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Discours devant l’assemblée générale de l’Université Franco-Allemande

J’ai participé le jeudi 2 juin à Nice à l’assemblée générale des établissements membres de l’Université Franco-Allemande (UFA). La Présidente de l’UFA, Madame Oster-Stierle, m’avait invité à prendre la parole devant l’assemblée générale. L’UFA me tient à cœur. J’ai pu voir dans ma vie professionnelle passée combien les cursus bi-diplômants représentent un atout pour l’employabilité des jeunes. Depuis 2012, j’ai travaillé étroitement avec Madame Oster-Stierle et son prédécesseur Patrice Neau. Je me suis engagé auprès du gouvernement à plusieurs reprises, en lien avec la Ministre-présidente de Sarre Annegret Kramp-Karrenbauer, pour arracher les efforts budgétaires. Il faut aussi faire connaître l’UFA, dont la notoriété reste insuffisante. En une quinzaine d’années, plus de 25.000 étudiants ont bénéficié de ses nombreux cursus dans deux au moins des quelque 100 universités et écoles partenaires. Près de 1.500 étudiants sortent diplômés chaque année et trouvent en moyenne leur premier emploi en moins de 3 mois.

Dans mon intervention devant l’Assemblée générale, j’ai souhaité mettre l’accent sur l’employabilité, la nécessité de maîtrise précoce de la langue du partenaire et l’effort budgétaire à consentir en France et en Allemagne afin de répondre à l’attente des étudiants. Le 14 juin, la direction de l’UFA, plusieurs universités et écoles partenaires ainsi que les étudiants et anciens étudiants seront réunis à mon invitation à l’Assemblée nationale pour une présentation devant le groupe d’amitié France-Allemagne. Je souhaite construire la mobilisation pour l’UFA à l’Assemblée, en particulier auprès de celles et ceux de mes collègues députés qui, dans leurs circonscriptions respectives, ont une université partenaire de l’UFA. Avec l’Université Franco-Allemande, c’est l’avenir et la compréhension mutuelle de de la jeunesse de nos deux pays que nous construisons. Nous devons nous y consacrer sans relâche.

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Pierre-Yves Le Borgn’ 

Assemblée générale de l’Université Franco-Allemande 

Nice, le 2 juin 2016

 

 

Madame la Présidente de l’Université Franco-Allemande, chère Madame Oster-Stierle,

Monsieur le Vice-Président, cher Professeur David Capitant,

Monsieur le Secrétaire-Général, cher Monsieur Hellmann,

Mesdames et messieurs les présidents et représentants d’université,

Mesdames et messieurs, et surtout chers représentants des étudiants,

Permettez-moi avant tout de vous remercier très sincèrement pour l’invitation que vous m’avez adressée de participer à l’assemblée générale de l’Université Franco-Allemande, ici à Nice. Député des Français d’Allemagne, président du groupe d’amitié à l’Assemblée nationale, l’Université Franco-Allemande est une institution qui m’est chère. Elle l’est aussi au cadre-dirigeant d’entreprise que je fus dans une autre vie, notamment en Allemagne, et qui valorisait par-dessus tout dans le recrutement des jeunes talents les parcours bi-diplômants. L’Université Franco-Allemande est une réalisation formidable dont on parle peu, trop peu à mon goût, alors même que son succès est tangible depuis ses premières années.

Depuis Nice, j’ai une pensée pleine de reconnaissance pour la ville de Weimar, en Thuringe, là où tout a commencé. Weimar a accueilli de nombreux artistes au cours de l’histoire, l’assemblée constituante qui adopta la première Constitution républicaine allemande y siégea, elle est la ville symbole choisie pour lancer en 1991 la coopération privilégiée entre la Pologne, l’Allemagne et la France. Et c’est aussi à Weimar que fut signé le 19 septembre 1997 l’accord fondateur de l’Université Franco-Allemande, il y a près de 20 ans.

Die Wahl Sarrebrückens als Sitz der Deutsch-Französichen Hochschule ist auch symbolisch. Neben der Nähe zu Frankkreich ist Saarbrücken die Hauptstadt eines Bundeslandes, das nach dem zweiten Weltkrieg einen besonderen Status hatte. So wurde am Anfang der Fünfziger Jahre darüber diskutiert, dem Saarland ein europäisches Statut, selbst wenn es schlilich nicht dazu kam. Ziel war die Errichtung eines von den Mitgliedstaaten unabhängigen Bezirk, so wie Washington DC in den USA. Saarbrücken als Hauptsitz der europäischen Institutionen  wäre wundervoll gewesen. Denn so wie die Deutsch-Französischen Beziehungen Grundlage der Europaïschen Union sind, ist die DFH ein Modell für die Weiterentwicklung der europäischen Kooperationen im Bereich der Hochschulbildung.

La direction de l’UFA exprime parfaitement le paritarisme franco-allemand avec une présidence et vice-présidence provenant des systèmes universitaires de nos deux pays. Mais au-delà des symboles qui marquent la création de l’UFA, son siège et sa structure, c’est l’histoire d’une grande réussite qu’il faut retenir, une grande réussite qui doit faire face aujourd’hui à un certain nombre d’incertitudes et de défis, notamment budgétaires, et qui reste malheureusement trop souvent méconnue alors que sa contribution à l’employabilité des diplômés sur le marché du travail est la meilleure preuve de son succès.

I- L’UFA ou l’histoire d’un succès unique au monde

 

Je veux citer ici une phrase tirée du site de l’UFA, qui constitue le résumé de ce qu’est l’organisation. L’UFA a pour missions fondamentales de susciter, coordonner et financer des programmes d’études entre des établissements d’enseignement supérieur français et allemands partenaires”, quiproposent des cursus intégrés du premier au troisième cycle débouchant sur des diplômes binationaux prisés sur le marché du travail”

L’acquisition de compétences permettant de travailler dans les deux Etats est une condition indispensable à l’intégration du cursus parmi les programmes soutenus par l’UFA. Le label UFA, preuve de qualité pour le monde de l’entreprise, s’acquiert quand le cursus aboutit à un double diplôme, inclut des examens et une durée d’études équitablement répartis entre les établissements français et allemand, et repose sur un programme de formation commun. C’est ce degré d’intégration qui permet aux cursus intégrés binationaux de l’UFA de se distinguer fondamentalement des simples programmes d’échanges ou de mobilité internationale, par ailleurs légitimes. C’est ce qui fait la valeur ajoutée de l’UFA.

Au-delà, certains des cursus intègrent une période de séjour dans un pays tiers. Il existe ainsi des programmes trinationaux, à l’instar du programme “Europäischer Jurist / Juriste Européen” de la Humboldt-Universität de Berlin, de l’Université Panthéon-Assas de Paris et du King’s College de Londres. Comme le résume très justement l’un des anciens étudiants, également sur le site de l’UFA, “le franco-allemand ne doit pas forcément être une fin en soi, mais permet aussi de s’ouvrir plus largement à la dimension européenne, pour laquelle l’UFA me semble donner tous les outils“. En effet, outre le renforcement des liens entre la France et l’Allemagne, ces cursus contribuent au développement d’une identité européenne en devenir.

A l’aide aux cursus bi-diplômants s’ajoute un soutien aux jeunes doctorants. En plus de la cotutelle, l’UFA soutient les collèges doctoraux franco-allemands et les écoles d’été franco-allemandes. Des structures extérieures à l’UFA complètent ce soutien comme le CIERA (Centre interdisciplinaire d’études et de recherches sur l’Allemagne) en proposant des ateliers aux jeunes chercheurs, ou l’association Bernard Grégory (ABG) qui aide les docteurs à s’insérer dans le monde professionnel, qu’il soit ou non universitaire.

Les programmes chapeautés par l’UFA se répartissent dans plus de 100 villes en France et en Allemagne, et parmi les 185 membres du réseau à ce jour se trouvent les meilleures universités, grandes écoles et Fachhochschulen. Ces programmes sont suivis par plus de 6 500 étudiants et environ 500 doctorants. Depuis sa création, environ 25 000 étudiants ont été inscrits et plus de 1 500 se voient, chaque année, remettre un double diplôme de l’UFA. C’est, pour moi, l’excellence incarnée et le gage d’une entrée réussie sur le marché du travail, étape nécessairement critique du passage du monde des études à la vie active.

Mon expérience et celle de mes collaborateurs

Je n’ai pas moi-même suivi de cursus franco-allemand. En 1997, j’étais déjà dans la vie professionnelle depuis un petit temps. L’allemand a cependant joué un grand rôle dans mon parcours. Sa connaissance acquise en première langue étrangère au collège – en passant, à destination de la lointaine rue de Grenelle et de la Ministre de l’Education nationale, vive les classes bi-langues ! – m’a permis de travailler bien plus tard en Allemagne ou au contact du marché allemand à de multiples moments de ma vie. Je ne remercierai jamais assez mes professeurs d’allemand de m’avoir appris cette langue, donné envie de la pratiquer et fait connaître la culture allemande. J’ai retrouvé avec bonheur l’an passé ma professeure d’allemand de 6ème à l’occasion du combat livré pour les classes bi-langues et les classes européennes. Ma gratitude va aussi à tous les dirigeants et militants des comités de jumelage, bénévoles passionnés, qui m’ont pris comme tant d’autres le pied à l’étrier, en l’occurrence à Remscheid, la ville jumelle de Quimper, où j’ai grandi.

A ma différence, deux de mes collaborateurs sont des exemples de la coopération universitaire franco-allemande. L’un prépare un doctorat d’allemand et un doctorat  d’histoire en cotutelle entre les Universités de Rouen et de Giessen. L’autre, docteur en droit, a enseigné à l’Université de Cologne dans le cadre du master juridique franco-allemand Sorbonne-Cologne, que co-dirige Monsieur Capitant, et donné des cours à l’Université d’Assas à des étudiants de Ludwig Maximilian Universität de Munich.

Chaque année également, des étudiants allemands passant une année à Science Po effectuent un stage d’un semestre auprès de députés à l’Assemblée nationale. J’ai ainsi eu quatre stagiaires allemands depuis 2012 et l’un de mes anciens collaborateurs avait fait l’expérience inverse de stagiaire auprès d’un député au Bundestag. Je redoute chaque fin de mois de juin, lorsque mon ou ma stagiaire s’en va, tant j’apprécie leur travail et finit par m’attacher personnellement à eux.

II- Les contraintes de l’UFA et les moyens de les surmonter

L’Université Franco-Allemande incarne un projet, nourri par l’idéal, l’attente des étudiants et celle aussi des entreprises. Il faut lui donner les moyens de ses ambitions. Si le bilan est remarquable, beaucoup reste cependant à faire. Vous me permettrez à ce propos de parler vrai et de dire les choses telles que je les ressens.

Cela commence par la nécessité de soulager la contrainte administrative. J’ai ainsi entendu des témoignages de chercheurs renonçant à une cotutelle ou à des projets de coopération en raison de crispations des universités des deux côtés du Rhin. Si les différences culturelles doivent bien sûr être respectées, une certaine souplesse devrait être apportée dès lors que le cadre de la recherche n’est pas purement national. Favoriser la mobilité ne signifie pas abolir le titre de Diplomingenieur ou le erste et zweite Staatsexam. Il ne faut pas fermer la porte à des étudiants qui ne pourront pas par définition remplir exactement les mêmes critères que les étudiants allemands, à l’instar de ce que l’on connaît en France pour l’admission à différentes écoles comme Polytechnique ou l’ENA.

a) Impératif de connaissances linguistiques

Je veux insister sur l’impératif de connaissances linguistiques. C’est la base du succès d’un cursus franco-allemand. Préparer l’AbiBac, sans être une condition sine qua non, est néanmoins un avantage important, qu’il faut davantage faire connaître, valoriser et recommander auprès de la jeunesse et peut-être même davantage auprès des parents de cette jeunesse. Pour y accéder, il est essentiel de commencer l’apprentissage de langue du pays du voisin le plus tôt possible.

Das Motto des Jahrestreffens des VDFG in 2015 war: “Ohne Sprache kein Gespräch”. Man könnte es ergänzen: “Ohne Sprache keine binationalen Studiengänge, keine binationalen Doktoranden- und Forschungsprogramme”.

 

Hierfür leistet das Deutsch-Französische Jugendwerk einen Beitrag. Zusammen mit der Robert Bosch Stiftung und dem DAAD hat es das Programm Mobiklasse (früher Deutsch Mobil) eingerichtet. Dabei fahren Junge Leute als Botschafter mit einem Auto durch Frankreich und Deutschland, um Schüler zu treffen und diese für die jeweils andere Kultur und Sprache zu begeistern. Diese berichten, dass sie zunächst Vorurteile gegenüber der deutschen Sprache hatten (Deutsch als Elitensprache) und Deutschland nicht kannten. Nachdem sie mit den jungen Botschaftern gesprochen und spielerisch Zugang zur anderen Kultur bekommen hatten, waren einige nun motiviert Deutsch zu lernen. Das Programm Voltaire kann hier auch erwähnt werden : Französische Jugendliche im Alter von 15 Jahren verbringen 6 Monate in einer Gastfamilie in Deutschland, während die deutschen Jugendlichen bei der französischen Familie des Austauschpartners sind.

 

Besonders zentral ist jedoch die Rolle der Politiker. Dabei möchte ich nochmal betonen, dass die von Ministerpräsidentin Kramp-Karrenbauer initierte Frankreich Strategie ein Modell ist, das zwar nicht generell auf andere Länder übertragbar ist, aber zumindest von anderen als Grundlage für ein eigenes Programm genutzt werden kann. Ich möchte nur an das Ziel erinnern, bis 2043 einen multilingualen Raum deutsch-französischer Prägung zu schaffen.

 

Ein deutsch-französisches Paradox hat der ehemalige Finanz und Wirtschaftsminister von Baden-Württemberg, Nils Schmid, letztes Jahr in einer Rede, die er übrigens in Frankreich auf Französisch gehalten hat, unterstrichen: Während es in seinem Land einen Arbeitskräftemangel gibt, gibt es auf der anderen Seite der Grenze eine hohe Arbeitslosenquote. Wegen mangelnder Deutschkenntnisse können sich Franzosen jedoch oft nicht für diese Jobs bewerben.

Mais au-delà des connaissances linguistiques, dans lesquelles il faut investir toujours davantage, la question des contraintes budgétaires est centrale.

b) contraintes budgétaires

Alors que l’UFA enregistre une progression annuelle de 10 % du nombre d’étudiants inscrits, des inquiétudes récurrentes existent sur les moyens financiers qui lui sont alloués. L’UFA a fonctionné à budget constant de 2012 à 2016, tout en ayant accru de manière sensible le volume de ses activités. Or, l’objectif fixé dans l’agenda franco-allemand 2020 – de doublement d’ici à 2020 du nombre d’étudiants, de doctorants et de jeunes chercheurs participant à des programmes financés par l’UFA – nécessite d’évidence une augmentation des ressources budgétaires.

Le gouvernement allemand s’était rapidement dit prêt à renforcer les moyens nécessaires à l’UFA pour maintenir cette trajectoire de croissance, dans le respect des engagements du Conseil des Ministres franco-allemand de février 2010. Toutefois, cet engagement dépendait de la capacité de la France d’en faire de même. Dans une réponse à une question que je lui avais posée en 2014, Laurent Fabius, alors Ministre des affaires étrangères, m’avait répondu que la situation budgétaire de son Ministère ne lui permettait pas d’envisager une augmentation de la contribution française au budget de l’UFA, mais que des pistes étaient à l’étude pour mieux la valoriser. Il m’avait indiqué également que l’augmentation des ressources budgétaires de l’UFA devait s’inscrire dans une démarche d’économies structurelles et d’attractivité des investissements extérieurs, et invitait en conséquence l’UFA à développer ses démarches de levée de fonds, à gagner en visibilité et à se rapprocher des entreprises françaises et allemandes pour définir la meilleure adéquation possible entre le développement de ses formations et les besoins du monde économique.

J’ai eu l’an passé un autre échange avec Laurent Fabius, au terme duquel le Ministre avait opposé une fin de non-recevoir concernant la hausse du budget de l’UFA que je sollicitais. La conjonction des actions politiques a cependant fini par payer puisque la Ministre-présidente de Sarre Annegret Kramp-Karrenbauer, après un entretien avec le Premier ministre Manuel Valls en qualité de rédactrice pour le gouvernement allemand d’un rapport consacré à la promotion de l’intégration au sein de nos sociétés, est finalement parvenue à convaincre le gouvernement français d’augmenter sa contribution au budget de l’UFA au même niveau que celle de l’Allemagne. Il faut s’en féliciter et remercier chaleureusement Madame Kramp-Karrenbauer.

Un effort a ainsi été consenti, mais il sera bientôt rattrapé, puis dépassé par les besoins et attentes des étudiants. La contrainte financière ne peut être l’horizon ultime de l’Université Franco-Allemande. Afin que le mouvement de mobilisation pour l’UFA se poursuive et s’amplifie, j’organiserai le 14 juin prochain à l’Assemblée une réunion destinée à informer mes collègues parlementaires sur ce qu’est l’UFA et ce que sont ses réalisations. Je veux sensibiliser les parlementaires, en présence des dirigeants de l’UFA, de représentants des étudiants et aussi d’anciens étudiants, dont les témoignages sont précieux et comptent. Pour attirer l’attention, j’ai voulu que l’annonce de cette réunion à l’Assemblée nationale soit la suivante: “L’Université franco-allemande : un acteur de l’emploi au plan local”. Car c’est bien de cela dont il s’agit d’abord : de développement de richesses et d’emploi à l’échelle régionale et locale. Pour cette raison, afin que mes collègues ne voient pas dans l’UFA un exercice stratosphérique ou une lointaine élite, j’ai joint à l’invitation une liste des cursus de l’UFA existant au sein des circonscriptions de chaque député invité.

Pour conclure :

Il est important de soutenir l’UFA, pour l’employabilité qu’elle offre à notre jeunesse et pour la compréhension mutuelle qu’elle encourage. L’Université Franco-Allemande, c’est l’avenir, c’est l’espoir, c’est la force de notre projet et de notre destin communs. Comme député, comme homme d’entreprise autrefois, en tout état de cause comme citoyen, je m’en fais l’avocat. C’est par la jeunesse, par les diplômes, par la recherche, par le travail et l’expérience dans le pays partenaire que nous construirons l’avenir ensemble.

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