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L’Assemblée nationale ratifie l’accord de Paris sur le climat

L’Assemblée nationale a autorisé ce soir la ratification de l’accord de Paris sur le climat à l’unanimité (moins l’abstention de Marion Maréchal-Le Pen et de Gilbert Collard). Ce vote, intervenu à l’issue d’un beau débat de près de 3 heures dans l’Hémicycle, exprime un soutien solide, attentif et exigeant de la représentation nationale au texte adopté à la conférence de Paris le 12 décembre 2015, signé par 175 Etats à New York le 22 avril et déjà ratifié par 15 d’entre eux. Vous trouverez plus bas le texte de mon intervention à la tribune ainsi que la vidéo de celui-ci.

Les interventions, plus profilées politiquement que lors de la présentation de mon rapport devant la Commission des Affaires étrangères la semaine passée (lire ici), ont mis l’accent sur l’obligation de résultat désormais à charge de l’ensemble des acteurs de la lutte contre les dérèglements climatiques. C’est le cas sur la procédure de ratification par les Etats parties, qui conditionne l’entrée en vigueur de l’accord. Cela l’est aussi sur la révision des contributions nationales, sur le financement et sur l’engagement des entreprises.

Nous n’avons pas échappé à un peu de turf politique. Sans doute était-ce là chose obligée puisque nos mœurs et coutumes politiques rendent rarissime pour l’opposition de dire exclusivement du bien d’un succès diplomatique auquel le gouvernement aurait apporté sa patte. Je ne parviens pas à m’y faire. L’enjeu derrière les dérèglements climatiques est tellement immense pour l’avenir de la Terre que la posture politique, l’écologie triste ou la sinistrose surjouée en sont dérisoires. Et que dire de la proposition des députés du Front national de conditionner l’accès de l’Afrique et de l’Asie aux crédits internationaux sur le climat à la réduction de la natalité sur place…

Au Sénat désormais de reprendre le flambeau pour que la ratification française devienne au plus vite réalité et entraîne celle des 27 autres Etats membres de l’Union européenne. J’ai eu plaisir à consacrer les 2 derniers mois à l’accord de Paris, entre auditions, lectures et écriture. Sauver la planète, sauver la vie, j’y crois. La volonté, l’économie, la finance et la technologie peuvent nous y conduire. C’est la cause de plusieurs générations, celles qui nous succéderons et à qui nous devons donner foi en l’avenir et en le progrès. Ayons confiance !

  

Pierre-Yves Le Borgn’

Ratification de l’accord de Paris sur le climat

Mardi 17 mai 2016

 

Monsieur le Président,

Madame la Ministre, chère Ségolène Royal,

Madame la Présidente de la Commission des Affaires étrangères,

Monsieur le Président de la Commission du Développement durable,

Chers collègues,

« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs ». Chacun se souvient de cette phrase du Président Jacques Chirac en ouverture de son discours au IVème Sommet de la Terre à Johannesburg en 2002. Elle faisait référence à l’urgence du danger pour la nature des dérèglements climatiques et à l’indifférence, malheureusement, des opinions. C’était il y a près de 15 ans. Le temps a passé et les choses, peu à peu, ont changé. Certes, la maison brûle toujours, chaque année plus gravement d’ailleurs, mais la société civile, les entreprises, la finance et les acteurs de la vie diplomatique se sont engagés à la recherche des solutions. Dans l’histoire du sauvetage de notre planète, je veux croire qu’un moment, la Conférence de Paris en 2015, et un texte, l’accord qui en résulte, feront date. L’accord donne au monde les bases d’une maîtrise effective des émissions de gaz à effet de serre, à l’origine directe des dérèglements climatiques qui menacent à terme l’habitabilité de la Terre. Paris était notre dernière chance. Renoncer face à la difficulté, renoncer face aux coûts, renoncer parce que trop d’intérêts auraient été en jeu n’était pas une option. Je veux citer ici une autre phrase, celle de Ban Ki-moon, le Secrétaire-Général des Nations Unies, appelant à l’action au printemps 2015 et nous rappelant que face à la crise climatique, il n’existe « pas de plan B, tout simplement parce qu’il n’y a pas de planète B ».

A Paris, le 12 décembre 2015, 195 Etats ont décidé d’agir ensemble. A New York, le 22 avril 2016, 175 d’entre eux sont venus apposer leur signature au bas de l’accord. 15 ont déposé le même jour leur instrument de ratification. Car l’urgence est là, manifestée par l’élévation inexorable des températures, par la fonte de la banquise et des glaciers, par la montée des océans, par des tempêtes à la violence inédite, par les premières migrations dramatiques du climat. Chacun, où qu’il vive sur la planète, comprend désormais dans son quotidien que quelque chose se passe, qu’il convient de combattre de toutes nos forces. Les comportements changent. Je pense à la transition énergétique encouragée par plusieurs Etats et régions du monde. Je pense à l’évaluation des risques climats et des contenus carbone des investissements. Tous les Etats, même pétroliers, s’engagent vers des mutations profondes de leurs économies. Ce mouvement, je crois, est désormais irréversible et l’accord de Paris le conforte. Je salue le succès de la diplomatie française qui y a conduit, la « dream team » du Bourget : Laurent Fabius, dont l’action, mais aussi l’émotion le 12 décembre au matin resteront, notre Ambassadrice et championne du climat Laurence Tubiana, négociatrice inlassable à qui nous devons tant, et vous-même, Madame la Ministre, qui avez repris en février avec fougue et passion le flambeau à la présidence de la COP 21.

L’accord de Paris, ce sont 29 articles, soigneusement négociés, écrits et soupesés, et une décision de 140 paragraphes. C’est un accord qui pose comme objectif de contenir l’élévation des températures terrestres au-dessous des 2° Celsius par rapport à l’ère pré-industrielle et si possible même de le faire à 1,5°. C’est un accord qui préconise le franchissement du pic des émissions de gaz à effet de serre dans les meilleurs délais et vise la neutralité des émissions pour la seconde moitié de notre siècle. C’est un accord qui prévoit des transferts solidaires au profit des pays en développement, a fortiori ceux que les dérèglements climatiques menacent le plus. C’est un accord universel qui renvoie à des responsabilités communes, mais différenciées, en fonction des moyens et des contraintes de chacun. C’est un accord contraignant, autant qu’il est possible, pour garantir les ratifications nécessaires et ainsi l’entrée en vigueur rapide des dispositions arrêtées ensemble. Ce sera le cas lorsque 55 parties, représentant 55% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, auront déposé leurs instruments de ratification. C’est enfin un accord dynamique, qui requiert une révision obligatoire tous les 5 ans des contributions nationales, exclusivement à la hausse, précédée par un bilan mondial des engagements de chacun, une revue par les pairs, sous le regard exigeant de l’opinion publique.

Voilà le cœur de l’accord de Paris. La volonté est là, les instruments sont là. Il faut maintenant agir et beaucoup reste à faire d’ici à l’année 2020. Les Etats-Unis et la Chine, les deux principaux émetteurs de gaz à effet de serre, ont indiqué vouloir ratifier dès 2016. Cela oblige l’Union européenne, si elle veut préserver son leadership, à suivre le mouvement et chacun de ses 28 Etats membres à ratifier l’accord dès cette année également. Une ratification par la Chine, les Etats-Unis et les 28, qui représentent la moitié des émissions mondiales, ainsi que quelques autres Etats partie ferait que la clause des deux fois 55 serait rapidement acquise. Agir, c’est aussi se pencher sans attendre sur le volet financier. Il en va de la confiance donnée par les pays du Sud et notamment d’Afrique. C’est sur le niveau, la composition et l’affectation des financements qu’il faut travailler. Le Fonds vert pour le climat n’est qu’une partie de l’enveloppe des 100 milliards par an attendue pour 2020 et qui doit ensuite s’accroître. Sur la répartition entre financements publics et privés, entre dons et prêts, entre atténuation et adaptation, bien du travail est encore nécessaire. Cette période de l’avant-2020 est décisive pour franchir au plus vite le pic des émissions de gaz à effet de serre. Le seul maintien à leur niveau actuel des émissions nous conduirait à épuiser avant 2040 les quantités de gaz à effet de serre que l’on peut encore rejeter dans l’atmosphère tout en restant dans la limite des 2° Celsius.

C’est pourquoi je veux souligner l’urgence d’une révision dès 2018 des 190 contributions nationales sur le climat déposées pour la COP 21 afin que celles à venir pour 2020, à l’entrée en vigueur de l’accord de Paris, soit infiniment plus ambitieuses. L’enjeu essentiel est de parvenir à relever le prix du carbone, malheureusement bien trop faible à ce jour, pour qu’il constitue l’élément de traction de la transition énergétique. Or, actuellement, seules 12% des émissions mondiales sont couvertes par un mécanisme de prix du carbone, taxation ou mécanisme de marché avec échanges de quotas comme le système européen ETS. Un prix élevé du carbone garantirait la rentabilité sans subvention des équipements de production d’énergies renouvelables. Je salue à cet égard la proposition faite récemment par le Président de la République d’instaurer en France un mécanisme de marché avec un prix plancher, modelé suivant l’exemple britannique. Je connais le monde de l’industrie et de l’économie verte parce que j’en viens. J’ai vécu la chute spectaculaire des coûts de fabrication des installations photovoltaïques. Des ruptures technologiques sont nécessaires sur le stockage de l’énergie ainsi que le captage et la séquestration du CO2. Nous n’en sommes peut-être pas si loin. Il faut investir résolument dans la recherche et l’innovation. Rien ne vaut pour cela le caractère incitatif de la généralisation d’un signal prix sur le carbone.

Sauver la planète du risque climatique, c’est changer de paradigme. C’est créer de la richesse et des emplois par millions. Je me souviens du slogan que nous avions adopté en Allemagne dans mon entreprise de panneaux solaires : « Klimaschutz beschäftigt uns », la protection du climat nous emploie. Ce qui était vrai il y a une dizaine d’années entre Mayence et Francfort/Oder le sera tellement plus demain pour l’ensemble du monde. Ce doit être la cause de plusieurs générations : opposer l’inventivité, le marché et la volonté au péril qui nous menace et le vaincre. Pour que la température terrestre reste au-dessous de 2° Celsius, il faudrait réduire de 40 à 70% les émissions d’ici au milieu du siècle et atteindre la neutralité carbone, si ce n’est même des émissions négatives pour la fin du siècle. C’est possible économiquement et technologiquement, à condition d’investir massivement dès à présent dans l’efficacité énergétique et de porter à 60% en 2050 la part des énergies non-carbonées ou faiblement carbonées dans le bouquet énergétique global. Voilà tout l’enjeu. L’accord de Paris a lancé une dynamique, qu’il faut désormais faire vivre par la preuve, en intensifiant l’effort et en l’étendant aussi à deux secteurs non-encore couverts par des obligations de réduction : les transports maritimes et aériens.

Je voudrais conclure avec une citation qui appartient à un autre temps, lorsque la menace n’était pas encore le dérèglement du climat, mais l’apocalypse nucléaire. Ces quelques phrases du Président John F. Kennedy n’ont pourtant pas pris une ride et sont même furieusement actuelles : « Our most basic common link is that we all inhabit this planet. We all breathe the same air. We all cherish our children’s future. And we are all mortal“. Notre lien commun fondamental, disait le Président Kennedy, c’est le fait que nous habitons tous sur cette planète. Nous respirons tous le même air. Nous chérissons tous l’avenir de nos enfants. Et nous sommes tous mortels. Puisse cette expression nous inspirer au moment de regarder devant, au moment d’agir et au moment d’approuver ici, à l’Assemblée nationale, le plus largement possible la ratification de l’accord de Paris.

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