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Successions transfrontières : un sujet essentiel pour les Français à l’étranger

J’ai participé hier matin à Lyon au colloque sur les successions transfrontières organisé par le Centre Notarial de Droit Européen, le Centre National de l’Enseignement Professionnel Notarial et le Centre de Formation Professionnelle Notariale de Lyon. Ce sujet, que je suis avec beaucoup d’attention depuis mon élection, est fondamental pour les Français établis à l’étranger. Il nous concerne tous en effet. Le Règlement européen n° 650/2012, qui entrera en vigueur le 17 août 2015, changera largement l’organisation et la liquidation des successions transfrontières, apportant sécurité juridique et prévisibilité là où régnait le plus souvent le conflit de lois. Certains éléments du Règlement sont cependant complexes et conduiront sans nul doute la Cour de Justice de l’Union européenne à développer une jurisprudence interprétative. En outre, les donations et la fiscalité restent en dehors du champ d’application du Règlement et requièrent que le travail de convergence législative entre Etats membres de l’Union européenne se poursuive.

Vous trouverez plus bas le texte de mon intervention devant les notaires.

  

Intervention au colloque sur les successions transfrontières

« Les notaires et le droit au service des transfrontaliers »

Lyon, jeudi 23 janvier 2014

Monsieur le Président,

Mesdames et messieurs,

Je souhaite avant toute chose vous remercier pour votre invitation et vous dire l’honneur que je ressens de prendre la parole devant vous ce matin à Lyon à l’occasion de votre colloque européen sur les successions transfrontières. Voilà un sujet qui parle au député des Français de l’étranger que je suis, dont la circonscription compte 16 Etats d’Europe centrale, parmi lesquels l’Allemagne, où vivent plus de 100 000 de nos compatriotes. Ce sujet m’intéresse également comme président du groupe d’études de l’Assemblée nationale sur la coordination des droits européens. Par mon lieu d’élection, ma vie à l’étranger, ma famille binationale, les thèmes concrets et quotidiens que j’ai choisi de porter dans l’exercice de mon mandat parlementaire, je suis un député transfrontière. Je suis un député qui, sur le mariage, les gardes d’enfants, les obligations alimentaires, les tutelles sur les personnes incapables et sur les successions, pratique régulièrement la singularité et les divergences de nos droits nationaux, quand ce n’est pas malheureusement le conflit de lois. A l’épreuve des faits, je mesure ainsi le besoin d’Europe, son absence parfois, mais aussi les progrès tangibles effectués lorsque les volontés des uns et des autres se rencontrent.

Celles et ceux, sans doute entre 12 et 13 millions dans l’Union européenne, qui ont fait leur vie dans un autre pays que celui dont ils possèdent la nationalité, comprennent mieux que quiconque ce que l’exigence de sécurité juridique emporte. C’est autour de la sécurité juridique, de la prévisibilité, des garanties qu’il convient de se donner face aux possibles aléas de la vie, que j’ai préparé et présenté en Commission des Lois de l’Assemblée nationale il y a un peu plus d’un an le rapport parlementaire appelant à la ratification du régime matrimonial franco-allemand, qui institue un droit commun de la participation aux acquêts dans nos deux pays, et au-delà pour d’autres Etats qui voudraient s’y joindre. Et c’est cette même sécurité juridique que le Règlement européen n° 650/2012 du 4 juillet 2012 sur les successions transfrontières viendra conforter à compter du mois d’août 2015, à l’opposé de la situation d’aujourd’hui, entre règles et procédures différentes, délais d’attente interminables pour la liquidation de la succession et coûts toujours plus élevés.

Une succession sur dix ouverte dans l’Union européenne est déjà transfrontière. Il y a 5 ans, la Commissaire européenne Viviane Reding indiquait que 450 000 successions transfrontières étaient enregistrées chaque année au sein de l’Union, représentant un montant estimé à 123 milliards d’Euros. A mesure – et c’est heureux – que se généralisent la libre circulation des personnes et leur établissement dans un autre Etat européen, pareils chiffres iront sans nul doute croissants. Il fallait fixer un cadre aux personnes possédant des intérêts dans au moins deux pays et dépasser ainsi les différences entre systèmes de scission ou d’unité, bien connues en droit comparé des successions, et à la source de nombreux conflits de lois. La France comme le Royaume-Uni pratiquent la scission, les meubles et actifs financiers étant régis par la loi du pays de dernière résidence habituelle du défunt, les immeubles l’étant en revanche par la loi du pays où ils sont situés. L’Allemagne, l’Italie, l’Espagne ou encore le Portugal connaissent à l’inverse l’unité de loi pour tous les biens, celle de la nationalité du défunt ou de son dernier domicile.

Le Règlement n° 650/2012 pose un principe : l’application à l’ensemble de la succession transfrontière d’une loi unique, celle de l’Etat dans lequel le défunt aura sa résidence habituelle au moment de son décès. Il ménage cependant une exception : la possibilité de recourir à la loi d’un Etat avec lequel le défunt aura eu des liens plus étroits que celui de sa résidence habituelle au moment de son décès. Une dernière option est possible : celle de choisir la loi d’un des Etats dont on possède la nationalité. La grille de lecture ainsi ouverte est bien plus simple que l’enchevêtrement actuel de dispositions nationales complexes et contradictoires. Le Règlement couvre tous les aspects d’une succession. Il ne couvre pas, par contre, les donations, assurances-vie, régimes matrimoniaux, obligations alimentaires et règles fiscales. En matière fiscale, chaque pays dans lequel résidait le défunt, réside l’un de ses héritiers ou bien se trouve un bien relevant de la succession, reste en droit d’imposer la transmission.

Le Règlement n° 650/2012 crée par ailleurs un certificat successoral européen permettant à chacun, sans autres formalités nécessaires, de faire valoir dans toute l’Union européenne son statut d’héritier, de légataire ou d’administrateur de succession. C’est un élément considérable de simplification et de sécurité juridique, qui établit la qualité et les droits d’un héritier, l’attribution d’un ou de plusieurs biens dans la succession, et les pouvoirs de l’exécuteur testamentaire ou de l’administrateur de la succession. Finies, les procédures coûteuses et sans fin requises pour faire valoir ses droits dans un autre Etat membre. Le certificat successoral européen, qui ne se substitue pas aux documents internes des Etats membres, sera délivré sur demande, répertorié dans un registre global des certificats successoraux européens et reconnu de plein droit dans toute l’Union.

Mesdames et messieurs les notaires, dans ce nouveau cadre, votre action, vos conseils et vos interventions seront plus que jamais nécessaires. Il convient que vous vous l’appropriez pour mieux en faire usage et guider ainsi dans les méandres d’un texte que j’ai bien vite résumé celles et ceux qui feront appel à vos services. Des éléments du Règlement n° 650/2012 restent en effet abscons, sujets certainement à interprétation de la Cour de Justice de l’Union européenne, et l’échange des praticiens de la vie notariale est donc plus que jamais précieux. C’est ce que vous ferez tout au long de cette journée sur les thèmes de la résidence habituelle, le caractère universel, le critère de la nationalité et la fiscalité. Notre rôle à nous, législateurs, sera d’entendre vos questions et d’y apporter écho. Le régime des donations et bien entendu la prévention de la double imposition devront aussi nous mobiliser. J’y prêterai, pour ce qui me concerne, la plus grande attention.

En tout état de cause, je tiens à saluer l’engagement de votre profession et de ses organisations : le Centre Notarial de Droit Européen, le Centre National de l’Enseignement Professionnel Notarial et le Centre de Formation Professionnelle Notariale de Lyon. Je sais également l’aide que vous a apporté la Commission européenne pour mettre sur pied ces cinq journées de formation pour les notaires frontaliers à Tournai, Toulouse, Bordeaux, Nice et Stuttgart ainsi que pour préparer cette conférence de clôture. J’avais eu plaisir à rencontrer plusieurs d’entre vous à Mayence à l’automne passé. Merci encore une fois pour l’invitation à m’exprimer devant vous aujourd’hui. Je vous souhaite d’excellents travaux et vous dis, à vous et à votre belle profession, ma confiance et ma reconnaissance.

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