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Agir pour les personnes handicapées françaises à l’étranger

Nous commémorons aujourd’hui les 10 ans de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Cette loi est un texte essentiel dans l’arsenal juridique français, qui a permis au cours de la décennie écoulée de réaliser de grands progrès, notamment sur la scolarisation des enfants handicapés et la reconnaissance d’un droit à compensation. Elle définit le handicap comme « toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant ».  Récemment, une circulaire de Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, en date du 25 septembre 2012 avait rappelé l’obligation d’inclure un volet handicap dans chaque projet de loi. Et un référent handicap a été nommé depuis dans chaque Ministère.

Le combat doit encore se poursuivre, en particulier sur l’accessibilité universelle ou l’emploi des personnes handicapées. Il doit faire place aussi aux difficultés spécifiques rencontrées par les handicapés français établis à l’étranger. Trop de situations conduisent en effet à une discrimination aussi intolérable qu’incompatible avec la philosophie et les principes de la loi de 2005. Deux exemples précis, vécus en circonscription, me viennent à l’esprit. Le premier est l’absence de prise en charge par la collectivité du coût des auxiliaires de vie scolaire (AVS) nécessaires aux enfants handicapés scolarisés dans les établissements de l’Agence pour l’Enseignement Français à l’Etranger (AEFE). Là où cette prise en charge est de droit en métropole et dans les outre-mers, elle ne donne lieu à soutien public à l’étranger que dans la limite du plafond de revenus défini par le barème des bourses scolaires. De ce fait, de nombreuses familles d’enfants handicapés ne perçoivent aucun soutien et doivent donc assumer seules le coût de l’AVS. Rares sont par ailleurs dans l’Union européenne les possibilités de prise en charge par l’Etat de résidence.

Il est nécessaire d’évaluer le nombre d’enfants français handicapés scolarisés dans le réseau de l’AEFE afin de simuler aussi précisément que possible ce que représenterait le coût de la prise en charge par la collectivité des AVS. Je sais que les contraintes budgétaires actuelles rendent incertain pareil exercice, mais il aurait cependant beaucoup de sens au regard des efforts déployés par ailleurs par l’AEFE pour l’accueil des enfants handicapés, notamment par le renforcement de la formation des enseignants à cette réalité. C’est d’une impulsion politique et d’une volonté gouvernementale ferme dont nous avons besoin à l’étranger afin que les enfants français handicapés se voient reconnaître les mêmes chances de développement et d’intégration à l’école que tous les autres. Sans doute gagnerions-nous aussi à porter cette cause devant le Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées (CNCPH), acteur incontournable de la politique du handicap depuis la loi du 11 février 2015.

L’autre exemple de discrimination auquel je songe est l’absence de reconnaissance mutuelle d’évaluation du handicap à l’échelle européenne, qui pénalise considérablement la libre circulation des handicapés au sein de l’Union. Il en résulte des difficultés souvent rédhibitoires quant à l’accès au soutien, aux prestations et à l’emploi dans les mêmes conditions que les nationaux handicapés. J’ai pu le vérifier très récemment, lorsque l’administration française a invoqué l’absence de reconnaissance mutuelle du handicap pour rejeter la candidature d’un compatriote de ma circonscription au titre du recrutement spécifique prévu par la loi du 11 janvier 1984. Le seul tort de ce compatriote, largement qualifié pour les fonctions auxquelles il espérait légitimement accéder, était d’avoir fait évaluer son handicap dans le pays où il vit depuis de nombreuses années. Selon l’administration, seule l’évaluation préalable du handicap en France l’autoriserait à l’avenir à poser à nouveau sa candidature. On marche sur la tête…

L’article 18 du Traité sur l’Union européenne, couplé à la Directive 2004/38 sur le droit de séjour, ne permet-il pas de qualifier une telle situation de discrimination directe en raison de la nationalité ? On pourrait déjà en débattre. Il n’en reste pas moins politiquement nécessaire de souhaiter voir la Commission européenne proposer un projet de Directive au Conseil et au Parlement européen afin de définir clairement les devoirs incombant aux Etats membres. Il n’est pas acceptable de se réfugier derrière l’inachèvement du droit européen pour déguiser un manque de courage politique, si ce n’est même parfois une humanité quelque peu défaillante. A cette fin, j’ai écrit cette semaine à Marianne Thyssen, Commissaire européenne à l’emploi, aux affaires sociales et à la mobilité. La Commission doit agir. La France aussi. J’ai profité hier de la séance des questions au gouvernement pour échanger avec Ségolène Neuville, Secrétaire d’Etat chargée des Personnes handicapées et de la Lutte contre l’exclusion. Ségolène Neuville a marqué son accord de principe pour une rencontre prochainement avec les parlementaires des Français de l’étranger sur cette question. C’est un premier pas. A nous d’agir pour qu’il soit suivi d’effets.

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