejet sans aucune exception de tous les régimes liberticides, voilà l’idéal que Léon Blum a porté au long de sa vie politique et dont il témoignait encore à l’après-guerre, par ses articles dans Le Populaire et ses réflexions dans « A l’échelle humaine », cet ouvrage écrit en captivité au Fort du Portalet.

La défense par Blum de l’action de son gouvernement lors de l’indigne procès de Riom fut exceptionnelle : non seulement démontra-t-il que les réformes sociales du Front Populaire n’avaient en rien réduit le réarmement de la France face aux périls extérieurs, mais il ajouta, preuves à l’appui, que ce furent au contraire les gouvernements de droite qui baissèrent la garde et contribuèrent ainsi à la défaite et au déshonneur de 1940.

Le procès fut suspendu sine die mais Blum fut livré par Pierre Laval à l’Allemagne et déporté. L’homme qui reviendra de Buchenwald à la libération du camp ne reprendra plus la vie politique active, hormis un court passage à la tête du dernier gouvernement provisoire entre décembre 1946 et janvier 1947. Il consacrera ses dernières forces à transmettre par la plume le flambeau des combats de justice et de liberté.

Le temps a passé, mais ces combats demeurent. Ils sont les nôtres. Ils sont toujours tellement actuels. Notre pays n’a jamais été aussi inégal. Les inégalités prospèrent, dans les revenus, dans les territoires, entre inclus et exclus, même entre générations. Ces inégalités progressent parce qu’une politique les encourage, qui déconstruit les mécanismes de solidarité.

C’est cette politique qu’il faut combattre pied à pied, en n’oubliant rien de nos valeurs, en prenant en compte l’évolution de la société et du monde, en recherchant toujours le rassemblement de la gauche et en tenant en campagne comme au pouvoir le langage du possible.

C’est en ce sens que le message de Léon Blum, au cœur de l’histoire du socialisme démocratique, est un enseignement si précieux.

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