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Entendre les étudiants français de Cluj (15 avril 2015)

Depuis le début du mois de mars, quatre étudiantes françaises en médecine à l’Université de Cluj-Napoca en Roumanie ont tenté de se donner la mort. Deux d’entre elles sont malheureusement décédées. Ces drames ont bouleversé notre communauté sur place, qui compte plus de 1 000 étudiants. Je tiens à rendre hommage à la mémoire de ces deux jeunes filles et à dire à leurs familles et à leurs proches mes plus sincères condoléances dans l’épreuve terrible qu’elles traversent. Je pense aux deux autres étudiantes, qui, soignées et entourées, se remettent peu à peu. Je souhaite aussi saluer le dévouement de notre poste diplomatique et consulaire en Roumanie, qui s’est mobilisé, pour les familles bien sûr, mais également auprès de la communauté estudiantine de Cluj. L’écoute était nécessaire, elle le reste plus que jamais. Merci en particulier à l’Ambassadeur François Saint-Paul, à la Première conseillère Catherine Suard, au Consul honoraire à Cluj Pascal Fesneau et au Directeur de l’antenne régionale de l’Institut français Benoit Bavouset.

Derrière ces drames, il y a une rude réalité dont il importe que les pouvoirs publics français prennent la pleine mesure : celle du rejet ressenti, à l’approche du diplôme et du retour en France, par ces jeunes qui ont fait le choix difficile d’entreprendre des études longues loin de chez eux, souvent à l’issue d’un échec en première année et parfois aussi dans un contexte exigeant de tradition familiale dans le domaine médical. Le rejet, c’est d’affronter la discrimination. Parlons clair : pourquoi l’accès à la plateforme SIDES (Système Informatisé Distribué d’Evaluation en Santé), qui prépare à l’ECN (Examen Classant National) est-il interdit aux étudiants de l’Université de Cluj et réservé aux seuls étudiants de médecine en France, en violation évidente du droit de l’Union européenne ? Au nom de quel protectionnisme le gouvernement entendait-il en 2011 interdire l’accès à l’ECN aux étudiants ayant échoué en première année en France mais réussi leurs études à l’étranger, avant de voir son décret annulé pour excès de pouvoir par le Conseil d’Etat?

Le rejet, ce sont aussi les non-dits et les commentaires lâchés à demi-mots, dévalorisant ces études lointaines, par principe et à dessein, sans souci de connaître la qualité de l’enseignement de la médecine en Roumanie. Ces choses-là font mal. Elles sapent la confiance et l’estime de soi. Elles sont inacceptables et doivent être combattues. N’est-il pas temps de mettre enfin un terme au mutisme, nourri par un certain mandarinat et que conforte également une part de la profession ? Alors même que se développent dans notre pays les déserts médicaux et qu’il nous faut, pour y répondre, de nouveaux médecins, beaucoup de nouveaux médecins, formés en France, mais aussi à l’étranger. L’enfermement médical est la pire des réponses. C’est le chemin inverse qu’il convient d’emprunter, en autorisant la préparation de l’ECN à tous les diplômés relevant  de la Directive européenne 2005/36 régissant la libre circulation des médecins.

Répondre aux doutes et aux craintes des étudiants français de Cluj commande de poser ce diagnostic lucide et cette exigence de remise à plat des conditions d’entrée dans la profession médicale. Député des Français de l’étranger, je n’accepte pas que les portes se ferment en France à celles et ceux qui ont étudié dans un autre pays. L’Europe, ce n’est pas cela. L’avenir non plus. J’aimerais entendre de manière urgente le gouvernement français sur cette question. A Cluj, mais aussi plus loin, rien ne peut ni ne doit plus être comme avant. L’angoisse, le repli sur soi, l’isolement, décrits par tant et tant d’étudiants ces dernières semaines, sont autant d’appels au secours qu’il faut vouloir entendre. Nous le devons à la mémoire de Margaux Baudin et de Lucile Abad-Farjon. Nous le devons à leurs camarades d’études, pour qui la médecine est une vocation et une passion. Ils attendent une parole, un geste fort, un message de confiance.

Je me rendrai à Cluj dans les toutes prochaines semaines pour rencontrer les étudiants, les dirigeants de l’Université, les autorités de la ville et les représentants de notre poste diplomatique et consulaire en Roumanie.

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