
Dans quelques jours, le 20 janvier prochain, un dingue prêtera serment comme Président des Etats-Unis. S’il ne fait aucun doute que Donald Trump a remporté l’élection présidentielle le 5 novembre dernier, il n’y en existe tristement aucun également quant à la folie des intentions qu’il professe depuis sa victoire. Ainsi donc, sous la menace d’une guerre commerciale et éventuellement d’une guerre tout court, le Danemark serait prié de vendre le Groenland aux Etats-Unis, le Canada devrait en devenir le 51ème Etat et le canal de Panama serait annexé. Réalise-t-on le délire absolu de telles affirmations, au mépris total du droit international, de la souveraineté des Etats et territoires concernés, des volontés populaires et des citoyennetés ? Ce n’est pas un bouffon ou un clown qui va s’installer à la Maison Blanche pour 4 ans, c’est un individu dangereux pour le monde, le droit, la liberté et la paix. S’ajoutent à cela les provocations d’Elon Musk contre les démocraties européennes et son soutien aux partis d’extrême-droite en Allemagne, en Italie et au Royaume-Uni, les insultes à la Commission européenne et l’ingérence violente dans les vies politiques nationales. Musk tient Trump par le fric. La folie et la mégalomanie s’entretiennent l’une l’autre. Avec cela, Poutine peut vivre tranquille.
Le silence de l’Europe me glace. Elle est où, la Présidente de la Commission européenne ? Il est où, le Président du Conseil européen ? Ils disent quoi ? C’est le moment pour l’Union européenne de se manifester, de parler haut et fort, de se faire entendre. Rien ne vient pourtant, Bruxelles vit sa petite vie, business as usual. Cette politique de l’autruche est incompréhensible. Elle est également inacceptable. L’Europe est un projet de paix par le droit. Elle n’est pas qu’un marché, une somme de préoccupations mercantiles et boutiquières. A quoi bon se battre depuis des décennies pour faire vivre cet idéal et y donner corps si c’est pour filer sous le tapis lorsque la folie de certains nous expose ? Car c’est bien de folie dont il s’agit. Nous ne sommes plus au temps où on achetait la Louisiane et annexait la Floride pour quelques sacs de billes. Nous sommes au temps de la menace nucléaire, de la menace climatique, d’un péril existentiel. Face à Trump et à Musk, il faut parler cash, fermement et rapidement. Il ne saurait être question que les Etats-Unis s’emparent de territoires souverains au nom d’un expansionnisme d’opérette. La souveraineté a un sens en droit international. Elle en a un aussi pour chacun des Etats membres de l’Union européenne et pour l’Union elle-même.
La Commission européenne est tenue par des devoirs au regard des Traités. Cela concerne notamment la protection de l’espace public européen. On ne saurait tolérer qu’Elon Musk utilise son réseau social pour déstabiliser nos démocraties, agissant comme le maître du monde qu’il pense être. Dans nos démocraties, ce n’est pas le fric ou la supposée intelligence entrepreneuriale qui écrivent l’avenir, c’est le vote et ce sont les choix collectifs de nos peuples. Le vote doit être libre de toute ingérence, a fortiori étrangère. Il existe dans la législation européenne l’arsenal nécessaire pour calmer les ardeurs d’Elon Musk. Tout est donc question de volonté, de lucidité et de courage. Ou bien la Commission européenne, sous la responsabilité d’Ursula von der Leyen, s’attelle à la tâche comme elle peut et doit d’ailleurs le faire, ou bien les Etats membres devront reprendre la main face à sa carence et imposer des mesures pouvant aller jusqu’à l’interdiction du réseau social concerné. Il faut arrêter de finasser. Plus tôt les responsabilités seront prises, le mieux ce sera. La communauté de destins qu’est l’Union européenne doit assumer sa puissance en défense de ses principes et valeurs plutôt que de trembler pour les quelques dizaines de milliers de voitures qui pourraient bien ne plus être exportées.
Nous vivons une triste époque. Je suis attaché au libre échange et à l’économie réelle. J’ai passé une bonne partie de ma vie dans l’entreprise, mais une autre aussi comme parlementaire. L’économie sociale de marché – j’insiste sur « sociale » – à laquelle je suis attaché est pour moi intimement liée à la démocratie libérale. Or, la démocratie, c’est bien plus que des élections, c’est l’Etat de droit, ce sont les checks and balances existant dans nombre de Constitutions admirables et notamment celle des Etats-Unis. On ne fait pas n’importe quoi au motif que l’on a gagné les élections. Une victoire électorale n’est pas une licence pour 4 années de folie et de mesures arbitraires, en rupture avec le droit international, la paix et la croissance partagée. J’espère que l’Union européenne saura enfin réagir, mais aussi qu’il se trouvera dans le jeu institutionnel du fédéralisme américain des élus courageux, y compris et peut-être même d’abord du côté républicain, qui oseront au nom du serment qu’ils prennent à leur entrée en fonction s’opposer au pire. J’aime les Etats-Unis, j’y ai vécu deux belles années. Je fais la différence entre les Etats-Unis et Trump, entre le Parti républicain et Trump. Dire fermement non à Trump, ce n’est pas dire non à l’Amérique. C’est lui rappeler que nous n’avons d’avenir qu’ensemble.
Commentaires fermés
L’esprit Violette
Comme tant d’autres amoureux de la mer, de la course au large et des grands espaces, j’ai suivi avec passion l’aventure de Violette Dorange sur le Vendée Globe Challenge depuis le mois de novembre. J’ai été touché, impressionné, bouleversé par l’immense courage de Violette, sa fraicheur et sa joie de vivre. Partir seule à tout juste 23 ans pour un tour du monde à la voile sans escale sur les mers les plus lointaines et les plus agitées du globe était un défi énorme, un Everest maritime, une géniale folie. Tous les jours, le matin et le soir, je scrutais Facebook pour avoir des nouvelles de Violette. A en juger par le nombre de likes et de commentaires, des dizaines de milliers d’autres admirateurs en faisaient de même. Les vidéos de Violette étaient fortes parce qu’elles étaient authentiques, sincères et justes. Il y avait des images hallucinantes, comme celles prises tout en haut de son mat. Elle nous souriait. Derrière nos écrans, nous flippions sévère. Elle nous racontait sa vie à bord, sa course – car elle est une régatière dans l’âme – ses espoirs, ses doutes et ses craintes, dans le vent, la pluie ou un lever de soleil. Je me souviens de son passage au point Nemo, le point le plus éloigné de toute terre, quelque part dans le vaste Pacifique, et de sa peur de la tempête redoutable qui s’annonçait à l’approche du Cap Horn.
Depuis le bout du bout du monde, face à l’immensité de l’océan, qu’il soit Indien, Pacifique ou Atlantique, un sourire apparaissait, même quand c’était dur. Ce sourire valait plus que tout le reste tant il était pour nous sur la terre ferme une sacrée leçon de vie. Y croire, s’accrocher, apprécier le moment et l’énormité de l’aventure, tout s’y trouvait. Violette a su lever un enthousiasme, sans peut-être même en prendre la mesure, par sa simplicité et son sens du partage. Nous avions tous les jours le témoignage d’une jeune femme qui vivait à plein son rêve et qui nous le racontait. Elle nous donnait des nouvelles. Nous vivions la course avec elle. Pour le vieux et très modeste voileux que je suis, c’était la révolution absolue avec les temps anciens, ceux d’avant les premières balises Argos et même d’un peu après aussi, lorsque les skippers – quasiment tous des mecs – étaient plutôt taiseux ou mutiques, sur les pontons et plus encore en course. La course commençait et ils ne nous disaient plus rien. Les récits, nous les découvririons après (ou pas). Violette est née avec notre siècle, ses codes et ses réseaux sociaux. Jour après jour, elle a rassemblé une communauté impressionnante de femmes et d’hommes, d’enfants aussi, que son incroyable aventure a fédéré en France et bien plus loin.
Hier matin, j’avais la chair de poule en suivant sur mon téléphone depuis Bruxelles l’arrivée de DeVenir, son voilier, aux Sables d’Olonne. C’était la première fois que l’on revoyait Violette « live » depuis le départ du même port le 10 novembre. J’aurais voulu être là-bas, le long du mythique chenal vendéen, pour assister à sa remontée sous les vivas et les bravos d’une foule immense brassant toutes les générations. Les pancartes, les banderoles, les cornes de brume, les cris des enfants disaient une reconnaissance infinie à Violette. L’émotion était immense, la sienne bien sûr, et la nôtre aussi. Un tour du monde s’achevait et une histoire, une belle, une vraie, était en marche. Je pensais au projet sociétal qui avait nourri cette aventure, celui de venir en aide à la jeunesse en difficulté et à son insertion grâce à la Fondation Apprentis d’Auteuil. Il n’était aucun meilleur message d’espoir et d’abnégation que celui de Violette, de retour de ses 3 mois sur les mers, nous envoyait. Il y avait la volonté et le talent, mais aussi le travail d’une équipe à laquelle elle a su rendre hommage car la course au large d’aujourd’hui, même en solitaire, est désormais une histoire collective. Cela valait un joli feu d’artifice final et une arrivée unique au son de Ocean Eyes, la belle et envoutante chanson de Billie Eilish.
Ce que Violette Dorange nous a donné à vivre est précieux et universel. C’est l’espoir et la confiance, la sincérité et la générosité. C’est un état d’esprit. Nous vivons une époque difficile et souvent sombre. Les occasions de porter un regard sur le monde autre que pessimiste ou rageux ne sont pas légions. Nous avons besoin de récits vifs, volontaires, positifs comme celui de Violette, qui nous rappellent que la force d’âme n’est pas une illusion, qu’elle existe en chacune et en chacun d’entre nous, que la puissance d’un rêve peut conduire au dépassement et qu’il faut toujours vouloir y croire. C’est cela, l’esprit Violette. Je suis sûr qu’elle nous racontera, encore et encore, ses 3 mois au cœur du Vendée Globe Challenge, la plus grande et la plus exigeante des courses à la voile au monde, et ses projets futurs lorsque le moment sera venu. Et quand viendront les beaux jours sur nos côtes françaises, j’espère bien que les écoles de voile et les classes de mer verront venir vers elles des tas de nouveaux petits marins conquis par le souffle de l’aventure et par la contagieuse joie de vivre d’une jeune femme de 23 ans dont l’histoire, au cœur de l’hiver 2025, aura rencontré la leur. Il faut que l’esprit Violette infuse en eux, en nous, et qu’il dure longtemps.