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Accession du Monténégro à l’OTAN

L’Assemblée nationale a approuvé jeudi le projet de loi autorisant la ratification de l’accession du Monténégro à l’OTAN, dont j’étais le rapporteur. En déplacement au Monténégro les 10-12 novembre derniers, tant dans la capitale Podgorica qu’à Herceg Novi, sur la côte de la Mer adriatique, j’avais été frappé dans mes échanges par la vigueur et le caractère clivant de ce débat. Dans mon rapport (lire ici), j’ai pris acte de ce que les élections législatives d’octobre 2016 y avaient apporté réponse en accordant une nette majorité en sièges aux partis favorables à l’accession à l’OTAN, à savoir le DPS du nouveau Premier ministre Duko Markovic, les sociaux-démocrates du SDP et les représentants des minorités au Parlement monténégrin, mais aussi une partie de l’opposition qui, si elle combat le DPS, n’en soutient pas moins l’adhésion à l’OTAN. Cette volonté de rejoindre l’OTAN exprime un choix d’appartenance aux principes et valeurs de la communauté euro-atlantique. Il est à lire en parallèle avec la candidature du Monténégro à l’Union européenne, pour laquelle des négociations sont en cours depuis l’obtention par Podgorica du statut d’Etat candidat en 2012. Ce choix exprime un besoin de sécurité, de stabilité, de développement et de paix pour l’ensemble des Balkans.

Le Monténégro est-il un Etat de droit ? Certains collègues, en particulier Axel Poniatowski (LR) estimant le développement de l’Etat de droit insuffisant, si ce n’est absent, ont fait connaître dans le débat et par leur vote leur opposition à l’adhésion. D’autres comme Jacques Bompart (FN) et Marion Maréchal-Le Pen (FN) se sont émus que l’entrée du Monténégro dans l’OTAN puisse être vécue comme une manœuvre inamicale par la Russie et la Serbie. François Asensi (PCF) a rappelé l’hostilité historique de sa famille politique à l’OTAN et partant de là à l’accession du Monténégro. Ces inquiétudes et remarques sont à mon sens infondées et je me suis attaché à le démontrer dans mon intervention en séance (voir ici). Le projet de loi a été approuvé à une large majorité. J’espère qu’il sera rapidement voté au Sénat afin que la France procède à la ratification nécessaire (13 des 28 Etats parties à l’OTAN ont déjà fait). Le vote de l’Assemblée nationale est un encouragement pour le Monténégro à persévérer sur la voie de l’Etat de droit, la lutte contre le crime organisé et la lutte contre la corruption. Des progrès ont été faits. Du chemin reste encore à parcourir et l’entrée dans la communauté euro-atlantique vaut de ce point de vue obligation de résultat.

Voici le texte de mon intervention :

Pierre-Yves Le Borgn’

Accession du Monténégro à l’OTAN

Jeudi 1er décembre 2016

 

Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Madame la Présidente de la Commission des Affaires étrangères,

Chers collègues,

Nous sommes appelés ce matin à examiner le projet de loi autorisant la ratification du protocole au Traité de l’Atlantique Nord relatif à l’accession du Monténégro. Ce projet de loi est important, non seulement pour le Monténégro, pour qui l’adhésion à l’OTAN est un objectif depuis l’indépendance du pays en 2006, mais aussi pour le message de stabilité, de paix et de développement qu’il adresse aux Etats des Balkans occidentaux. Je sais, comme rapporteur et plus encore comme député des Français établis dans les Balkans, familier à ce titre de cette région profondément attachante, combien la paix y demeure toujours fragile. Dois-je rappeler que le Monténégro et les Balkans se situent dans l’histoire à la confluence de plusieurs lignes de séparation, depuis la division entre l’Empire romain d’Occident et l’Empire romain d’Orient jusqu’aux luttes d’influence consécutives au recul de l’Empire ottoman. Il y a dans les Balkans le meilleur et le pire : le meilleur, c’est la passion européenne, l’envie irrésistible de liberté, en particulier de la jeunesse ; le pire, ce sont les atavismes, les haines recuites et les périls nationalistes. Adhérer à l’OTAN, c’est pour le Monténégro regarder devant et concrétiser le choix exprimé il y a 10 ans de rejoindre la communauté euro-atlantique.

Dès décembre 2006, le Monténégro a adhéré à la convention sur le statut des forces du Partenariat pour la paix. Il a pu ainsi développer une coopération et se joindre à des exercices avec les Etats parties au Traité de Washington, l’acte de base de l’OTAN. Etape après étape, le Monténégro est devenu un partenaire fidèle, fiable, stable. Il était logique, dès lors, que les Ministres des Affaires étrangères des pays de l’OTAN réunis à Bruxelles en décembre 2015 invitent le Monténégro à entamer formellement des pourparlers d’adhésion. Ces pourparlers ont abouti à la signature du protocole au Traité de Washington le 19 mai dernier. Si les processus de ratification aboutissent, le Monténégro sera le 29ème Etat partie, le plus modeste aussi. L’effort de défense du Monténégro représente quelque 47 millions d’Euros. A la hauteur d’une population totale de 620 000 habitants, ses forces armées comptent 1 850 personnes et sont, pour une part d’entre elles, déjà au niveau de la certification OTAN. Je souhaite saluer leur engagement international au titre de l’OTAN en Afghanistan avec la mission Resolute Support et au titre de l’Union européenne au Mali avec la mission EUTM Mali.

Les conséquences de l’accession du Monténégro seront très limitées pour l’OTAN. La contribution aux financements communs de l’Alliance est évaluée à hauteur de 0,027%, soit environ 1 million d’Euros. Aucun projet de stationnement de forces étrangères ou d’installations militaires étrangères n’est prévu sur le territoire monténégrin. L’accession monténégrine peut-elle être vue comme une provocation vis-à-vis de la Russie, a fortiori par la Russie elle-même ? La Russie a une position de principe opposée à tout élargissement de l’OTAN et cela s’applique également au Monténégro. La Douma avait voté un appel en ce sens à la fin de l’année 2015, rappelant les liens historiques entre les peuples russe et monténégrin pour dire son hostilité au choix du gouvernement à Podgorica. Cependant, les autorités russes ont déclaré également qu’elles respecteraient la décision des autorités du Monténégro. L’ancien Premier ministre Milo Djukanovic a assuré dans les médias russes que l’intégration de son pays à l’OTAN ne devait pas être lue comme une marque d’hostilité à l’égard de Moscou, mais comme la pleine et entière adhésion du Monténégro aux objectifs, principes et valeurs de la communauté euro-atlantique.

En Commission des Affaires étrangères, cette crainte d’une crispation russe liée à l’accession du Monténégro à l’OTAN a été exprimée. Elle est infondée. D’autres collègues ont jugé que le Monténégro ne serait pas encore un Etat de droit et qu’il serait malheureux dès lors de lui ouvrir les portes de l’OTAN. Je conteste cette lecture. Loin de moi l’idée d’affirmer que le Monténégro cocherait toutes les cases d’une démocratie idéale, mais je ne peux souscrire à un portrait à charge de ce pays, dont je mesure les efforts, efforts consentis, faut-il le rappeler, également en qualité d’Etat candidat à l’adhésion à l’Union européenne depuis 2012, sur la base d’une « nouvelle approche » reposant sur des exigences renforcées en matière d’Etat de droit et de lutte contre la criminalité organisée. Je ne soutiendrais pas devant notre Hémicycle l’accession du Monténégro à l’OTAN si je n’avais pas connaissance de ses résultats. En janvier 2015 à Strasbourg, j’avais été l’orateur du groupe socialiste à l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe sur la levée du mécanisme de suivi des engagements du Monténégro. Je l’avais défendue en raison des progrès accomplis sur l’indépendance du pouvoir judiciaire et l’élection du procureur suprême. J’avais appelé le Monténégro à agir sur la lutte contre la corruption, ce qui a été fait avec de premiers résultats.

J’ai également entendu en Commission que la vie politique monténégrine serait clivée entre les défenseurs et les opposants de l’accession à l’OTAN. Je le confirme. J’ai pu le constater moi-même en me rendant au Monténégro les 10-12 novembre. Les élections législatives du 16 octobre se sont jouées autour de cette question. Elles ont donné une majorité nette en sièges aux défenseurs de l’accession, dont le DPS du nouveau Premier ministre Dusko Markovic, le SDP, les parlementaires représentant les minorités et même une partie de l’opposition. Reste finalement contre ce choix essentiellement le Front démocratique, pro-russe et anti-OTAN. Il se trouve ainsi au sein du Parlement monténégrin une majorité claire et solide qui votera en faveur de la ratification du protocole du 19 mai, sitôt que nous aurons, de notre côté, 28 Etats parties, ratifié ce texte. C’est ce que je vous invite à faire, mes chers collègues, à la suite de l’approbation du projet de loi par la Commission des Affaires étrangères. C’est ce que je vous invite à faire pour consolider la marche vers l’Etat de droit et la stabilité dans les Balkans, parce que le Monténégro œuvre utilement pour la paix dans cette région, parce que ses objectifs de politique étrangère sont ceux de l’Union européenne, parce que c’est l’espoir de la jeunesse monténégrine, parce que c’est l’intérêt de l’Europe et c’est l’intérêt de la France.

 

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