Dans quelques jours, le Président de la République tirera les enseignements du grand débat national et annoncera les premières mesures qu’il entend mettre en place en écho aux préoccupations exprimées par les Français. Le devenir de la taxe carbone sera particulièrement scruté dans ce contexte. C’est en effet de la hausse du coût des carburants que la crise des gilets jaunes était née à l’automne dernier. La tentation existe de mettre fin à la taxe carbone ou au principe de son augmentation graduelle, après l’annulation en décembre des hausses prévues pour l’année 2019. Ce serait de mon point de vue une erreur majeure au regard de l’impératif climatique et de la nécessité pour la France de réduire ses émissions de gaz à effet de serre.
La taxe carbone est un instrument essentiel dans la lutte contre le réchauffement de la planète. Elle n’a pas été introduite sous l’actuelle législature, mais sous la précédente. Je l’avais votée en conscience à l’Assemblée nationale. C’était en 2014. Il s’agit d’une composante incorporée dans les accises énergétiques au prorata de leur contenu en CO2. Cette taxe a longtemps été indolore pour les ménages en dépit de l’augmentation de son taux car elle était annihilée par la baisse du coût des carburants liée à la faiblesse des cours mondiaux du pétrole. Ce n’est qu’à compter de 2017 qu’elle a commencé à se faire sentir à la faveur du relèvement des cours. Que vise la taxe carbone ? A entraîner une évolution des comportements de consommation vers une moindre utilisation des énergies fossiles (et donc de moindres émissions de gaz à effet de serre).
La taxe carbone envoie un signal prix utile à l’ensemble des opérateurs économiques. C’est à ce titre que je la défends. Je l’avais fait dans mon rapport parlementaire pour la ratification de l’Accord de Paris sur le climat en 2016, de même que dans mes avis pour la Commission des Affaires étrangères sur les budgets du Ministère de l’Environnement et de l’Energie entre 2014 et 2017. Le prix du carbone doit être élevé pour provoquer un mécanisme de substitution et la transition vers une économie décarbonée. Si le prix des énergies carbonées s’élève, l’incitation à emprunter les transports en commun plutôt qu’une voiture particulière ou à améliorer l’isolation des logements progresse. Plusieurs études ont montré qu’une augmentation de 10% du prix des carburants entraînait un recul de près de 5% de leur consommation.
La difficulté de la taxe carbone, c’est qu’elle n’est pas redistributive et pèse en proportion davantage sur les ménages à revenus modestes que sur les ménages plus aisés, a fortiori lorsque ces ménages vivent loin des grandes villes. A l’évidence, il est plus facile de changer ses habitudes de consommation lorsque l’on gagne bien sa vie dans un centre-ville que lorsque l’on vit difficilement dans les zones périphériques ou rurales de notre pays. C’est à cette question-là, soulevant une légitime question de justice sociale, que le gouvernement d’Edouard Philippe s’est heurté à l’automne dernier. Non seulement le but et le fonctionnement de la taxe carbone n’ont jamais été clairement expliqués aux Français par l’actuelle majorité et la précédente, mais le défaut d’accompagnement social de sa montée en régime ne pouvait qu’entrainer la révolte.
Augmenter la taxe carbone sans en redistribuer le produit est l’assurance de l’échec. Prenons appui sur l’exemple que nous donnent nos amis suédois. Une taxe carbone a été introduite en Suède en 1991. Elle est passée de 24 Euros à son introduction à 114 Euros près de 28 ans plus tard. Dans l’intervalle, le produit intérieur brut de la Suède a augmenté de 78% et les émissions suédoises de gaz à effet de serre ont reculé de 28%. Aucune révolte sociale n’est intervenue. Pourquoi ? Parce que la taxe a été présentée en toute transparence et que, surtout, sa hausse a été compensée par des baisses d’impôts sur les revenus du travail. La compensation est l’élément-clé. La taxe carbone, pour être acceptable et efficace, ne peut se traduire par une augmentation du niveau général d’imposition.
La France est un pays où les prélèvements obligatoires sont trop élevés. Il est impératif de baisser les impôts et les charges pesant sur les ménages. C’est dans cet objectif fiscal d’ensemble qu’il convient de placer la taxe carbone. Elle doit être compensée par des réductions d’impôts. Son produit doit être affecté en priorité aux ménages à revenus modestes afin de réduire son impact à court terme sur leur budget et soutenir à plus long terme leurs choix et investissements pour rompre avec la précarité énergétique. Le montant du chèque énergie doit être relevé et sa vocation élargie au-delà des seules dépenses de chauffage. Enfin, le produit de la taxe carbone doit également pouvoir contribuer à la rénovation des logements sociaux et des bâtiments publics (notamment les écoles) ainsi qu’à la mise en place de solutions de mobilité dans l’espace rural.
Il ne peut y avoir de combat gagnant contre le risque climatique sans justice sociale. C’est sur ce point que la taxe carbone française a péché, c’est sur ce point qu’elle doit évoluer. La fiscalité sur l’énergie n’est certes pas le seul moyen de lutter contre le réchauffement climatique – l’orientation de l’épargne privée vers les investissements bas carbone en est un autre – mais c’est le moyen le plus efficace pour parvenir à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Le dernier rapport du GIEC estimait que pour tendre à la réalisation des objectifs de l’Accord de Paris de 2015 et contenir à 1,5° l’augmentation de la température terrestre à la fin du siècle par rapport à l’ère préindustrielle, il faudrait que le prix du carbone soit multiplié par quatre. La taxe carbone doit y contribuer.
La France, pays hôte de la COP 21, ne peut renoncer ni à la taxe carbone sur le principe, ni à son augmentation. Remember, make our planet great again !
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Soutien à la Constitution espagnole
J’ai publié cette semaine une tribune en soutien à la Constitution espagnole sur le site de la Fundación Valsaín para la Promoción y Defensa de los Valores Democráticos, dirigée par mon ami Alvaro Gil-Robles, ancien Défenseur du peuple espagnol et Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe. Voici le lien permettant d’y accéder : https://fundacionvalsain.com/v2/site/index.php/en-apoyo-a-la-constitucion-espanola. Et ci-dessous la version en français de ce texte.
Je suis breton. La force et la vitalité des régions en Europe me passionnent. J’y vois l’avenir de notre continent, de son développement et de l’adhésion des peuples à un projet d’union dans la diversité. Français, je suis citoyen d’un pays où le centralisme a trop longtemps été la règle, bridant les volontés et les identités locales. C’est dire que la liberté d’une région d’affirmer son ambition dans le plein respect des règles constitutionnelles et européennes me parle spontanément au cœur.
Comme tant d’autres, je suis la crise en Catalogne avec inquiétude. Je connais et j’aime cette région. Je connais aussi l’Espagne : c’est le pays de mes enfants et de mon épouse. Le hasard veut que j’habite en Belgique à une quinzaine de kilomètres de Waterloo, « siège » depuis un an d’une improbable « République de Catalogne en exil ». D’anciens dirigeants régionaux, soutenus par un parti nationaliste flamand, s’y sont installés et se présentent comme des résistants pourchassés en raison de leur choix indépendantiste.
Tout cela est une invention. Personne en Espagne n’est poursuivi, encore moins emprisonné, en raison de ses opinions. C’est l’honneur de l’Espagne postfranquiste que d’avoir su rompre avec l’arbitraire, en construisant, par la volonté jointe et courageuse de forces politiques que l’histoire avait tragiquement opposées, une démocratie solide et un Etat de droit irréprochable. Des exilés et des prisonniers politiques, il y en avait sous la dictature, beaucoup même. Il n’y en a plus depuis l’avènement de la démocratie espagnole.
De quoi parle-t-on ? De dirigeants qui, à la tête du gouvernement régional, ont choisi d’ignorer les multiples avertissements de leur opposition au parlement catalan, du gouvernement espagnol et de la Cour constitutionnelle en organisant un référendum le 1er octobre 2017 sur l’indépendance de la Catalogne, puis en proclamant cette indépendance. Or, il n’existe pas de droit à l’autodétermination dans la Constitution espagnole, pas plus d’ailleurs que dans la Constitution française ou dans celle de la Belgique.
C’est dans ce cadre que des poursuites pour rébellion, sédition et autre détournements de fonds publics ont été engagées contre les dirigeants catalans concernés. Certains, placés en détention préventive, sont jugés en ce moment par le Tribunal suprême. D’autres non, ayant choisi la fuite – et non l’exil – pour échapper la justice. Les droits de la défense devant le Tribunal suprême sont scrupuleusement respectés. Les débats sont publics et chacun peut les suivre en streaming, en Espagne et ailleurs.
La vérité est là. La justice se prononcera comme dans tout Etat de droit. Dans l’attente, la désinformation et le « story telling » battent leur plein, fracturant profondément la société catalane et déstabilisant l’Espagne. Certains anciens dirigeants catalans en cours de jugement par le Tribunal suprême ou installés à Waterloo se présentent aux élections générales du 28 avril, menant campagne par vidéoconférences. Un parti d’extrême-droite, Vox, est apparu et appelle à la recentralisation de l’Espagne. Tout cela est redoutable.
Dans une démocratie, la Constitution doit être respectée. Elle peut certes évoluer, mais dans le strict respect des règles de réforme et de majorité qualifiée posées par le constituant. Aucune cause ne légitime le viol d’aucune Constitution en Europe. C’est la position que j’avais défendue en toute sincérité devant les autorités espagnoles, puis les députés à Madrid lorsque j’étais candidat au mandat de Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe il y a un peu plus d’un an.
Mais il faut aussi vouloir aller plus loin que le seul rappel de la Constitution et engager le débat, moins tant avec ceux qui écartent les règles pour imposer leurs idées, qu’avec le peuple espagnol et donc les habitants de la Catalogne, sevrés par la désinformation. Ce sont eux qu’il faut convaincre par des arguments de bon sens sur la force de l’identité régionale, son lien utile avec la Nation et la place centrale de la région en Europe. Et donc par le soutien renouvelé aux autonomies en Catalogne et dans le reste de l’Espagne.
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