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Mois : septembre 2019

Tourner la page du Brexit

©Pixabay

La semaine passée, je suis intervenu comme président de Europeans Throughout The World devant l’université d’été de la ECIT Foundation (European Citizen’s Rights, Involvement and Trust) à Bruxelles. Le sujet portait sur l’actualité de la citoyenneté européenne. Immanquablement, le débat a glissé sur les conséquences d’un Brexit sans accord pour les citoyens européens au Royaume-Uni et pour les citoyens britanniques établis dans un autre Etat membre de l’Union européenne. Dans mon intervention, j’ai souligné combien la citoyenneté européenne depuis le Traité de Maastricht et les quelque 20 années de jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union avaient été précieuses pour les droits des Européens, à commencer par leur droit de résidence. Cela concerne les citoyens mobiles, qui se déplacent d’un Etat à un autre, mais aussi, depuis l’arrêt Ruiz Zambrano de 2011, les citoyens qui ne se déplacent pas. La citoyenneté européenne est un plus pour les Européens, un plus important et déterminant. Dans ma vie passée d’élu, il m’était arrivé régulièrement de l’invoquer en direct auprès d’administrations françaises et étrangères pour faire prévaloir in situ l’égalité de traitement.

Que deviendraient les 3,6 millions de citoyens de l’Union européenne au Royaume-Uni et le million de citoyens britanniques dans les 26 autres Etats membres si le bénéfice de ces droits disparaissait avec le retrait sans accord du Royaume-Uni de l’Union ? Le sujet est majeur : il s’agit de la vraie vie, du quotidien concret et réel de familles. Qu’en serait-il par exemple des droits des parents non-britanniques d’un enfant britannique, auparavant citoyens européens ? L’accord de retrait négocié entre le Royaume-Uni et l’Union européenne maintient les droits inhérents à la citoyenneté européenne. Cela avait d’ailleurs été l’un des chapitres les plus débattus de la négociation. Une sortie sans accord serait à l’inverse un saut dans l’inconnu pour les anciens citoyens européens, devenant du fait du Brexit ressortissants d’Etats tiers. Dans cette hypothèse, j’ai développé l’idée du maintien du droit de résidence des citoyens européens et de leurs familles en référence aux « droits acquis » tels que définis dans la doctrine juridique internationale. C’est une solution, moyennement rassurante. La meilleure, bien entendu, resterait l’adoption par le Royaume-Uni de l’accord de retrait.

Le moins que l’on puisse dire est malheureusement que l’on n’en prend pas le chemin. Plus que jamais, après les débats échevelés à Westminster la semaine passée, l’impasse est totale. Une majorité ad hoc s’est formée au Parlement britannique pour imposer au Premier ministre Boris Johnson de demander à l’Union européenne un nouveau délai jusqu’au 31 janvier 2020 si aucune renégociation de l’accord de retrait n’aboutissait d’ici au 19 octobre. Le Brexit sans accord, avec ses conséquences économiques et sociales redoutables, fait légitimement peur. Mais la vérité est qu’aucune négociation sérieuse n’est en cours, tout simplement parce que Boris Johnson poursuit comme seul objectif la sortie de l’Union européenne sans accord et n’a fait aucune contre-proposition. Les 26 autres Etats membres de l’Union ont eu raison, pour préserver l’intégrité du marché unique et se protéger, de refuser toute réécriture de l’accord de retrait qui ferait tomber le filet de sécurité (« backstop ») écartant le rétablissement d’une frontière physique en Irlande. Quant à la majorité ad hoc qui s’est imposée face à Boris Johnson, elle a certes présenté ce qu’elle ne voulait pas, mais pas ce qu’elle voulait.

Rien n’est pire que l’incertitude présente. Je pense à ces millions de personnes pour qui la citoyenneté européenne est un acquis précieux. Je pense aussi à tous ceux dont l’emploi et les conditions de vie seraient affectés par le chaos et les pénuries liés à l’établissement de taxes et contrôles sur les produits importés. Le Royaume-Uni dépend à 50% des importations européennes, et davantage encore pour les produits frais et les médicaments. Je pense enfin aux entreprises et à leurs salariés, du côté continental de la Manche et de la Mer du Nord, pour qui le marché britannique est le premier débouché. On ne « désimbrique » pas une économie intégrée au sein du marché unique depuis des décennies. Le Brexit est une tragédie. Ce que vivent les Britanniques depuis juin 2016 montre toute l’irresponsabilité de l’ancien Premier ministre David Cameron : utiliser le référendum pour trancher une question interne au parti conservateur était une folie. A l’arrivée, ce n’est d’ailleurs pas l’Union européenne qui est la plus menacée, mais bien le Royaume-Uni lui-même. Comment en effet ne pas entendre les interrogations indépendantistes d’une Ecosse qui a voté largement pour rester dans l’Union ?

L’Union européenne ne peut être otage plus longtemps de la crise politique britannique, de l’aveuglement de Boris Johnson et des calculs byzantins du leader de l’opposition Jeremy Corbyn. Il faut en sortir. Le seul moyen, c’est le retour aux urnes. Il peut y avoir des élections générales. Il pourrait alternativement y avoir, et ce serait bien plus convaincant, un référendum sur l’approbation de l’accord de retrait entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. Après tout, pourquoi l’Union ne l’exigerait-elle pas ? Elle n’est aucunement forcée d’accepter un nouveau report de la date de retrait, surtout s’il n’existe aucune contre-proposition crédible pour renégocier l’accord. La fermeté a été son atout, elle doit le rester. Demander aux britanniques de se prononcer par référendum serait la condition à poser pour prolonger la date de retrait. A un référendum, la réponse est oui ou non. Alors que rien ne garantirait la même clarté après des élections générales. Dans un tel contexte, face à la gravité de l’enjeu, parce qu’il est temps de rassurer, d’apaiser et d’aller enfin de l’avant, je ne doute pas alors que le peuple britannique saurait faire en conscience le choix de l’Europe.

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Le temps des grands-parents

Les vacances sont finies. Nous avons retrouvé la maison à Bruxelles hier après des semaines sous le soleil breton et galicien. A la sortie de l’Ile-Tudy, alors que nous prenions la route, le ciel avait les premières teintes de l’automne. La veille encore, il faisait pourtant si beau. Comme un signe pour ne pas rendre notre chemin de retour trop triste. Petit à petit ces derniers jours, les maisons avaient fermé le long de la plage. Là où régnait encore il y a peu une joyeuse animation, le silence s’était installé. Les volets clos et les jardins devenus vides annonçaient l’imminence de la rentrée, me rappelant les dernières images d’un vieux film mythiques des années 1970, « l’Hôtel de la plage », et cette belle chanson de Mort Schuman, « un été de porcelaine », comme une douce mélodie soulignant que l’été est aussi une belle saison parce qu’un jour, elle s’achève.

Avec la fin des vacances arrive le temps de l’école. Et celui du repos mérité des grands-parents. Car l’été est la saison des grands-parents. Tant finalement dépend d’eux pour que ces moments soient heureux et construisent des souvenirs pour la vie. Sur le chemin vers Bruxelles, il y avait la nostalgie de la mamie de Bretagne et des abuelos de Galice. Mais les grands-parents, une fois la voiture partie ou l’avion envolé, étaient certainement nostalgiques aussi des jeux, des promenades, des chants, des rires et des confidences échangées durant des semaines de bonheur. Les grands-parents sont des héros attentionnés et tendres, des amis sages et attachants, des passeurs de mémoire. Leur place dans le cœur d’un enfant est immense (et dans celui d’un enfant devenu grand aussi). Quand vient le moment de ranger les ballons, les bouées, les pelles et les seaux, leur peine est la même.

Arrivant en Galice dans les premiers jours d’août, où séjournaient mes 3 enfants avec leurs grands-parents depuis le début du mois de juillet, j’avais remarqué dans la bibliothèque familiale un dessin signé par Marcos, Pablo et Mariana, accompagné par un petit texte en espagnol rédigé par une jeune main. Le texte exprimait de manière touchante toute leur tendresse pour leurs grands-parents, se réjouissait des semaines à passer ensemble et promettait gentillesse et obéissance. Les vacances d’été sont des marqueurs de l’enfance. Elles tapissent à jamais nos mémoires. Le temps passe, mais si peu s’oublie. Mes vacances d’enfant ont pour moi à jamais une place à part. J’aime imaginer que ce sera le cas pour Marcos, Pablo et Mariana aussi. Un jour, l’été reviendra et il sera beau. D’ici là, les photos, les appels, les visites feront vivre les souvenirs et l’espérance. Vive les grands-parents !

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