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Bilan de la session de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe (23-27 juin 2014)

J’ai participé cette semaine à Strasbourg à la session trimestrielle de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE). Plusieurs importants rendez-vous figuraient au programme de la session, notamment un débat d’urgence sur la situation politique en Ukraine et le discours très attendu dans l’Hémicycle du Palais de l’Europe du nouveau Président ukrainien Petro Porochenko. Il s’agissait de la première visite à l’étranger du Président Porochenko depuis sa prise de fonction et il est symbolique que cette visite ait été réservée aux parlementaires des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe. Petro Porochenko fut lui-même membre de l’APCE lorsqu’il siégeait comme parlementaire à la Rada. Le Président Porochenko a développé devant l’Assemblée son plan de paix, soulignant notamment la nécessité d’une vaste décentralisation des pouvoirs à l’échelle des régions afin de rassembler le pays dans sa diversité. La Constitution ukrainienne sera amendée à cette fin dans les prochains mois.

 

La situation humanitaire dans l’est de l’Ukraine et dans la Crimée occupée par la Russie ne cesse d’inquiéter. Le Président Porochenko, mais aussi le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe Nils Muiznieks, de retour d’un long déplacement sur place, nous ont livrés des témoignages inquiétants sur les violences, exactions et actes de guérilla touchant les populations dans l’est du pays. J’ai été touché par l’intervention d’un collègue ukrainien, député de Crimée, empêché de rentrer chez lui dans la péninsule depuis son annexion par la Russie. Le Président Porochenko a rappelé qu’il oeuvrait pour une résolution pacifique du conflit et déploré à ce stade l’absence de retour positif de la Russie à son plan de paix, au-delà de son échange informel avec Vladimir Poutine en Normandie le 6 juin dernier. Ce débat comme la session plus largement s’est déroulé sans les parlementaires russes, privés de leurs droits de vote – mais pas d’Hémicycle – jusqu’à la fin de l’année 2014 par décision de l’APCE le 9 avril dernier.

 

L’autre visiteur étranger de cette session aura été le Président azerbaidjanais Ilham Aliyev, dont le pays assure depuis mai et jusque novembre la présidence tournante du Conseil de l’Europe. C’est peu dire que cette visite, à l’inverse de celle de Petro Porochenko, aura été contestée et diversement appréciée tant il est clair que l’Azerbaïdjan reste un pays qui, sur le front des droits de l’homme, a toujours un grand chemin à accomplir. L’expression du Président Aliyev, dans un anglais parfait, aura peu convaincu les parlementaires. Les orateurs des groupes ont été nombreux à l’interroger sans succès sur le respect de l’Etat de droit et de la liberté d’expression. Le Président de la délégation française René Rouquet, député du Val de Marne et premier vice-président de l’APCE, s’est ainsi vu refuser un visa le mois passé pour prendre part à la réunion du Bureau de l’APCE à Bakou. En cause, sa proximité avec l’Arménie et une visite ancienne au Nagorny Karabagh. Le nom de René apparaît aux côtés de plus de 300 autres sur une liste noire de personnalités interdites de visite en Azerbaïdjan.

 

Le combat pour les droits de l’homme et l’Etat de droit repose, entre autres, sur la diplomatie parlementaire et c’est d’ailleurs là toute la valeur ajoutée de l’APCE. Reste cependant qu’il est troublant de passer en quelques heures des dirigeants les plus respectables et impressionnants de ce point de vue à des personnalités qui n’ont ni le même bilan, ni – plus grave – les mêmes préoccupations. J’entends que le débat parlementaire permanent sur lequel repose le travail de l’APCE doive conduire au progrès, mais je ne peux cependant que m’interroger sur le sens qu’il y a à accueillir au sein du Conseil de l’Europe des pays dont les régimes vivent souvent très à l’écart des standards de la Convention européenne des droits de l’homme. Je n’ai pas aimé que le Président Aliyev s’en prenne personnellement et avec agressivité à ceux des députés dont les questions le dérangeaient, et encore moins accepté qu’il élude sans se faire reprendre d’autres questions, comme celle portant par exemple sur les droits de la communauté LGBT en Azerbaïdjan.

 

Cette session aura vu la réélection du Secrétaire-Général du Conseil de l’Europe Thorbjorn Jagland, ancien Premier Ministre et président du Parlement norvégien, à un second mandat de 5 ans. Il était opposé à l’ancienne Ministre de la Justice allemande Sabine Leutheusser-Schnarrenberger. Depuis la précédente session en avril, j’avais suivi avec attention la campagne des deux candidats. Curieusement, je n’avais été réellement convaincu ni par l’un, ni par l’autre. Non qu’ils n’aient aucune qualité pour le poste, loin s’en faut, mais parce qu’à aucune moment, je n’ai senti chez eux le souffle, la vision et l’émotion qui ne sont pourtant pas de trop lorsque l’on postule à la direction de la plus ancienne et prestigieuse organisation européenne. J’ai trouvé les exposés des candidats en avril et juin décousus, incomplets, convenus et surtout vides de perspective et d’ambition. Il n’est pas interdit de dire que l’on aime l’Europe et que l’on se bat avec foi pour les droits de l’homme. La mécanique quotidienne ne peut tenir lieu de programme. Elle ne fait en tout cas pas rêver.

 

J’ai pris la parole à deux reprises dans les débats de l’Hémicycle, intervenant sur la panne politique européenne et le fédéralisme (voir ici la vidéo), puis sur les identités et la diversité au sein de sociétés multiculturelles (voir ici la vidéo). Ce sont deux sujets importants et qui me tiennent à cœur, promis notamment pour le second à une possible activité conventionnelle du Conseil de l’Europe, que j’avais choisi de traiter à l’aune de mon expérience en circonscription. J’ai engagé au sein de la Commission de la culture et de l’éducation la préparation d’un rapport sur les réseaux associatifs et d’enseignement des diasporas des 47 Etats membres, qui prolongera la réflexion sur la pluriculturalité et que je devrais présenter dans l’Hémicycle à la fin 2015. J’ai également introduit une demande de rapport devant la Commission des affaires juridiques et des droits de l’homme, où je siège aussi, sur les conflits d’autorité parentale à l’échelle transnationale et le besoin d’une définition européenne de l’intérêt supérieur de l’enfant. Le travail sur ce dernier projet pourrait débuter concrètement lors de la prochaine session au début octobre.

 

Inscrit comme orateur dans le débat relatif à la Macédoine (mission d’observation des élections des 13 et 27 avril derniers), je n’ai pu malheureusement avoir la parole en raison de la décision prise en dernière minute de jumeler ce débat à l’examen du rapport de la mission d’observation électorale en Ukraine. L’Ukraine a capté de ce fait toute l’attention et tout le temps de parole. Je m’en suis ému et ai diffusé un communiqué de presse auprès des journalistes accrédités pour déplorer le déficit d’émotion quant à la situation politique très détériorée en Macédoine. Ce communiqué se trouve plus bas en pièce jointe. Je ne lâcherai pas cette question car la Macédoine mérite toute l’attention du Conseil de l’Europe et de son Assemblée Parlementaire. Le prochain rendez-vous à l’APCE sera pour moi la session d’automne, du 29 septembre au 3 octobre. Dans l’intervalle, je suivrai la mise en place de certains changements importants dans le travail de l’APCE, comme notamment la constitution d’une commission de plein exercice chargée de l’élection des juges à la Cour européenne des droits de l’homme. 11 juges devront être élus sur la seule année 2014 – presque un quart de la Cour, c’est dire l’enjeu – et travailler au sein de cette commission m’intéresserait tant la Cour est essentielle pour notre Etat de droit.

Communiqué de presse Macédoine FR

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