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Contre le racisme, la haine et l’intolérance (Paris 8 septembre 2016)

Le 8 septembre dernier, j’ai participé à un séminaire organisé au Sénat par l’Alliance parlementaire contre la haine, consacré à la lutte contre le racisme, la haine et l’intolérance en France. L’Alliance parlementaire contre la haine a été établie il y a près de deux ans par l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE). Nicole Duranton, sénatrice de l’Eure, et moi-même au titre de l’Assemblée nationale y représentons le Parlement français. Les objectifs de l’Alliance sont la sensibilisation aux dangers du racisme et de l’intolérance, la promotion de la non-discrimination, le respect de la diversité et la protection des droits dans la lutte contre le terrorisme et la radicalisation. Les membres de l’Alliance prennent régulièrement position contre le racisme, la xénophobie et la haine dans le débat public de leurs pays respectifs. L’Alliance est coordonnée par Milena Santerini, députée italienne et rapporteure générale sur la lutte contre le racisme et l’intolérance à l’APCE. Elle travaille également avec les comités nationaux de la campagne du Conseil de l’Europe intitulée « Mouvement contre le discours de haine », dont l’Ambassadrice est la députée luxembourgeoise et ancienne Présidente de l’APCE Anne Brasseur.

Le séminaire du 8 septembre nous a permis d’analyser précisément la situation de la France. J’ai été très intéressé par l’exposé de Christine Lazerges, présidente de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH). Une étude de l’état de l’opinion réalisée en janvier 2016 par l’Institut Ipsos pour la CNCDH fait état, après 4 années de baisse continue, d’une progression de l’indice de tolérance, explicable par la réaction de l’opinion aux attentats de 2015. Cependant, les chiffres du Ministère de l’Intérieur sur les faits délictueux (actions et menaces) à caractère raciste, antisémite ou antimusulman révèlent une hausse de 22,4% pour l’année 2015 par rapport à 2014. Dans le détail, les infractions antisémites sont en recul de 5,1% pour un total de 808 faits délictueux. La population juive, qui représente moins de 1% de la population totale de la France, reste pourtant la cible de 40% des actes racistes commis. Les infractions antimusulmanes augmentent, quant à elles, de 223% pour un total de 429 faits délictueux, caractérisés par une progression redoutable dans l’échelle de la violence : tirs à balles réelles, jets de grenade, agressions ou incendies. Les autres faits, recensés génériquement comme actes racistes, augmentent de 17,5% pour un total de 797 actes.

Ces chiffres du Ministère de l’Intérieur sont inquiétants. Ils sont également à manier avec précaution car nombre d’actes de haine ne donnent malheureusement pas lieu à dépôt de plaintes. De même, le dispositif statistique du Ministère n’inclut pas les faits de discrimination, de sorte que ces informations, pour utiles qu’elles soient, n’en sont que parcellaires. Ce que ressentent au contact du terrain les défenseurs des droits, tant institutionnels que dans la société civile (de nombreuses ONG étaient présentes au séminaire), c’est une banalisation redoutable du racisme en France. Telle est aussi la conclusion essentielle du rapport consacré en décembre 2015 à la France par la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI), présenté devant le séminaire par l’ancien magistrat Régis de Gouttes. L’ECRI déplore une augmentation importante du discours de haine et de la violence motivée par le racisme et l’intolérance. Le discours de haine s’accroit sur Internet et les réseaux sociaux, mais aussi à l’occasion de manifestations publiques (comme celles de la Manif pour Tous). En parallèle, l’ECRI regrette que peu d’évaluations des politiques d’intégration aient été réalisées et que les budgets de ces politiques aient baissé.

Que faire ? Au discours de haine, il faut opposer un contre-discours vigoureux, qui repose avant tout sur l’éducation et les réseaux sociaux. J’ai trouvé passionnant le projet de contre-discours de haine présenté par Guillaume Buffet, Président de la plateforme de transformation digitale U, que j’avais rencontré une première fois au Forum mondial de la démocratie en 2015. Le Conseil de l’Europe a réalisé l’an passé un manuel contre la haine, destiné aux enseignants et aux milieux scolaires. Je l’avais remis à la Ministre de l’Education nationale, demandant que ce manuel soit diffusé et utilisé. Je regrette qu’aucune suite ni même de réponse n’ait été apportée à ma démarche. Il est important que le gouvernement prenne en compte les diagnostics des défenseurs des droits et s’appuie sur le travail remarquable du Conseil de l’Europe. C’est insuffisamment le cas. J’ai regretté ainsi que le Délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, Gilles Clavreul, dont la participation était initialement annoncée, soit absent au séminaire et ne s’y soit pas fait représenter. Le Préfet Clavreul aurait pu mettre en avant les initiatives gouvernementales de ces dernières années, reconnues par la CNCDH et l’ECRI, et répondre aux questions soulevées par les participants.

Parmi les recommandations faites, je retiens celles de l’ECRI, en particulier en faveur de la pénalisation systématique des discours de haine, de l’insertion de la lutte contre les préjugés raciaux et homophobes dans les curricula scolaires et programmes de formation des enseignants, ainsi que du maintien des budgets des politiques d’intégration et de l’évaluation régulière de leur impact. La CNCDH, pour sa part, encourage les Ministères à mettre en œuvre des outils permettant de mieux mesurer les discriminations dans leurs champs respectifs de compétence. Elle suggère d’introduire dans la Charte de la laïcité un article valorisant l’esprit d’ouverture, qui protège la diversité, le pluralisme religieux, la liberté de conscience et donc l’individualité et la particularité de chacun. Pour lutter contre le discours de haine sur Internet, elle recommande l’adoption d’un plan national sur l’éducation et la citoyenneté numérique. Je retiens également ses propositions en faveur de la mise en place d’une attestation nominative de contrôle pour lutter contre le contrôle au faciès et le développement d’actions de formation spécifiques pour les personnels de la gendarmerie et de la police sur l’accueil des victimes d’actes et menaces à caractère raciste et antisémite.

Il me revenait de conclure ce séminaire, dont j’ai souhaité qu’il soit organisé chaque année et permette ainsi de mesurer le terrain parcouru dans la lutte contre la haine dans notre pays. J’ai remercié les orateurs et les participants, notamment Milena Santerini et Anne Brasseur, venues d’Italie et du Luxembourg. Plusieurs membres belges, suisses et monégasques avaient également fait le déplacement. J’ai rappelé l’urgence pour le gouvernement français de mieux collaborer avec les instances compétentes du Conseil de l’Europe. La France n’a toujours pas formellement adhéré au « Mouvement contre le discours de haine » du Conseil de l’Europe et elle doit le faire. Je regrette à ce titre qu’Anne Brasseur n’ait été reçue par aucun Ministre durant son séjour. La coopération des Etats entre eux est également nécessaire, a fortiori à l’échelle du Comité des Ministres. Pour finir, j’ai rappelé combien tout repose sur l’éducation dès le plus jeune âge, avant que les préjugés, les atavismes et la bêtise ne prennent place. Je suis convaincu ainsi de la nécessité d’un apprentissage à l’école du fait religieux. Je milite également pour que la visite d’un lieu marqué par un crime de haine (comme la Maison des enfants d’Izieu ou Oradour/Glane) soit rendue obligatoire à l’école.

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