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Accès à la télévision française par Internet : où en est-on ?

Depuis le début de mon mandat à l’Assemblée nationale, je me suis attaché à attirer l’attention du gouvernement, de mes collègues parlementaires et des professionnels de la télévision sur la faiblesse de l’offre de programmes des chaînes françaises accessibles en replay depuis l’étranger. Nombre de programmes sont en effet inaccessibles, les chaînes de télévision n’en ayant acquis les droits que pour la diffusion en France métropolitaine et dans les territoires ultra-marins. J’ai échangé régulièrement avec les Ministres de la Culture successifs (Aurélie Filipetti, Fleur Pellerin et Audrey Azoulay), avec Laurent Fabius lorsqu’il était Ministre des Affaires étrangères et avec la direction du groupe France Télévisions, sans oublier les autres chaînes françaises, privées et publiques. J’ai organisé en 2013 un colloque à l’Assemblée nationale (lire ici), auquel ont également participé les producteurs et les ayant-droits. 

Des résultats ont été obtenus. Ainsi, la plaquette que j’avais préparée en 2014 pour recenser tous les programmes français de télévision accessibles en replay depuis l’étranger sans géoblocage a été mise en ligne sur l’ensemble des sites diplomatiques français à travers le monde. Elle a été fréquemment mise à jour depuis. De même, le site de France Télévisions permettant l’accès en replay aux programmes des chaînes du groupe (http://pluzz.francetv.fr) offre désormais un onglet spécifique permettant d’identifier les programmes accessibles depuis l’étranger. Enfin, j’ai obtenu que tous les programmes produits directement par le groupe soient rendus accessibles depuis l’étranger. Par ailleurs, des négociations avec les ayant-droits ont également permis de libérer les droits d’autres programmes pour une diffusion globale. Au final, c’est près de 47% de l’offre actuellement disponible sur francetv pluzz qui est désormais accessible depuis l’étranger.

C’est une première étape. J’en suis heureux, mais je reconnais aussi que ce premier résultat n’est pas suffisant et appelle des progrès. Nombre d’émissions majeures de la télévision française restent inaccessibles depuis l’étranger. C’est par exemple le cas de « Thalassa », « Des racines et des ailes » ou « Envoyé spécial ». Le gouvernement objecte que ces programmes peuvent être vus par la rediffusion opérée par TV5 Monde. C’est vrai, mais il ne s’agit pas de replay. Or, la question soulevée par nombre de compatriotes à l’étranger est précisément celle du replay et donc du géoblocage à travers la localisation de l’adresse IP. Une part de la réponse pour l’avenir réside dans une meilleure maîtrise par France Télévisions de la diffusion des programmes que le groupe commande à des sociétés de production. L’autre part de la réponse dépend de la réforme du marché numérique, annoncée en mai 2016 par la Commission européenne.

La Commission européenne a présenté deux propositions de règlement et de directive sur les services audiovisuels et les droits d’auteur. Ces deux propositions, développées au mois de septembre dernier, entendent compléter et renforcer la portée de la directive « Câble et satellite » (CabSat)de 1993. La directive CabSat a été la base législative gouvernant depuis plus de 20 ans l’allocation, l’émission et la protection des émissions audiovisuelles dans les Etats membres de l’Union européenne. La proposition de règlement de la Commission pose pour principe que les droits pour les services en ligne doivent être acquis par les diffuseurs pour le pays d’origine, les contenus devenant par là-même disponibles en ligne dans le reste de l’Union. Ce serait là l’élément permettant de remettre en question la logique de géoblocage qui contraint le développement du replay à l’international.

Il est aisé d’imaginer le débat politique que ces deux propositions législatives vont introduire au Conseil de l’Union européenne et au Parlement européen dans les prochains mois. Dans un courrier le 23 décembre 2016, la Ministre de la Culture Audrey Azoulay me rappelait que « la territorialité des droits d’auteur est au fondement même de notre modèle d’exception culturelle ». Elle ajoutait que « le gouvernement est pleinement mobilisé pour défendre ce principe face aux tentatives de création d’un vaste marché commun du numérique, qui tendrait à traiter la création comme n’importe quelle marchandise ». Loin de moi l’idée d’agir contre l’exception culturelle, mais le souci légitime de la protéger ne peut se traduire non plus par une fin de non-recevoir opposée à toute idée d’améliorer l’accès aux programmes de télévision en replay outre-frontière. Il sera du devoir des parlementaires nationaux de suivre ce débat européen attentivement, en lien avec les parlementaires européens, et en contrôlant l’action du gouvernement dans la négociation à Bruxelles.

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