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La laïcité, toujours,

Comme bien d’autres certainement, j’ai été choqué par les images du Président de la République se signant lors de sa visite au Vatican la semaine passée. Je ne conteste pas à Nicolas Sarkozy le droit de croire. C’est sa liberté la plus totale. Je conteste en revanche que le Président d’une République laïque, se rendant es qualité au Vatican, mêle par ses gestes ses convictions religieuses, par essence du domaine de l’individu, et la représentation de notre pays. Citoyen français, je ne me suis pas senti représenté.

La laïcité est la pierre angulaire de la République. C’est parce que ceux qui ont la charge de l’Etat sont tenus à l’abstention quant à l’expression de leurs convictions que la liberté de penser, de croire ou de ne pas croire, est garantie dans l’espace civil. Dans son discours de Latran, Nicolas Sarkozy avait vanté la « laïcité positive », comme si la laïcité consacrée par plus d’un siècle de combat pour la liberté était source d’intolérance et d’opposition à la religion. Tout cela est non seulement absurde, mais également tendancieux.

Au cœur de la loi de séparation des églises et de l’Etat, il y a l’affirmation que le lien politique issu de la volonté du peuple et qui fonde l’organisation de la cité ne peut se nourrir du fait religieux. Ce n’est pas seulement protéger l’Etat des religions. C’est également protéger les religions de l’Etat. C’est garantir l’égalité et le respect pour tous, croyants comme non-croyants. Le vivre ensemble a besoin de la laïcité sans adjectif d’aucune sorte pour rejeter tout prosélytisme communautariste.

Requalifier la laïcité de « positive » et en faire l’insidieux procès, c’est s’attaquer à l’égalité républicaine. Rarement ai-je ressenti pareille nausée politique qu’en lisant cette phrase du Président de la République, prononcée dans le discours de Latran : « Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le pasteur ou le curé … parce qu’il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d’un engagement porté par l’espérance ».

L’instituteur serait ainsi inférieur au curé et c’est le chef de l’Etat qui le dit. Voudrait-on clouer au pilori le travail fondateur des hussards noirs de la République que l’on ne s’y prendrait pas autrement. Donner à chacun la chance de l’émancipation, cette formidable liberté qu’octroient le savoir et la découverte de la diversité du monde, est-ce manquer de radicalité et de charisme ? Cette promotion du fait religieux répétée à Ryad en janvier 2008 et réitérée la semaine passée au Vatican est indigne de la fonction qu’occupe Nicolas Sarkozy.

La laïcité est un combat de tous les jours. C’est à nous, militants de la liberté et de la tolérance, de le faire vivre. En 2012, sur ce front-là aussi, il y aura tant à faire. Des principes à rappeler et des actes à poser. Je me suis souvenu ces derniers jours d’une chanson entendue un soir de dîner du Comité d’Action Laïque où, enfant, j’avais accompagné mes parents. Elle n’a pas pris une ride. Je vous en livre le premier couplet :

Honneur et gloire à l’Ecole Laïque
Où nous avons appris à penser librement,
A défendre à chérir la grande République
Que nos pères jadis ont faite en combattant.
Elle nous enseigna des jours fameux l’histoire
En formant notre esprit, elle éleva nos cœurs,
Faisant revivre en nous l’éternelle mémoire
Des héros, des martyrs, des émancipateurs.

C’était l’hymne à l’école laïque, chanté dans toutes les écoles publiques lors de la célébration du cinquantenaire des écoles laïques. C’était hier. C’est aujourd’hui et ce sera aussi demain.

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