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Avec Roland Gilles, mon ami cycliste

Roland Gilles et Claudia à l’entrainement en ce mois de mai sur les routes du Tarn

Dans quelques semaines, les Françaises et les Français éliront leurs députés. Député, je l’ai été. Je connais ce mandat. J’ai beaucoup aimé l’exercer. J’aurais aimé continuer. Avec le recul de quelques années désormais, mes meilleurs souvenirs à l’Assemblée nationale sont ceux du terrain, auprès des gens, au contact des réalités de notre pays et – s’agissant de la circonscription que je représentais – des Français à l’étranger. J’ai été touché par l’humanité des personnes rencontrées, par leurs itinéraires, leurs passions, leur unité, leur générosité. Les sujets que je portais étaient forts et je puisais dans ces rencontres une belle et nécessaire part d’énergie, forcément contagieuse, et quelque part aussi une forme d’émerveillement. J’écris tout cela ce 19 mai parce que j’ai envie de rendre hommage à quelqu’un, rencontré en Bosnie-Herzégovine. Cet homme est Roland Gilles. Il était l’Ambassadeur de France à Sarajevo. Roland est devenu un ami. Notre rencontre en 2013 reste un pic de mon mandat, politique et diplomatique bien sûr, tant la Bosnie-Herzégovine, pays fascinant, est également un pays complexe, mais plus que tout personnel et humain. J’écris ce post ce 19 mai parce que mon ami Roland Gilles, retraité depuis quelques années et élu local à Albi, est candidat aux prochaines élections législatives dans le Tarn. Et j’ai envie qu’il gagne.

Préparant mon premier voyage de député à Sarajevo en 2013, j’avais demandé à mon collaborateur Cyril Mallet de me donner quelques éléments de biographie sur l’Ambassadeur. Major de Saint-Cyr, Général d’armée, Directeur-Général de la Gendarmerie nationale, les titres et décorations étaient impressionnants. A cela, Cyril avait ajouté une petite ligne déterminante : double champion de France militaire de cyclisme. Le vélo étant une religion pour moi, la petite ligne visait juste ! Arrivé à Sarajevo, je m’aperçus que l’Ambassadeur avait fait son petit travail biographique de son côté aussi et qu’il connaissait les écrits que j’avais pu commettre sur le cyclisme, à défaut – le regret de ma vie – d’avoir un jour levé les bras sur une ligne d’arrivée. Ainsi, entre mes rendez-vous au Parlement bosnien, au Collège international français de Sarajevo, à Mostar et Banja Luka, nos échanges passèrent rapidement des choses formelles et institutionnelles aux passions personnelles. Les étages de la Résidence de France étaient pleins de coupes, de maillots tricolores et même arc-en-ciel, ceux de championne du monde de l’épouse brésilienne de Roland, Claudia Carceroni de Carvalho. Un matin, avant un rendez-vous, Roland me dit : « viens, on va voir les vélos ». Dans le garage se trouvaient les magnifiques machines sur lesquelles Claudia et lui sillonnaient la Bosnie et l’Herzégovine le week-end.

La France a eu ainsi pendant 3 ans à Sarajevo un Ambassadeur cycliste. Nombre d’habitants sur les hauteurs de la ville avaient pris l’habitude de le voir passer avec Claudia, tous deux vêtus de tricolore, enchaînant les kilomètres sur un relief redoutable et des pentes aux pourcentages alpins. Je crois volontiers à la force du sport, à sa capacité de rassemblement, de dépassement, d’apaisement aussi. Et cela n’est pas sans sens profond dans un pays aussi marqué par la guerre et les souffrances que la Bosnie-Herzégovine. Avec Roland, à Sarajevo, par mail et par téléphone aussi, nous parlions de paix, de stabilisation, de développement économique et humain. C’est d’ailleurs à la Bosnie que je consacrerai mon dernier rapport parlementaire. Dans la conversation vint un jour une annonce : « avec la société du Tour de France, j’organise une course cycliste internationale en juin 2014 pour les 100 ans du début de la Grande Guerre à Sarajevo. Ce sera symbolique. La course sera au calendrier de l’UCI. Tu viendras et tu seras sur un vélo ». J’étais intrigué, surpris, enthousiasmé certainement aussi. Et prêt à m’engager. Le but était pour cette course d’emprunter les routes de la République serbe de Bosnie, de la Fédération croato-bosniaque et même la fameuse « Sniper Alley » de Sarajevo. Et derrière les pros pédaleraient tous les enfants de Sarajevo, vêtus de jaune et filmés depuis le ciel par un hélicoptère.

Ce jour vint. J’étais au rendez-vous. A ma plus grande surprise, d’anciens vainqueurs du Tour comme Bernard Thévenet, Joop Zoetemelk et Stephen Roche aussi. Je devais me pincer pour y croire. Il y avait le directeur du Tour, Christian Prudhomme, dans sa fameuse voiture rouge et, en guest star, le Ministre de la Défense d’alors, Jean-Yves Le Drian, venu de Paris avec son vélo à lui. Suivant les anciens champions, Roland, Claudia et la voiture du Tour, chacun d’entre nous revêtu d’un maillot jaune, nous avions pédalé sur la « Sniper Alley », la route neutralisée par la police bosnienne, pour rejoindre le peloton des pros à Sarajevo-Est. Là-bas, nous avions échangé avec la Présidence collégiale de la Bosnie-Herzégovine, les Français en jaune d’un côté, les Bosniens en costume de l’autre. Et nous avions ensuite pris le départ avec les pros, roulant en peloton jusqu’au centre historique de Sarajevo, notre Ministre en tête. Je garde un souvenir ébloui de ce moment. Et une conviction : l’homme qui était parvenu à mettre une telle organisation sur pied, Roland Gilles, mériterait bien d’autres étapes, sur la route et dans la vie. Quelques semaines après, Roland et Claudia remettaient la clé de la Résidence de France et rentraient chez eux dans le Tarn … à vélo, escortés jusqu’à la frontière croate par la police bosnienne. A leur arrivée dans leur village les attendaient les écoliers sur leurs petits vélos.

Quelques années ont filé depuis. Avec Roland, nous n’avons pas perdu le contact. Je l’aurais volontiers imaginé rejoindre la société du Tour de France. C’est dans la politique, localement, qu’il s’est investi. Je n’en ai pas été vraiment surpris. Roland a le goût des gens, le sens de l’humain, la volonté et plus encore la capacité d’agir. J’ai été heureux de son élection au conseil municipal d’Albi en 2020. Et sa candidature aux élections législatives m’a fait très plaisir. Si j’étais encore député, nous ne ferions pas le choix du même groupe parlementaire, mais là au fond n’est pas le plus important. Le plus important, c’est l’humanité du candidat, son engagement, son empathie et sa capacité de rassemblement pour changer les choses. Roland Gilles a tout cela. J’ai vu, sur le terrain qui était le mien, comment il parvenait à fédérer les idées et les gens. Je suis sur les réseaux sociaux sa campagne, active et pleine de rendez-vous, d’étapes dirait-on en jargon cycliste. Je ne doute pas d’ailleurs que le candidat, soucieux de rester en forme, trouve le temps encore de pédaler avec Claudia. J’espère de tout cœur que Roland Gilles l’emportera en juin dans le Tarn. Il le mérite. Le 12 juin, j’attendrai les résultats, comme pour un prologue. Et le 19 juin, c’est vers la ligne d’arrivée que se portera mon regard, espérant voir Roland Gilles, au sprint ou en solitaire, venir la couper le premier.

Ce souvenir avec Jean-Yves Le Drian à Sarajevo en juin 2014, c’est à Roland Gilles que je le dois.