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Visite au CROSS Corsen

De passage en Bretagne il y a quelques jours à l’occasion du voyage à Quimper de l’Ambassadeur d’Allemagne, j’ai profité d’un vendredi de répit pour me rendre au CROSS Corsen. Le CROSS est le centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage. Situé sur la pointe du Corsen, face au rail d’Ouessant, qui voit l’un des plus forts trafics maritimes du monde, il assure une mission très précieuse de sécurité. Après les multiples tempêtes des deux derniers mois, je voulais découvrir la vie du CROSS et rendre hommage à la cinquantaine de femmes et hommes qui y travaillent. Le CROSS a la responsabilité des opérations de sauvetage dès qu’un incident intervient sur la partie du domaine maritime dont il a la charge. Il dispose de moyens de communication radios, de radars de surveillance maritime et de systèmes cartographiques permettant la gestion des opérations de sauvetage et la surveillance de la circulation maritime. Depuis le poste d’observation, face à l’île Molène et à l’île d’Ouessant, j’ai pu les voir fonctionner par un jour de mer certes décent mais avec un trafic important dans le rail d’Ouessant.

Par le rail d’Ouessant passent en moyenne environ 150 navires de commerce par jour. Certains sont chargés de produits dangereux. D’autres de milliers de containers qui, mal arrimés ou ballotés par les vagues, peuvent passer par-dessus bord, dériver ou couler, constituant autant de menaces pour les autres navires. Chaque jour, l’on estime que ce ne sont pas moins de 700 000 tonnes de marchandises qui transitent par le rail d’Ouessant, dont 285 000 tonnes de pétrole et 90 000 tonnes de produits chimiques. Y passent aussi bateaux de pêche, de plaisance et paquebots. Le CROSS Corsen existe depuis 1982. La décision de le construire avait été prise avant le naufrage de l’Amoco Cadiz à deux pas de la Pointe du Corsen en mars 1978, mais ce drame, sans doute l’une des pires catastrophes écologiques de l’histoire, qui vit près de 230 000 tonnes de pétrole brut se déverser sur 360 kilomètres de côtes en Bretagne nord, contribua sans nul doute à accélérer l’ouverture du CROSS.

Lors de ma visite vendredi, j’ai demandé au directeur du CROSS Christophe Sonnefraud si une catastrophe telle celle de l’Amoco Cadiz serait encore possible aujourd’hui. Sa réponse fut négative, même si, bien sûr, le risque zéro n’existe pas. En 1978, le rail d’Ouessant n’existait pas. Le trafic se trouve désormais bien plus loin de l’ile d’Ouessant (à 24 milles pour la voie montante et à 34 milles pour la voie descendante). Les moyens de détection des navires sont sans commune mesure avec les moyens en place il y a encore une vingtaine d’années. Et le Préfet maritime a reçu en droit les compétences nécessaires lui permettant d’agir vite et de mobiliser les ressources et moyens nécessaires. Imaginons en effet qu’en mars 1978, alors que l’Amoco Cadiz, victime d’une avarie de gouvernail, se dirigeait inexorablement dans la nuit vers les rochers de Portsall, son armateur négociait le coût du sauvetage avec le propriétaire d’un remorqueur qui quittait la rade de Brest…

Quelques heures après cette visite passionnante au CROSS Corsen, j’ai appris la disparition d’Alphonse Arzel, le maire emblématique de Ploudalmézeau et sénateur du Finistère, qui mena la révolte contre la Standard Oil, la société américaine propriétaire de l’Amoco Cadiz. Triste coïncidence. Alphonse Arzel était un homme d’une inépuisable énergie. Il rassembla dans un syndicat toutes les communes victimes de la pollution et porta le combat devant les tribunaux américains. L’image des élus bretons ceints de leur écharpe tricolore au cœur de Chicago a fait l’histoire. La Standard Oil, qui regardait, non sans arrogance, ces maires venus de Bretagne comme les représentants d’un aimable folklore, mordit la poussière en 1984 à l’issue d’années de procédure et fut condamnée à réparer les dommages. Avec les années de recul, c’est certainement à Alphonse Arzel, à son compère Charles Josselin (à l’époque député et président du Conseil Général des Côtes d’Armor) et à tous ces maires que l’on doit les prémices du combat pour la reconnaissance du préjudice écologique, aujourd’hui reconnu en droit. Comme on leur doit la création du rail d’Ouessant.

Merci à Alphonse Arzel, merci à eux, merci à celles et ceux qui, au CROSS Corsen et dans les autres CROSS de France, surveillent sans relâche le trafic maritime pour prévenir d’autres drames et protéger nos côtes.

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