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Burkini, hystérie et Etat de droit

La semaine passée à Münster, j’ai rencontré une trentaine de jeunes lycéens allemands désireux de débattre de la France et de ses défis. J’ai été marqué par leur réaction d’incompréhension, unanimement partagée, à « l’affaire du burkini », qui aura alimenté la chronique tout au long du mois d’août et largement ridiculisé notre pays, vu depuis l’étranger. A ces jeunes qui m’interrogeaient, j’ai répondu que je partageais leur position. La France est un Etat de droit, qui garantit dans sa Constitution la liberté de conscience. La liberté de conscience, ai-je rappelé, c’est, entre autres, le droit de croire ou de ne pas croire, le droit d’exprimer ses convictions religieuses, y compris en public. Cette liberté n’est cependant pas absolue. Elle peut faire l’objet de restrictions pour des motifs touchant à la sécurité, la santé, la morale, l’ordre public ou la protection des droits et libertés d’autrui. A Villeneuve-Loubet, le Conseil d’Etat a estimé, dans sa décision du 26 août, que les risques de trouble à l’ordre public n’étaient aucunement établis et que l’interdiction du port du burkini violait donc la liberté de conscience et la liberté personnelle.

A titre personnel, je pense que le port du burkini ou du voile constitue une atteinte à la dignité des femmes. Pour autant, je ne crois pas que l’interdiction revendiquée ici et là, parce que les élections approchent et dans un climat frisant l’hystérie, constitue une quelconque réponse au risque de fracture communautariste au sein de la République. Ne serait-ce pas d’ailleurs donner in fine satisfaction aux islamistes que de voir les interdictions fleurir, au point même de prohiber, comme ce fut le cas à Cannes, le port du voile à la plage ? La liberté de religion, exprimée par un signe ou une tenue vestimentaire, doit être respectée. La laïcité de la République, entendue comme l’obligation de neutralité des agents publics, n’a pas la même portée pour la société, rappelons-le. Deux exceptions, que je soutiens, ont certes été ménagées : l’interdiction du port de signe religieux à l’école, pour protéger les enfants du prosélytisme, et la dissimulation du visage dans l’espace public, pour des raisons de sécurité. Reste qu’aller au-delà serait pour moi légiférer d’une manière ou d’une autre contre les religions ou, pire, contre une religion en particulier : l’islam.

Est-ce par la loi, conçue comme un affichage ou une profession de foi électorale, que l’on doit aborder le débat – légitime – sur la place de l’islam dans la société française ? Non. Toute interdiction nous exposerait immanquablement à la condamnation du Conseil constitutionnel et de la Cour européenne des droits de l’homme. Faudrait-il alors aller jusque modifier la Constitution, voire convoquer à cette fin un référendum dans le pays tout entier pour pouvoir … interdire le port du burkini à la plage ? Ou dénoncer la Convention européenne des droits de l’homme, isolant la France sur la scène européenne ? Ceux qui, Nicolas Sarkozy le premier, empruntent cette voie marchent sur la tête, clivant la société, tout à un effet d’annonce dont ils ne feront rien par la suite. Flatter l’islamophobie ne construit pas l’avenir, pas plus que cela ne permet de lutter contre l’intégrisme. J’ai la conviction que c’est au contraire par le dialogue et la recherche constante de l’unité des Français, toutes convictions confondues, que l’émergence sereine d’un islam de France peut intervenir, dans le respect des valeurs de la République. C’est aussi l’idée que je me fais de l’identité de la France.

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