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Pourquoi je ne peux soutenir la déchéance de nationalité des binationaux

Dans le contexte post-attentats du 13 novembre, le gouvernement travaille à une révision constitutionnelle, dont l’un des aspects vise à permettre la déchéance de nationalité d’une personne condamnée pour terrorisme même si elle est née française, dès lors qu’elle serait binationale. Cet aspect-là m’inquiète beaucoup et je ne peux en tout état de cause le soutenir. Un tel désaccord me coûte, à la fois parce que je ne veux pas donner l’impression de manquer politiquement au gouvernement alors que j’en suis pleinement solidaire et parce que je n’entends pas davantage montrer la moindre mansuétude à l’égard des terroristes. Ce qui m’inquiète, c’est que le projet consacre l’idée – latente dans le débat public – qu’il y aurait en définitive deux catégories inégales de Français : les mononationaux et les binationaux. Or, un binational n’est pas un moindre Français, il est un Français comme tous les autres, à égalité de devoirs et de droits. Je suis père de 3 jeunes enfants français et espagnols. Cette réalité m’est familière. Naître de parents de nationalité différente et acquérir ainsi chacune de leurs nationalités, pour prendre cet exemple, ne fait pas d’un enfant un demi-Français seulement. La binationalité est une richesse, une chance. Elle doit le rester.

Je sais que le projet du gouvernement ne vise pas à stigmatiser les binationaux. Il n’en reste pas moins que c’est ainsi qu’il est ressenti, a fortiori par ceux qui sont français de naissance. Ce sentiment est redoutable. Je le mesure en ce moment tant dans ma circonscription qu’au sein de mon propre entourage familial et amical. Entre 30 et 40% des Français d’Europe centrale et des Balkans possèdent également une autre nationalité. J’ai également des retours en métropole d’amis de l’une ou l’autre des nationalités des pays du Maghreb, qui sont profondément heurtés par ce projet. Qui peut penser que la perspective possible de perdre la nationalité française dissuadera un terroriste de passer à l’action ? Personne. Je redoute plus que tout l’impact dévastateur de ce projet auprès de millions de compatriotes en France et à l’étranger, qui se sentiront citoyens de seconde zone, dignes de rester français seulement s’ils se tiennent à carreau. Loin d’apporter une réponse effective à la lutte contre le terrorisme, c’est contre l’intégration que cette déchéance éventuelle jouera. Mon sentiment est qu’il faut abandonner un tel projet et en rester à ce qui est actuellement prévu par le code civil, à savoir la déchéance de ceux qui seraient devenus Français par naturalisation.

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