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Drame japonais et politique de l’énergie

Beaucoup a déjà été dit sur l’ampleur de la catastrophe qui a touché le Japon le 11 mars. Les images du tremblement de terre et du tsunami dévastateur qui l’a suivi ont fait le tour du monde. Elles sont terrifiantes. Sans doute n’existe-il d’ailleurs aucun mot pour décrire tout l’effroi qu’elles inspirent. L’heure est à la solidarité avec le peuple japonais, à la compassion face à tant de souffrances et bien sûr aussi à l’action, si ce n’est désormais pour retrouver d’improbables survivants, tout au moins pour venir en aide aux autorités japonaises tant à la fois au plan logistique, énergétique, médical et tout simplement humain.

De l’effroi à l’angoisse, un pas a malheureusement été franchi avec la possible perte de contrôle de la centrale nucléaire de Fukushima suite aux explosions intervenues dans les quatre réacteurs depuis samedi. La radioactivité progresse dangereusement autour de la centrale et malheureusement plus loin, faisant de cet accident consécutif au tremblement de terre et au tsunami, le plus grave depuis le drame de Tchernobyl en 1986. Là aussi, l’action internationale s’impose dans l’urgence pour porter assistance aux autorités japonaises qui luttent pour refroidir les réacteurs et, faut-il malheureusement le craindre, sans doute aussi pour engager dès à présent les opérations externes de confinement de la radioactivité.

Il est légitime que le drame japonais conduise les opinions publiques, les parlements et gouvernements à s’interroger tout à la fois sur la gestion du risque sismique et sur la pertinence du choix nucléaire. Il existe autour du nucléaire une culture du secret, que partagent les gouvernements qui ont fait le choix de cette énergie et les opérateurs industriels de ce secteur. Rien n’est pire qu’une solide langue de bois démentie par les faits. Faire la transparence autour de la prévention et de la gestion des risques du nucléaire civil est une exigence citoyenne qui transcende les frontières. Mettre en place une normalisation internationale des règles de sécurité en est une autre, tout aussi urgente.

Reste qu’il faut aussi regarder la science, l’économie et les sources d’énergie pour ce qu’elles sont aujourd’hui et à horizon de vingt bonnes années. Sortir du nucléaire peut certes être une perspective souhaitable, mais au bénéfice de quelles énergies alternatives, dans quelle échéance et à quel prix? Pour travailler dans le secteur des énergies renouvelables, en lesquelles je crois dur comme fer, je n’en sais pas moins que le scénario 100% renouvelables est encore très lointain. Que faire alors ? Recourir davantage au pétrole, au charbon et au gaz ? Outre que la ressource s’épuise, ce retour en force des énergies fossiles irait à l’encontre même de la lutte contre les gaz à effets de serre et le réchauffement de la planète. Décarboner l’économie doit rester l’objectif.

L’avenir est dans la diversification du bouquet énergétique, qui donne aux énergies renouvelables une place ambitieuse parce que résolument croissante, et ne ferme pas la porte aux technologies nouvelles dans le domaine nucléaire, notamment les troisième et quatrième générations de réacteurs, des EPR à ITER. Cette politique fait défaut en France. Le drame japonais survient alors que le gouvernement, à l’encontre des promesses de Nicolas Sarkozy en juin 2009 dans un discours à l’Institut National de l’Energie Solaire, a passé par la fenêtre le photovoltaïque, ses 25 000 emplois et son potentiel énergétique il y a quelques semaines en supprimant peu ou prou le tarif d’achat. Comprenne qui pourra, de surcroît après que la France ait déjà raté le train de l’éolien il y a quelques années.

Poser rationnellement, sereinement et avec ambition les termes du débat autour de la diversification du bouquet énergétique comme de la prévention et de la gestion du risque nucléaire me paraît plus juste que de verser dans un choix manichéen pour ou contre le nucléaire ou, parce que cela s’entend aussi, pour ou contre les énergies renouvelables. Il faut en tout état de cause un audit approfondi de tout le parc nucléaire français. Il faut aussi pouvoir affirmer le soutien public aux énergies renouvelables et l’imposer à l’opérateur historique. Et mettre en pratique la transparence nécessaire sur les choix énergétiques pour ne plus maintenir les citoyens à la lisière de l’information, mais au contraire en faire des acteurs essentiels de ce débat.

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