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Bilan de la session de printemps de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe (18-22 avril 2016)

J’ai participé cette semaine à la session de printemps de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) à Strasbourg. Cette session était particulièrement importante pour moi car je devais présenter devant la Commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias le résultat du travail que j’avais engagé il y a 2 ans sur les réseaux éducatifs et culturels des communautés à l’étranger. J’ai choisi de montrer le rôle unique joué par les diasporas pour favoriser l’intégration dans le pays de résidence, développer une entraide et maintenir un lien précieux avec le pays d’origine. Mon rapport, nourri par plusieurs auditions et lectures, met en valeur les expériences et appelle les gouvernements et institutions du Conseil de l’Europe à mieux mobiliser les organisations de diasporas dans la mise en place et l’exécution de leurs politiques d’intégration. Tous les pays n’ont pas la même relation aux diasporas et je n’étais pas certain que le message résolument positif et européen que j’avais choisi de développer rencontrerait une nette majorité. A l’arrivée cependant, c’est à l’unanimité que le rapport a été approuvé. J’en ai été très heureux. La prochaine et dernière étape sera sa présentation et approbation dans l’Hémicycle à l’occasion de la session d’été de l’APCE les 20-24 juin. Je glisse en pièce jointe le texte de mon intervention devant la Commission de la culture le 18 avril.

Dans le débat libre le même jour, j’ai appelé le gouvernement français à exécuter pleinement les arrêts Mennesson et Labassée de la Cour européenne des droits de l’homme du 26 juin 2014 (voir ici). La Cour a condamné le refus opposé par la France d’accorder sa nationalité et de reconnaître les liens de filiation aux enfants nés à l’étranger d’une gestation pour autrui (GPA). Cela concerne plus de 2.000 enfants dans notre pays. Si des progrès sur l’accès à la nationalité ont été accomplis depuis 2014, tel n’est malheureusement pas le cas sur la transcription des actes d’état civil étrangers. J’ai souligné combien la non-exécution des arrêts Mennesson et Labassée par la France entraine des difficultés très concrètes pour les enfants et leurs familles : refus de prise en charge par la sécurité sociale, refus d’inscription à la caisse d’allocations familiales, refus de délivrance de la carte d’identité ou bien encore refus d’établir une succession. Par crainte sans doute de la Manif pour tous, alors même qu’il ne s’agit aucunement de légaliser la GPA en France, la volonté politique de tirer pleinement les enseignements de ces deux arrêts afin de faire évoluer notre droit fait défaut et ce sont les enfants qui en paient le prix. C’est inacceptable. Le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant et d’arrêts revêtus de l’autorité de la chose jugée s’impose.

Un débat important est intervenu le 20 avril sur trois rapports joints, consacrés à la crise migratoire, aux droits des réfugiés dans les Balkans occidentaux et au récent accord entre l’Union européenne et la Turquie. Les rapporteures étaient la députée néerlandaise Tineke Strik (Gauche verte) et la députée allemande Annette Groth (Die Linke). Je me suis intervenu dans le débat (voir ici) sur le sort des quelque 60.000 réfugiés actuellement bloqués entre la Grèce et la Slovénie, conséquence de la fermeture des frontières nationales, puis de l’entrée en vigueur de l’accord entre l’Union européenne et la Turquie. Dans mon intervention, je suis revenu sur ma visite au centre d’accueil de Tabanovce (Macédoine) au début avril, soulignant la détresse des personnes rencontrées, pour l’essentiel des femmes et des enfants dont les conjoints et pères se trouvent souvent déjà dans le nord de l’Europe. Rares sont les réfugiés qui souhaitent retourner en Turquie ou demander l’asile politique dans les pays traversés par la route des Balkans. J’ai plaidé pour qu’il leur soit permis de poursuivre le chemin s’ils le désirent et que cela se fasse dans le cadre d’un mécanisme européen de répartition. Il n’est pas envisageable que l’Europe se désintéresse du sort de ces 60.000 personnes et fasse reposer sur les seuls Etats de transit, a fortiori la Grèce, la solidarité européenne qui s’impose.

Je suis intervenu dans deux autres débats comme porte-parole du groupe socialiste. Le premier portait sur le combat renouvelé contre l’antisémitisme, sur la base d’un rapport préparé par le député social-démocrate letton Boriss Cilevics. Le second était consacré à la protection des droits de propriété intellectuelle à l’ère numérique et le rapporteur était le député chrétien-démocrate allemand Axel Fisher. Sur le combat contre l’antisémitisme (voir ici), j’ai défendu le projet de porter prioritairement l’effort sur l’éducation et la découverte de ce que l’antisémitisme a produit de pire sur notre continent. J’ai recommandé que soit rendu obligatoire dans les programmes scolaires des pays membres du Conseil de l’Europe la visite d’un lieu de mémoire de la Shoah ou l’échange en ligne avec celui-ci. Sur la propriété intellectuelle (voir ici), j’ai mis en avant le besoin de développer un marché européen de la diffusion en replay des programmes de télévision, notamment – hors fictions – pour les émissions d’information et les magazines. J’ai souligné la frustration engendrée par la géolocalisation, qui limite considérablement l’accès transfrontière au replay, et ai plaidé en faveur de l’extension du cadre juridique utile de la directive européenne Câble et Satellite de 1993 à ce nouveau mode de diffusion par Internet.

Plusieurs personnalités, membres de gouvernements et responsables du Conseil de l’Europe, ont pris la parole dans l’Hémicycle durant la session. Porte-parole du groupe socialiste, j’ai interrogé le Secrétaire-Général du Conseil de l’Europe Thorbjorn Jagland (voir ici ma question et la réponse du Secrétaire Général)  sur la décision la semaine dernière du Président de la République de Macédoine Gjorge Ivanov d’amnistier l’ensemble des protagonistes du scandale d’écoutes téléphoniques illégales révélé l’an passé et qui avait conduit le pays à une crise politique d’une gravité inédite. Cette amnistie met largement à bas les accords de Przino de juillet 2015 et fait peser une inconnue sur l’organisation des élections législatives, prévues le 5 juin prochain. Il rend également très hypothétique la perspective euro-atlantique de la Macédoine. J’ai interrogé le Ministre des Affaires étrangères espagnol Jose Manuel Garcia-Margallo (voir ici ma question et la réponse du Ministre) sur la situation en Catalogne, lui demandant d’indiquer ce que pourraient être les évolutions constitutionnelles et administratives possibles en Espagne afin de répondre à l’émergence aux mouvements autonomistes ou nationalistes. Faute de temps de séance suffisant, c’est par écrit que j’ai soumis au Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe Nils Muiznieks ma question sur les mesures de lutte contre l’apatridie des enfants en Europe.

Les autres débats auxquels j’ai pris part portaient sur l’évaluation des mesures en faveur de la représentation politique des femmes (rapport de la députée chrétienne-démocrate italienne Elena Centemero), sur la prévention de la radicalisation des enfants (rapport de la députée conservatrice azerbaïdjanaise Sevinj Fataliyeva) et sur l’évaluation du partenariat pour la démocratie concernant le Conseil national palestinien (rapport du député libéral espagnol Jordi Xucla). J’ai participé également au débat d’actualité sur l’affaire des Panama papers. J’étais présent pour les interventions du Président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, du Premier ministre turc Ahmet Davutoglu, du Président autrichien Heinz Fischer, du Ministre des affaires étrangères bulgare Daniel Mitov et du Premier ministre géorgien Giorgi Kvirikashvili. J’ai participé à l’élection du juge slovène à la Cour européenne des droits de l’homme, Marko Bosnjak. Comme rapporteur en charge de l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, j’ai rencontré le Commissaire aux droits de l’homme Nils Muiznieks ainsi que plusieurs ONG et défenseurs des droits azerbaidjanais.

Mon prochain rendez-vous au titre du Conseil de l’Europe sera une table ronde à l’Assemblée nationale le 23 mai sur l’exécution des arrêts de la Cour, en présence de professeurs d’université, de défenseurs des droits, de magistrats et d’avocats. Invité par l’ancien Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe et Défenseur du Peuple espagnol Alvaro Gil-Robles, je ferai une conférence à Ségovie le 30 mai dans le cadre des rencontres organisées par la fondation Valsain pour la promotion et la défense des valeurs démocratiques sur les droits de l’homme et le cinéma (www.fundacionvalsain.com). J’interviendrai à Strasbourg le 14 juin à l’occasion du séminaire organisé par le Conseil de l’Europe sur la protection des droits de l’homme et la diversité culturelle. La prochaine session de l’APCE aura lieu du 20 au 24 juin.

Intervention Pierre-Yves Le Borgn’ diasporas commission culture 18 avril 2016

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