Je suis un enfant des années 1960, qui s’est éveillé aux joies et bonheurs du vélo vers 7-8 ans. Les héros de mes jeunes années s’appelaient Merckx, Ocana ou Thévenet. Et bien sûr Raymond Poulidor, que j’appelais « Poupou » comme à peu près tout le monde à l’époque. L’annonce de sa mort ce 13 novembre m’a profondément peiné. Plus qu’un coureur, plus qu’un champion, c’était un homme, une vie, un exemple que j’avais appris à aimer. Il y avait chez Raymond Poulidor une simplicité, une bonhommie, une immense gentillesse. C’est l’histoire d’un homme qui s’était élevé par le vélo et qui, au-delà l’une longue carrière, était resté un personnage populaire, présent sur le Tour de France, reconnu par des générations, y compris par celles qui ne l’avaient jamais vu sur la selle.
Pourquoi aimait-on Poupou? Parce qu’il était sympa, parce qu’il incarnait d’une certaine façon cette France rurale et généreuse, cette France des campagnes et de l’été dans laquelle nous nous reconnaissions tant. Sans doute un peu aussi parce qu’il était un glorieux second, jamais vainqueur du Tour, 8 fois deuxième, sans même avoir eu la chance de pouvoir porter un jour le mythique maillot jaune. Il avait été l’adversaire d’Anquetil, puis celui de Merckx. Entre le retrait de l’un et l’avènement de l’autre, Poupou n’avait juste pas eu de pot, battu par moins bon que lui, victime des circonstances et d’une solide poisse. Comme lors de cette chute en 1968 qui le laissa le visage en sang et le nez cassé sur une route du Sud-Ouest alors que filaient le peloton et le Tour qui lui tendait les bras.
Il serait injuste pourtant de ramener Raymond Poulidor à un champion qui ne gagnait jamais. Car des courses, il en a gagné, et de belles. Poupou était un puncheur, au démarrage sec en montagne. Il grimpait très bien et tenait son rang contre la montre. J’ai vu Poupou gagner, mais oui, et je m’en souviens comme si c’était hier! C’était au printemps 1974, en nocturne, sur les routes d’Ergué-Gabéric au critérium de la Vallée Blanche. Poupou avait fait le dernier tour à fond, lâchant ses concurrents dans le dernier virage de la côte de Stang-Ven, là où je me trouvais avec mon père. Deux ou trois heures plus tôt, s’échauffant, il avait ralenti à notre hauteur et mon père lui avait lancé : « Alors, Raymond, çà va ? ». Souriant, il nous avait répondu : « Mais oui, mais oui ». J’avais 9 ans et j’étais aux anges.
C’était Poupou. Et c’était nous aussi. Pleurer Poupou, c’est pleurer une époque, un temps lointain, de beaux souvenirs. C’est garder au cœur les valeurs qui ont fait le cyclisme et construit sa légende, au premier rang desquelles la dignité et la sportivité. Raymond Poulidor était un personnage incroyablement humain. Son amitié d’après le vélo avec Jacques Anquetil avait montré que la rivalité d’un temps pouvait faire place à une toute autre histoire après. Au Panthéon de mes souvenirs, il restera à jamais un maillot Gan-Mercier et un vélo mauve, les souvenirs de belles courses et de bras tendus, d’applaudissements et de regards émerveillés. Un homme s’en est allé, mais sa trace demeurera. Quelque part, sur mon vélo, au coin des routes et des chemins, il y aura toujours Poupou.
C’était Poupou
Je suis un enfant des années 1960, qui s’est éveillé aux joies et bonheurs du vélo vers 7-8 ans. Les héros de mes jeunes années s’appelaient Merckx, Ocana ou Thévenet. Et bien sûr Raymond Poulidor, que j’appelais « Poupou » comme à peu près tout le monde à l’époque. L’annonce de sa mort ce 13 novembre m’a profondément peiné. Plus qu’un coureur, plus qu’un champion, c’était un homme, une vie, un exemple que j’avais appris à aimer. Il y avait chez Raymond Poulidor une simplicité, une bonhommie, une immense gentillesse. C’est l’histoire d’un homme qui s’était élevé par le vélo et qui, au-delà l’une longue carrière, était resté un personnage populaire, présent sur le Tour de France, reconnu par des générations, y compris par celles qui ne l’avaient jamais vu sur la selle.
Pourquoi aimait-on Poupou? Parce qu’il était sympa, parce qu’il incarnait d’une certaine façon cette France rurale et généreuse, cette France des campagnes et de l’été dans laquelle nous nous reconnaissions tant. Sans doute un peu aussi parce qu’il était un glorieux second, jamais vainqueur du Tour, 8 fois deuxième, sans même avoir eu la chance de pouvoir porter un jour le mythique maillot jaune. Il avait été l’adversaire d’Anquetil, puis celui de Merckx. Entre le retrait de l’un et l’avènement de l’autre, Poupou n’avait juste pas eu de pot, battu par moins bon que lui, victime des circonstances et d’une solide poisse. Comme lors de cette chute en 1968 qui le laissa le visage en sang et le nez cassé sur une route du Sud-Ouest alors que filaient le peloton et le Tour qui lui tendait les bras.
Il serait injuste pourtant de ramener Raymond Poulidor à un champion qui ne gagnait jamais. Car des courses, il en a gagné, et de belles. Poupou était un puncheur, au démarrage sec en montagne. Il grimpait très bien et tenait son rang contre la montre. J’ai vu Poupou gagner, mais oui, et je m’en souviens comme si c’était hier! C’était au printemps 1974, en nocturne, sur les routes d’Ergué-Gabéric au critérium de la Vallée Blanche. Poupou avait fait le dernier tour à fond, lâchant ses concurrents dans le dernier virage de la côte de Stang-Ven, là où je me trouvais avec mon père. Deux ou trois heures plus tôt, s’échauffant, il avait ralenti à notre hauteur et mon père lui avait lancé : « Alors, Raymond, çà va ? ». Souriant, il nous avait répondu : « Mais oui, mais oui ». J’avais 9 ans et j’étais aux anges.
C’était Poupou. Et c’était nous aussi. Pleurer Poupou, c’est pleurer une époque, un temps lointain, de beaux souvenirs. C’est garder au cœur les valeurs qui ont fait le cyclisme et construit sa légende, au premier rang desquelles la dignité et la sportivité. Raymond Poulidor était un personnage incroyablement humain. Son amitié d’après le vélo avec Jacques Anquetil avait montré que la rivalité d’un temps pouvait faire place à une toute autre histoire après. Au Panthéon de mes souvenirs, il restera à jamais un maillot Gan-Mercier et un vélo mauve, les souvenirs de belles courses et de bras tendus, d’applaudissements et de regards émerveillés. Un homme s’en est allé, mais sa trace demeurera. Quelque part, sur mon vélo, au coin des routes et des chemins, il y aura toujours Poupou.