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Bilan de la session d’été de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe (22-26 juin 2015)

J’ai participé cette semaine à la session d’été de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) à Strasbourg. De nombreux dossiers importants devaient être examinés, par la voie de rapports ou de débats d’urgence. Ce fut notamment le cas des migrations de la misère en Méditerranée, qui a donné lieu à des échanges passionnés, mêlant la préoccupation humanitaire et la nécessité tant à la fois de prévenir ces drames et de ne pas laisser injustement la charge de dizaines de milliers de migrants aux seuls gouvernements italien, maltais et grec. Les députés de ces pays ont su avec raison et parfois véhémence nous le rappeler. La Présidente de la République de Malte Marie-Louise Coleiro Preca nous l’a dit aussi le 22 juin, tout comme le Secrétaire–général des Nations Unies Ban Ki-moon le lendemain, appelant l’APCE à jouer toute son rôle au service de la diplomatie parlementaire. A l’occasion de cette session, nous avons également procédé à l’élection des juges letton, luxembourgeois, monégasque et arménien à la Cour européenne des droits de l’homme ainsi qu’à celle de la Secrétaire-générale adjointe du Conseil de l’Europe. Nous avons réélu la candidate italienne Gabriella Battaini-Dragoni pour un second mandat de Secrétaire-générale adjointe du Conseil de l’Europe aux côtés du Secrétaire-général Thorbjorn Jagland.

Je retiens de cette semaine quelques débats marquants. L’APCE a condamné fermement la dérive autoritaire et liberticide en Azerbaïdjan, d’autant plus inquiétante que s’y profilent des élections générales en novembre prochain. Tout est fait malheureusement par le régime du Président Alyiev pour museler l’opposition, depuis les représailles incessantes à l’égard des médias libres et des organisations non-gouvernementales jusqu’à la répression systématique exercée à l’égard des défenseurs des droits. L’indépendance fait défaut dans l’administration de la justice, le respect de la présomption d’innocence et de l’équité des procès aussi. Cette situation, venant d’un pays qui présidait le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe l’an passé encore, est consternante et appelle réaction. Ce fut le cas indéniablement dans les votes de l’APCE , même si je ne m’explique guère pourquoi certains collègues, attentifs aux droits de l’homme en règle générale, le sont soudainement moins à chaque fois qu’il s’agit de l’Azerbaïdjan. Pour ce qui me concerne, je continue de penser que l’Azerbaïdjan du Président Alyiev n’a plus sa place au sein du Conseil de l’Europe, malheureusement. Que faire face au despotisme, sinon se montrer ferme, se battre sur la base des faits et refuser tout compromis ?

L’APCE a rappelé sa condamnation de l’annexion de la Crimée par la Russie et du rôle joué par ce pays dans la déstabilisation de l’Est de l’Ukraine. S’il est nécessaire de maintenir le dialogue autant que possible avec les parlementaires russes, il serait regrettable de montrer la moindre faiblesse face à la violation du droit international. Il faut rappeler en effet que c’est un vote unanime de la Douma qui avait donné le signal de l’annexion de la Crimée l’an passé. Les parlementaires russes ont décidé en janvier dernier, à l’issue du vote de sanctions par l’APCE (en particulier la suspension de leurs droits de vote), de ne plus participer à nos débats tout au long de l’année 2015. C’est leur décision. Elle pénalise l’ensemble de l’institution, mais sans doute davantage encore la Russie elle-même. C’est à ces parlementaires et à eux seuls qu’il appartiendra de déterminer s’ils entendent revenir à l’APCE en janvier 2015. Je souhaite leur retour, d’autant que plusieurs d’entre eux avaient entrepris des travaux et rapports importants dans les commissions auxquelles ils appartiennent.  Mais cela ne pourra se faire au prix d’une moindre exigence de la part de l’APCE quant au respect du droit international et des droits fondamentaux en Ukraine.

Je me suis exprimé dans 3 débats à l’occasion de cette session. J’étais le porte-parole du groupe socialiste sur la protection des lanceurs d’alerte (voir ici). J’ai soutenu le rapport du député chrétien-démocrate néerlandais Pieter Omtzigt, qui recommandait aux Etats membres d’élargir aux domaines du renseignement et de la sécurité nationale par une convention-cadre du Conseil de l’Europe la protection accordée aux lanceurs d’alerte. Par coïncidence, ce débat est intervenu le jour où étaient rendues publiques les révélations de WikilLeaks sur l’écoute des 3 derniers Présidents de la République française par la NSA. Je suis intervenu également dans le débat relatif à la situation des droits fondamentaux en Hongrie, regrettant les dérives du gouvernement Orban sur la liberté des médias, le discours de haine, les discriminations à l’égard de la communauté rom ou bien encore le combat larvé contre les organisations non-gouvernementales d’origine étrangère. La question posée  (voir ici) était de savoir s’il fallait maintenir la Hongrie sous une forme de suivi spécial par l’APCE. Malheureusement, l’alliance des conservateurs britanniques et d’une partie de la droite chrétienne-démocrate, volant au secours du Premier ministre Viktor Orban, ne l’a pas permis. Le nationalisme d’Orban et de son parti, le Fidesz, peut être déstabilisateur au cœur de l’Europe. Rien n’est moins innocent en effet que la construction d’un mur de 4 mètres de haut à la frontière avec la Serbie ou l’annonce durant quelques heures le 24 juin de la suspension par la Hongrie de l’application du Règlement de Dublin 3 sur les demandeurs d’asile.

J’ai saisi l’occasion du débat libre dans l’Hémicycle pour porter à l’attention de l’APCE le sujet du respect des droits fondamentaux dans les organisations internationales (voir ici). L’immunité de juridiction dont bénéficient les organisations internationales ne saurait en effet conduire à des situations de moindre droit, affectant le droit de grève, la négociation collective ou la reconnaissance des lanceurs d’alerte. J’ai voulu, ce faisant, souligner l’impasse dans laquelle se trouve l’Office Européen des Brevets depuis sa condamnation par la Cour d’appel de La Haye en février dernier, condamnation permise par la levée tout à fait exceptionnelle de son immunité de juridiction. En parallèle de mon intervention en séance, j’avais également préparé une déclaration écrite sur cette même question, qui a recueilli les signatures de 82 parlementaires, issus de 32 Etats membres et de 4 groupes politiques différents (socialiste, libéral, chrétien-démocrate et gauche unie européenne). Le texte de la déclaration écrite, co-signée par les présidents des 4 groupes parlementaires précités, se trouve en pièce jointe. J’espère que ces expressions contribueront favorablement à la recherche d’une solution à la crise sociale et de gouvernance qui secoue gravement l’Office Européen des Brevets. Je souhaiterais que la gouvernance défaillante de l’Office soit soumise à l’examen de la Commission de Venise (Commission européenne pour la démocratie par le droit), organe du Conseil de l’Europe, qui pourrait faire toutes les recommandations valables de sortie de crise.

J’ai interrogé le Président de la  Bosnie-Herzégovine Mladen Ivanic, en visite au Conseil de l’Europe dans le cadre de la présidence bosnienne du Comité des Ministres, sur l’application inégale des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme (voir ici). Le Président Ivanic fut avant son élection l’un de nos collègues à l’APCE et il connaît bien cette question récurrente à laquelle chaque Etat membre a été exposé lorsque survient un arrêt qui le met en difficulté. C’est le cas de la Bosnie-Herzégovine, qui refuse depuis 6 ans d’exécuter l’arrêt Sejdic et Finci, par lequel la Cour avait déclaré contraire à la Convention européenne des droits de l’’homme l’inéligibilité de citoyens bosniens refusant de se déclarer bosniaques, serbes ou croates. Dans le débat consacré au rapport sur la transparence dans la propriété des médias de la députée socialiste turque Gülsün Bilgehan, j’ai co-signé les amendements de la députée libérale géorgienne Chiora Taktakishvili en faveur d’une obligation de transparence faite aux autorités publiques sur les achats d’espace publicitaire auxquelles elles procèdent dans les journaux et magazines. Ces achats sont en effet un moyen de museler la presse ou de la réduire au silence dans plusieurs Etats membres du Conseil de l’Europe. Nos amendements ont été adoptés en séance.

Rapporteur de la Commission de la Culture sur les réseaux éducatifs et culturels des diasporas, j’ai auditionné Madame Sarah Mastantuoni, directrice de l’Organisation des Suisses de l’étranger, et Madame Sevim Tasçi, Conseillère pour les questions d’intégration auprès du gouvernement du Land de Sarre. L’Organisation des Suisses de l’étranger, soutenue par le gouvernement de la Confédération, mène de nombreuses actions pour la jeunesse suisse de l’étranger, dans le domaine de l’éducation (il existe 17 lycées suisses dans le monde) et celui de l’université. Je mettrai l’accent dans mon rapport sur le soutien aux étudiants issus de l’étranger, qui voit les Suisses entreprendre ce que nous, Français, ne faisons malheureusement pas (inéligibilité à Campus France). J’ai été très intéressé de découvrir, s’agissant de la Sarre, les initiatives prises pour encourager par la jeunesse des diasporas l’apprentissage de la langue du pays d’origine. Et touché de découvrir dans la présentation de Madame Tasçi au nom du gouvernement sarrois cette citation si juste de Michel Rocard : « Si l’on ne donne pas de patrie aux jeunes immigrés, ils se créeront dans leur tête une patrie imaginaire. L’intégrisme et le fanatisme feront le reste : au bout de l’exclusion, on trouve souvent la délinquance et parfois le terrorisme ».

Je poursuivrai mes auditions à l’automne, avant d’entreprendre la rédaction du rapport au début 2016. J’espère pouvoir le soumettre au débat et vote de l’APCE en septembre 2016, assorti de recommandations de politique publique aux 38 Etats membres. La prochaine session de l’APCE aura lieu du 28 septembre au 2 octobre.

Déclaration écrite

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