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Agir pour l’internationalisation de l’économie française

J’ai été auditionné ce jeudi 25 avril par les responsables opérationnels de la mission interministérielle d’évaluation de la politique publique en appui à l’internationalisation de l’économie française.

Vous trouverez plus bas le texte de la note que j’avais écrite à l’appui de mon intervention. Elle se nourrit bien sûr de mon expérience de député des Français de l’étranger, mais aussi d’ancien dirigeant d’une entreprise allemande de parenté américaine du secteur de l’énergie solaire, qui a vainement tenté d’implanter une usine en France et d’y créer 420 emplois entre 2009 et 2012.

Je suis convaincu que l’internationalisation de l’économie française est la condition clé de la croissance pérenne nécessaire au redressement de l’emploi dans notre pays. Il y a de ce point de vue beaucoup à faire tant en soutien à l’exportation qu’en appui à l’investissement étranger. Il est important en particulier de poser un regard lucide et sans concession sur les politiques conduites à ce jour, qui ont abouti à une dispersion des moyens et des ressources sans réel résultat concret.

 

Note sur l’internationalisation de l’économie française

 

Les dispositifs publics de soutien à l’internationalisation de l’économie française souffrent de sérieux handicaps, mis en lumière par une série de rapports parlementaires et par la Cour des Comptes ces dix dernières années. La détérioration marquée du commerce extérieur de la France rend plus que jamais nécessaire l’évaluation de ces dispositifs, leur réorientation et l’optimisation des moyens publics. De la même manière, il est nécessaire de s’interroger sur l’efficacité de l’action en faveur de l’investissement international en France et de faire à cette fin des propositions nouvelles.

1- Le choix des pouvoirs publics de viser au rang de première priorité l’augmentation du nombre de PME exportatrices sans s’en donner les moyens est une erreur stratégique. Les TPE et PME ont à ce jour une contribution limitée aux exportations françaises. Représentant près de 90% des entreprises exportatrices, elles ne pesaient que 26,4% du total des exportations en 2012. A l’inverse, les ETI, si elles ne représentent que 8% des entreprises exportatrices, pesaient plus de 31% des exportations. Trop de TPE et de PME, clientes d’Ubifrance, exportent une année et ne le font plus l’année suivante. L’on peut, face à ce turn over élevé, s’interroger sur l’efficacité de la politique actuelle de soutien à l’exportation.

 

Notre difficulté tient avant tout à la taille des entreprises exportatrices. La France a deux fois moins d’ETI que l’Allemagne ou la Grande-Bretagne. Or, la taille d’une entreprise et sa structuration sont des éléments critiques pour la réussite à l’export. Les PME françaises sont le plus souvent trop petites ou insuffisamment structurées pour percer durablement à l’export. L’appui des pouvoirs publics doit être plus sélectif au bénéfice des entreprises qui ont la capacité de devenir des exportateurs compétitifs. Il doit être aussi prolongé dans le temps (au moins 3 ans) car une stratégie pérenne à l’export se bâtit sur la durée.

 

2- Un travail en amont doit être mené pour conduire les PME à l’export. Le manque de fonds propres est la première difficulté des PME. Or, une implantation dans un marché est la condition du succès à l’export. Le soutien de la BPI doit ici être déterminant au profit de projets solides qui ont besoin de ce relais pour démarrer. Une autre difficulté tient à l’absence de connaissance du pays visé, de sa culture et de sa langue. C’est une erreur fréquemment commise par les entreprises françaises que de recruter sur des profils de grandes écoles et des critères propres au marché de l’emploi en France. Il faut au contraire rechercher, notamment parmi les Français de l’étranger, des profils locaux, connaisseurs avertis de la réalité du marché et de son ouverture.

 

L’internationalisation de l’économie française doit passer par la mobilisation des réseaux locaux d’entrepreneurs français, y compris de ceux qui dirigent des entreprises de droit local, à ce jour insuffisamment reconnues par les services économiques français. Les CCIFE, les clubs d’affaires, les lieux informels d’échange entre dirigeants d’entreprises à l’étranger constituent autant de ressources que la puissance publique doit mobiliser. Ce sont des réseaux de professionnels et une carte des talents à l’étranger qu’il faut recenser et faire vivre. Mieux qu’Ubifrance, qui n’accompagne pas les entreprises au-delà de la première découverte du marché, ces réseaux peuvent utilement soutenir l’entreprise dans sa démarche d’implantation.

 

3- Depuis sa création en 2004, Ubifrance a vu son réseau à l’étranger se réduire considérablement, passant de 145 missions économiques dans 113 pays en 2006 à 75 bureaux dans 60 pays en 2012. Ce réseau actuel couvre, certes, près de 93% des exportations françaises, mais il tend aussi à figer la situation, prévenant toute démarche de soutien au développement de flux commerciaux dans des pays non-couverts à ce stade, qui constituent pourtant des marchés à fort potentiel. La valeur ajoutée pour l’action publique de grands bureaux Ubifrance dans des pays de forte présence commerciale française est une interrogation.

 

Dans certains pays, il existe en outre une concurrence contreproductive et pourtant alimentée entre Ubifrance et les CCIFE, qui pose la question de la cohérence de l’action publique et de la dispersion des moyens. Il faut réinscrire la logique de service public dans l’action de l’EPIC Ubifrance (rôle de l’autorité de tutelle) et réinvestir les pays à potentiel et difficiles d’accès, là où il n’existe aucune alternative sérieuse à Ubifrance. A l’inverse, là où l’offre commerciale française est bien établie, il faut envisager de confier le service aux entreprises par une délégation utile et équilibrée de service public aux CCIFE qui en ont les moyens et la volonté.

 

4- L’internationalisation de l’économie française dépend grandement aussi de l’attractivité de notre pays pour les investissements internationaux. Plus de 30% des exportations françaises sont faites par les filiales en France d’entreprises étrangères. L’on a coutume de se réjouir de l’attractivité de la France. C’est un fait qui ne saurait être disputé et il faut s’en réjouir. Reste que cette attractivité pourrait être bien plus forte si les politiques et les moyens étaient clairement définis et mutualisés entre les différents acteurs, nationaux comme régionaux, et que le rôle de stratège de l’AFII était affirmé. A la différence de l’Allemagne, où les acteurs locaux, régionaux et nationaux savent s’unir dans une logique de guichet unique pour attirer les investisseurs, pareille discipline n’existe pas en France.

 

La région doit être le moteur du développement économique. Chaque région a ses atouts, ses spécialisations, son projet économique. Les régions ne peuvent avoir pour vocation de se faire concurrence entre elles. Ce devrait être la mission prioritaire de l’AFII que d’appréhender précisément les offres respectives des régions et d’orienter les investisseurs vers les sites dans ces régions qui correspondent le plus aux détails d’un cahier des charges, sans interférence politique et dans une seule perspective industrielle. L’AFII doit de ce fait passer du rôle d’accompagnateur à celui de facilitateur de la démarche d’investissement. A l’initiative de l’AFII et de la DATAR, toute rencontre et négociation avec un investisseur devrait regrouper chaque échelon du millefeuille administratif et territorial pour éviter la dispersion des moyens, les incompréhensions et le découragement de l’investisseur.

Ces quelques réflexions, nourries par mon expérience de député des Français de l’étranger et un passé d’investisseur étranger en France, requièrent une remise à plat des mécanismes de soutien à l’internationalisation de l’économie française. L’écoute des entreprises, le recensement des talents, la mutualisation des moyens et la recherche concrète du résultat doivent être les éléments clés de la nouvelle politique à mettre en place. 

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