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Il n’est de combats perdus que ceux que l’on ne livre pas

Comme beaucoup hier matin, j’ai été surpris par l’annonce de la publication du décret et de l’arrêté portant réforme du collège et, entre autres, suppression des classes bi-langues et des sections européennes. Ces textes, pour qu’ils puissent ainsi être publiés, étaient certainement déjà signés la veille, mardi 19 mai, jour de mobilisation du monde enseignant. Pareille urgence était-elle nécessaire, alors que la concertation avec les acteurs de la communauté éducative était au mieux balbutiante et, dans le cas de l’apprentissage de l’allemand, inexistante ? Je ne le pense pas. Sur le fond de la réforme, j’avais des inquiétudes, développées amplement sur ce site et dans plusieurs tribunes et interviews. Sur la forme, j’ai désormais également de vifs regrets.

Je suis un homme de gauche, au plus profond de moi-même. Devais-je, parce que j’appartiens à la majorité à l’Assemblée nationale, faire silence sur mes doutes, mes interrogations et mes désaccords ? Ma liberté d’expression et de choix devait-elle être contrainte ? Non. Depuis mon élection il y a 3 ans, j’ai été loyal et fidèle, non parce que je le devais, mais parce que j’étais en accord avec les textes qui nous étaient présentés. Sur la suppression des classes bi-langues, j’avais en revanche un désaccord de fond, estimant qu’il s’agit là d’une erreur politique majeure pour l’apprentissage de l’allemand en France, l’employabilité de notre jeunesse et la relation franco-allemande. J’ai assumé publiquement ce désaccord, appelant le gouvernement à un échange qui, malheureusement, n’est jamais venu.

Sans doute est-ce pour cela que la journée d’hier a eu pour moi comme un goût de cendre. Mélange d’amertume et d’accablement, tant j’espérais qu’un échange constructif puisse enfin se nouer. Comment une réforme peut-elle réussir lorsqu’elle est imposée et que les questions et craintes de celles et ceux qui la feront vivre, les enseignants, sont ignorées ? Que n’avions-nous pas dit durant le précédent quinquennat lorsque la concertation faisait si souvent défaut, que les formules à l’emporte-pièce fleurissaient et que les corps intermédiaires, associations et syndicats, étaient vilipendés ? Mes convictions aux responsabilités n’ont pas changé : sans concertation, sans volonté de marcher les uns vers les autres, il n’y a pas de réforme pérenne, pas de réforme réussie.

Sans doute l’échange que j’espérais a-t-il été victime du clivage gauche-droite. Si je regrette en effet la position du gouvernement, j’ai déploré celle de l’opposition, exprimée par Bruno Le Maire, sur l’école. Comment défendre les classes bi-langues et écrire en parallèle qu’il y aurait en France des enfants à qui il ne faudrait enseigner qu’une seule langue étrangère ? N’est-ce pas contradictoire et rétrograde ? Je récuse de toutes mes forces le déterminisme social et crois en la capacité de conduire tous les enfants à la passion, à l’excellence, à la rigueur dans l’apprentissage des savoirs. C’est pour cela que les classes bi-langues me sont si chères. Mais, à vouloir penser et agir bloc contre bloc, comme dans un jeu de rôles, c’est le compromis que l’on condamne. Et le compromis construit l’avenir.

J’ai écrit des tas d’articles, de notes, de mails et de courriers, comme bien d’autres, pour tenter de sauver les classes bi-langues. J’ai sollicité la Ministre de l’Education nationale bien sûr, mais aussi d’autres membres du gouvernement ainsi que le Premier ministre et le Président de la République. Pas plus tard que jeudi dernier, j’écrivais encore au Président avant son déplacement à Aix-la-Chapelle, auquel j’aurais souhaité être associé comme député des Français d’Allemagne. Pas de réponse. Là est aussi mon regret. Je me souviens qu’il y a deux semaines, informant quelques personnes de mon abstention à venir sur le projet de loi relative au renseignement, j’avais vu mon portable buzzer comme jamais dans la demi-heure suivante pour me convaincre de voter pour. J’aurais aimé qu’il buzze autant pour les classes bi-langues… Cette indifférence, ces silences prolongés m’ont attristé.

L’Allemagne n’est pas n’importe quel pays et l’allemand n’est pas n’importe quelle langue. La cause que, par dizaine de milliers, nous avons portée demeure plus que jamais. A la Ministre désormais d’établir par la preuve, dans la vérité des actes et des résultats, qu’elle tient à l’apprentissage de l’allemand dans notre pays. Elle nous en a assuré. Qu’elle nous le montre. A nous, amoureux de cette belle langue et de cette grande culture, d’être vigilants et exigeants. Il n’est de combats perdus que ceux que l’on ne livre pas. Ne baissons pas les bras malgré la déception, la colère ou l’amertume d’hier. Songeons à ce qui nous unit. Tout est encore à écrire. 

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