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Mois : juin 2021

Croire en la France, c’est voter !

Dans quelques jours auront lieu les élections régionales et cantonales. La campagne avance. Passionne-t-elle, mobilise-t-elle ? Rien n’est moins sûr. Déjà, certains commentateurs affutent leurs arguments pour les plateaux de télévision dimanche prochain : l’abstention sera nécessairement forte et il s’agira, comme d’habitude, de la déplorer, en y ajoutant les quelques trémolos qu’il faut pour justifier sa présence sur les dits plateaux. Tout cela n’est pas joyeux et sent allègrement le réchauffé. Des soirées électorales tristounettes et sans ressort, on en a connu. Est-ce que les Français s’en fichent vraiment des élections et de leur devoir civique ? On ne le saura que dimanche à 20 heures, lorsque fermeront les bureaux de vote. Tirer les conclusions d’un évènement avant même qu’il ait eu lieu est hasardeux. Une chose est sûre cependant : le débat politique français est sinistre et passe totalement à côté des enjeux des deux scrutins. La vacuité des idées est affolante. Il n’est question que de postures, de divisions, de calculs abscons et d’obsession présidentielle. Le tout sur fond de haine et de violence libérée, alimentée par quelques « youtubeurs » frappadingues et divers autres « contributeurs » en forme olympique, courageusement planqués derrière des pseudonymes sur les réseaux sociaux.

C’est à pleurer. On nous dira que c’est l’époque, que les gens ont tant souffert depuis mars 2020 que l’envie de vivre est plus forte, que c’est le printemps et même bientôt l’été et qu’en plus il y a l’Euro de foot. C’est juste en effet, à part que cela n’empêche pas non plus d’aller voter. Il n’y a aucune fatalité à ce que l’on s’abstienne et que le débat politique soit moche. Il faut pour cela vouloir élever le niveau, parler de ces élections plutôt que de celle d’après, ne pas céder à la confusion ambiante et encore moins y contribuer par des propos hors sujet. Nous traversons une crise économique et sociale gravissime, liée à une pandémie meurtrière, la pire depuis un siècle. Et quelles sont les responsabilités des régions et départements ? L’économie, l’aménagement du territoire et la formation pour les unes, le social pour les autres. C’est dire combien ces collectivités seront centrales dans la reconstruction à mener pour l’après-Covid. Or, tous les projets et propositions sur ces fronts ne se valent pas. Il y a des différences, des perspectives alternatives conséquentes entre les listes qui se présentent à nos suffrages. C’est de cela dont il faut parler : l’emploi, le modèle économique et le développement durable, pas les questions identitaires sur lesquelles les régions n’ont aucune prise ni compétence.

Français à l’étranger, sans doute ai-je le regard spontanément tourné vers les débats et rendez-vous électoraux des pays amis et partenaires. Je ne vois nulle part ailleurs la même atmosphère délétère, mais aussi le même atavisme et la même résignation qu’en France. L’idée que « c’est comme cela » et qu’on n’y pourrait rien, elle est chez nous seulement et elle me consterne. Il est temps d’en prendre conscience au-delà des microcosmes partisans et du boulevard périphérique de Paris. Lorsqu’en France, face à la difficulté d’organisation des élections en temps de pandémie, la réaction immédiate est de les repousser, elle est au contraire ailleurs d’amender les règles de droit électoral pour encourager la participation. Cela dit tout. En mars dernier, les élections aux Pays-Bas ont vu la plus large participation électorale. Ce fut le cas en mai aussi pour les élections au parlement régional de Madrid. Pourquoi ce qui est possible là-bas ne le serait pas chez nous ? Pourquoi ériger en totem notre droit électoral et chercher toutes les raisons possibles de rejeter le vote anticipé, utilement pratiqué dans d’autres pays ? Il faut vouloir oser, arrêter de calculer et de jouer petit bras tant est grand le risque d’envoyer la démocratie au fossé en vivant avec les peurs ou en les alimentant.

Il faut voter. La citoyenneté n’est pas faite que de droits, elle est aussi faite de devoirs et voter est un devoir civique. Quel est le sens de se plaindre de tout et de ne pas voter ? Je suis choqué d’entendre des gens affirmer ne pas voter parce que cela ne leur apporterait rien à eux, individuellement. Cet utilitarisme est une déconstruction affligeante du civisme. C’est une honte au regard de l’histoire de notre pays, de ses combats et de ses épreuves. Nous ne sommes pas une collection d’individus, pour certains altruistes (heureusement) et pour d’autres égoïstes (tristement). Nous sommes un peuple, une nation, un pays face à son destin. La citation est connue et elle concernait une autre histoire que la nôtre, mais ce qu’affirmait le Président John F. Kennedy dans son discours inaugural à Washington en janvier 1961 est plutôt universel : « (…) Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays ». Je revois ma grand-mère aller voter jusqu’au soir de sa vie, fière et consciente de son devoir. Je la revois aussi, lorsque ses pas ne la portaient plus jusqu’au bureau de vote, remplir dûment sa procuration pour que sa voix soit exprimée, parce qu’elle y tenait plus que tout. Ce souvenir m’a marqué à jamais comme petit-fils et citoyen.

Ce n’est pas être un vieux con, porté par la nostalgie ou la mémoire des temps anciens, que d’en appeler au sursaut civique, à la permanence des valeurs et au devoir. On en crève de tout relativiser, de tout accepter et au fond de lâcher prise. Croire en la France, c’est voter ! Et c’est faire voter également. Notre pays n’est pas foutu. Il a en lui des trésors d’imagination, de solidarité, d’initiatives, d’entreprises, de territoires, de femmes et d’hommes qui ont envie d’agir non pas seulement pour eux-mêmes, mais aussi pour lui. Ce message, cette volonté-là, il faut les valoriser, les diffuser, les défendre, y compris et surtout à portée d’engueulade et de convictions. Il faut parler avec passion de la France, de ce qu’elle signifie et de ce qu’elle doit être, et ses régions et départements avec elle. Il faut lutter dans le débat et par le vote contre ceux qui font leur pelote sur le malheur, la débine, la déprime collective et désormais le complotisme aussi. L’avenir ne s’écrit pas en vitupérant à longueur de temps, en pointant du doigt, qui la diversité de la France, qui les journalistes. Il s’écrit en participant, en proposant, en construisant, en fédérant. Il y en a assez du pessimisme ambiant et de la morosité. Il est temps d’avoir envie, de s’intéresser et de voter parce qu’être français, c’est d’abord cela.

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Un vent prudent de liberté

J’écris ces lignes depuis le dernier étage de ma maison de Bruxelles. Les vieilles demeures belges sont hautes et avoir un bureau sous les toits maintient en forme. Il faut grimper chaque jour les quatre étages pour rejoindre cette petite pièce que je me suis aménagée face à la cime des arbres. De là-haut, au milieu de mes livres, je vois venir le cycle des saisons et ces jours-ci, la promesse de l’été qui arrive. Il fait beau et même un peu chaud. J’entends le chant des oiseaux, si peu effarouchés par le calme compagnon que je dois être qu’ils s’arrêtent volontiers sur ma petite terrasse pour picorer. Et, tendant plus finement l’oreille, j’entends aussi les exclamations et rires remontant de la terrasse du café tout proche. Sans doute est-ce d’ailleurs, en cette année éprouvante, ce bruit qui est le plus réconfortant. C’est le bruit de la vie. Comme toutes les autres, la terrasse du café Chez Franz est restée vide de longs mois. En décembre, on y avait vendu des sapins de Noël. Deux ou trois semaines d’activités tout au plus, et puis plus rien. Un long hiver, sombre et gris, un long printemps aussi, comme un tunnel sans fin, avec les incertitudes et la peur taraudante. Mon petit Marcos a été contaminé au Covid en avril. Sa classe était devenue un cluster. Elle a fermé, puis toute l’école dans la foulée. Et nous avons connu l’isolement.

C’était il y a deux mois, alors que venait la troisième vague. Depuis lors, avec l’accélération de la campagne de vaccination, le temps de la reconquête arrive peu à peu, comme une libération. J’ai reçu ma seconde injection du vaccin de Pfizer le week-end passé. Elle m’a d’ailleurs laissé largement sur le flanc. Pas de risque pourtant que cela fasse de moi un antivaccin, bien au contraire : la vaccination est l’unique moyen de sortir de la pandémie. Les gestes barrières et la distanciation sociale n’ont à la pratique qu’une utilité limitée. On s’en est aperçu à l’automne dernier, lorsque le relâchement de l’été 2020 après le confinement rude du printemps avait entrainé la seconde vague de la pandémie. Je pense que la vaccination contre le Covid devrait être rendue obligatoire. C’est ce que l’Académie Nationale de Médecine a recommandé en France il y a quelques jours. Le manque de vaccins n’est désormais plus un obstacle. Les vaccins sont là et c’est plutôt de bras à vacciner que nous manquerons bientôt. Or, c’est la clé : si 30% de la population refuse le vaccin, jamais nous n’atteindrons l’immunité collective. La tragédie que traverse le monde depuis un an et demi requiert que l’on applique au Covid la même obligation que l’on a pu imposer pour la variole, la diphtérie, le tétanos, la tuberculose ou la poliomyélite.

J’attends le moment où tomberont les masques, les vrais, ceux qui nous barrent le visage depuis trop longtemps au point que l’on ne sait plus trop bien qui se trouve derrière. La semaine passée, c’est avec un masque d’enfant arborant un ours en peluche que j’ai failli arriver à un important rendez-vous à la préfecture de l’Yonne, sauvé in extremis par un vieux masque fatigué trouvé au fond d’une poche de manteau alors qu’un peu désespéré, je me préparais déjà au ridicule. Mieux vaut en rire. Des anecdotes de la sorte, nous en aurons certainement tout plein à partager après la pandémie. Encore faut-il qu’elle recule, puis disparaisse. Un vent de liberté, si légitime, accompagne ces beaux jours de printemps. Il ne peut cependant être imprudent alors que rien n’est gagné vraiment. Alors, vacciner, vacciner encore, tel doit être l’objectif pour retrouver le bonheur d’une vie sociale, le plaisir de revoir nos proches, nos parents âgés, ceux que l’on n’a plus vu parfois depuis un an, parce que voyager n’était plus possible, parce que c’était trop dangereux pour eux et pour nous. Un an sans grands-parents, c’est long. Je le vois pour mes enfants. Je pressens dans l’échange leur besoin de courir vers eux, les bras tendus, lorsque s’ouvriront enfin les portes de la voiture ou celles de l’aérogare, avec le temps prochain des vacances.

Cette liberté-là est aussi celle dont nos économies et les entreprises ont besoin. Tant bien que mal, grâce au « quoi qu’il en coûte », elles ont tenu le choc. Il faut pouvoir retrouver le chemin de la production et de la consommation, dépenser l’épargne constituée durant la pandémie, rebondir. Et là aussi, la vaccination de tous est la solution. Les économies ne pourront rester sous perfusion gouvernementale, au prix d’une dépense publique illimitée et d’un endettement qui s’envole. L’envie de repartir est là. Elle dépend du recul définitif de la pandémie et donc des décisions nécessaires pour le permettre. Nous ne retrouverons pas le monde d’avant. Ce que nous avons traversé et traversons encore exclut toute tentation d’oubli. Tant de leçons devront être tirées sur ce que le terme de résilience veut dire, sur les obligations et la responsabilité qui accompagnent l’exercice de la liberté, celle de chacune et chacun d’entre nous, celle de nous tous ensemble aussi, notre bien le plus précieux. Sans doute en parle-t-on peu aux terrasses des cafés, et c’est bien compréhensible tant l’attente de liberté est vive, mais ce sentiment tapisse malgré tout l’esprit. Personne ne souhaite revivre les incertitudes, les souffrances, les peines et les chagrins de 2020 et 2021. Il reste pour cela une ultime étape : la vaccination de tous.

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