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En Bosnie, la belle échappée (20-22 juin 2014)

Je me suis rendu en Bosnie-Herzégovine du 20 au 22 juin, devançant de quelques jours les commémorations officielles du centenaire de l’assassinat de l’Archiduc François-Ferdinand d’Autriche. J’avais promis de longue date à l’Ambassadeur de France Roland Gilles de faire ce déplacement à Sarajevo afin de saluer l’initiative qu’il avait prise il y a deux ans, dans le cadre de la fondation « Sarajevo, cœur de l’Europe » et avec le soutien actif de la société du Tour de France et de la Mission du Centenaire, d’organiser dans la capitale bosnienne une course cycliste professionnelle internationale, doublée d’une randonnée populaire très symbolique entre Sarajevo-est, en République serbe de Bosnie, et Sarajevo. Cette initiative m’était apparue remarquable, plaçant le vélo et la jeunesse comme vecteurs de paix, 100 ans après le début de la Première Guerre mondiale et 20 ans après la guerre en ex-Yougoslavie. Je me devais absolument d’en être, en député de la circonscription et aussi en amoureux de longue date de la petite reine.

Avant la randonnée, j’avais consacré mes deux premières journées à la communauté française et à notre représentation institutionnelle. J’ai ainsi rencontré le directeur financier du Collège International Français de Sarajevo (CIFS), Jean-François Le Roch. Le CIFS, qui comptait 68 élèves au moment de sa reprise par Monsieur Le Roch en 2010, en compte désormais près de 200. Les effectifs devraient grimper à 2015 en septembre prochain. Le CIFS a obtenu l’homologation pour les classes de 6ème et de 5ème, ce qui lui permettra d’avoir à sa tête un proviseur dès la rentrée. Ce sont d’excellentes nouvelles pour le développement de l’établissement, qui devrait solliciter l’homologation pour les classes de 2nde, 1ère et terminale sous trois ans, devenant ainsi un lycée de plein exercice. Ses effectifs en rythme de croisière devraient alors atteindre 300 élèves. Outre l’engagement de Jean-François Le Roch et de l’équipe enseignante, le succès du CIFS tient aussi au soutien solide de l’Ambassade et des autorités bosniennes, comme en témoigne la reconnaissance récente du Brevet des Collèges avec équivalence de notation. Je suis passé vendredi soir à la fête de fin d’année du CIFS, admirant le spectacle des tous petits et saluant des parents d’élèves en marge de la fête.

Avec Donato Giuliani, le Conseiller de coopération et d’action culturelle, j’ai visité les locaux totalement rénovés du Centre André Malraux, désormais fusionné avec l’Institut français de Bosnie. Il m’était difficile d’y reconnaître le Centre André Malraux d’origine, que j’avais découvert en septembre 2013, derrière ce travail titanesque abattu en moins d’un an par Donato Giuliani et son équipe avec le concours financier de l’Etat. Il fallait absolument réaliser cette fusion afin d’asseoir la présence culturelle française et francophone sur la durée, tant par les cours et la constitution d’une médiathèque que par la programmation. La programmation, en lien étroit avec la vie culturelle de Sarajevo et avec le soutien de précieux fonds européens, est essentielle pour l’Institut. Une vitrine de l’Institut a été installée au rez-de-chaussée, dans un ancien café, face au célèbre marché de Markale. J’ai également pris des nouvelles des antennes de l’Institut à Mostar et Banja Luka. Je m’étais rendu à Mostar en septembre 2013 et irai à Banja Luka cet automne. Ces antennes sont importantes pour le français en Bosnie et je regrette à ce titre la décision prise l’an passé de fermer l’antenne de Tuzla.   

J’ai rencontré au Parlement national mes collègues Bosko Tomic et Ismeta Dervoz, membres de la délégation bosnienne à l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe. Les récentes inondations dans le pays et leurs conséquences économiques et humaines ont constitué une large part de nos échanges. Ces inondations sont pour la Bosnie une catastrophe, dont le coût total est évalué à près de 2 milliards d’Euros. Bosko Tomic a tenu à rendre hommage à l’engagement de la France, qui avait envoyé très tôt des pompiers et du matériel de filtrage des eaux. Une conférence des donateurs aura lieu le 16 juillet à Bruxelles. La France y jouera un rôle moteur afin de permettre à la Bosnie de se relever. Je suivrai attentivement ses travaux. Nous avons également abordé les échanges commerciaux entre nos deux pays. La Bosnie est un petit marché de près de 4 millions d’habitants, mais son potentiel de production dans divers secteurs économiques est bien réel. C’est notamment le cas des énergies renouvelables, de l’eau, des fruits et du vin. La Bosnie a besoin d’investissements étrangers qui permettent au pays de valoriser ses ressources par les meilleures technologies. J’ai suggéré qu’un petit salon franco-bosnien des énergies renouvelables puisse être mis en place à Sarajevo.

J’ai souligné que l’investissement étranger repose pour une large part sur la sécurité juridique et la lisibilité de l’action publique. Il s’agit clairement de questions sur lesquelles la Bosnie souffre à la fois de la panne institutionnelle de Dayton, qui garantissait certes la paix, mais sans aucunement construire l’avenir, et d’une classe politique qui, toutes communautés incluses, est profondément déconnectée des attentes de la population. Les manifestations violentes du début de cette année, à Sarajevo et dans d’autres villes du pays, l’ont montré. L’immobilisme et l’attentisme nourrissent la désespérance populaire, le chômage aussi. J’ai dit à mes interlocuteurs bosniens mon incompréhension face à l’absence de mise en conformité de la Constitution avec l’arrêt Sedjic-Finci de la Cour européenne des droits de l’homme de décembre 2009. Il est lassant pour la communauté internationale d’entendre, comme cela aura été mon cas une nouvelle fois, une communauté blâmer l’autre pour cette carence qui, entre autres, explique pourquoi la mise en œuvre de l’Accord de Stabilisation et d’Association avec l’Union européenne est suspendue. Il y a à la charge de la Bosnie une obligation de résultat.

Hier dimanche, en conclusion de ce séjour à Sarajevo, j’ai pris le départ de la randonnée cycliste appelée « la ligne jaune ». Je l’ai fait avec le frisson de pédaler aux côtés de grands champions tels Bernard Thévenet (l’un des héros de ma jeunesse), Joop Zoetemelk et Stephen Roche. J’avais l’impression de vivre un rêve éveillé. Mais mon frisson était aussi celui de passer librement et paisiblement, entouré d’enfants et d’adultes tous vêtus de jaune, cette frontière entre serbes et bosniaques qui, il n’y a pas si longtemps, était encore celle du danger et de la haine. Jean-Yves Le Drian, notre Ministre de la Défense, avait fait le déplacement et, arborant un beau maillot jaune, pédalait efficacement dans le peloton. Une belle surprise ! A Sarajevo-est, nous avons rencontré le Président Bakir Izetbegovic, représentant les Bosniaques à la présidence collégiale du pays, venu pour l’occasion sur un terrain serbe qui ne lui est pas spontanément favorable. Etaient présents aussi et ensemble les maires de Sarajevo et Sarajevo-est Ivo Komsic et Nenad Samardzija. La foule des maillots jaunes derrière la voiture rouge du directeur du Tour de France Christian Prudhomme aura été la plus belle image de cette journée, voulue comme un message de paix et de réconciliation.

Merci à l’Ambassadeur de France Roland Gilles et à sa compagne Claudia Carceroni de Carvalho pour leur accueil et leur contribution à l’avenir de la Bosnie, ce pays qu’ils quitteront bientôt et qui les regrettera sincèrement tant ils y auront laissé une trace durable par leur engagement et leur profonde gentillesse.

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