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La Pologne dans l’impasse

J’ai lu avec étonnement ces dernières semaines quelques commentaires et autres développements alambiqués de la part de responsables de droite tentant d’attribuer au gouvernement français la responsabilité du coup de froid récent sur les relations entre la France et la Pologne. En la matière, chercher querelle à notre pays, jusque dans la presse polonaise, n’est ni adroit ni juste. Sans doute les temps pré-électoraux y conduisent-ils. Jamais depuis la chute du communisme, les relations franco-polonaises n’avaient été plus proches, plus denses et plus fructueuses qu’entre 2012 et 2015. J’ai le souvenir, pour en avoir été parfois, de visites d’Etat, de déplacements ministériels, de positions communes, de contrats signés, en un mot d’une volonté européenne partagée et heureuse au regard du lien historique entre les deux pays. Il n’est pas inutile de rappeler qu’avant 2012, alors que le gouvernement polonais était pourtant le même, rien de cela n’avait été entrepris de quelque manière que ce soit. En Pologne, beaucoup se souviennent toujours du passage express de Nicolas Sarkozy à Varsovie, une seule fois en cinq ans, l’espace de quelques courtes heures…

C’est la France en effet qui a décidé d’annuler le sommet du Triangle de Weimar, qui devait se tenir à Paris au début novembre. Et elle a eu raison. Fallait-il donc passer par-dessus la rupture unilatérale par le gouvernement polonais en octobre du contrat des 50 hélicoptères remporté par Airbus à l’issue d’un appel d’offres lancé par le gouvernement précédent ? Non. Fallait-il prendre acte de l’annonce, peu après, de la commande, hors appel d’offres, de 21 appareils américains ? Pas davantage. Si l’expression camouflet diplomatique a un sens, ce qui s’est passé sur le dossier des hélicoptères en est un et cela appelait de notre pays une réponse forte. Elle est venue. Le choix du gouvernement polonais est d’autant plus incompréhensible que la Pologne y laisse toute perspective de contribuer au développement de l’industrie européenne de défense. Une partie de la production des 50 hélicoptères devait être assurée dans le pays, c’est dire la double peine que le PiS au pouvoir inflige. Voilà où conduit le nationalisme et le rejet de l’Europe. Depuis sa formation en fin d’année 2015, le gouvernement du PiS entraine la Pologne sur la voie de l’isolement.

Était-ce la volonté des Polonais ? Je ne le crois pas. C’est bien davantage sur fond d’inégalités sociales devenues insupportables et de scandales de corruption que de nationalisme revendiqué que le peuple polonais a fait l’an passé le choix du PiS. Je reste convaincu que le projet européen conserve toujours un sens pour lui. La rue a déjà su faire reculer le PiS sur ses projets les plus rétrogrades comme l’interdiction totale du droit à l’avortement. Un sursaut doit intervenir aussi sur l’Europe. La Pologne est un grand pays, appelé à jouer un rôle majeur sur notre continent. Il ne peut s’en tenir à l’écart. Cela commence par le Triangle de Weimar, qui requiert l’engagement ferme de Varsovie. Sur la directive détachement, sur les questions énergétiques, il faut également maintenir le cap européen résolument. L’Europe a besoin de la Pologne autant que la Pologne et les Polonais ont besoin de l’Europe. Ce n’est pas faire injure à la Pologne ni à l’avenir de ses relations avec la France que d’affirmer ainsi ces vérités, c’est espérer un sursaut, une prise de conscience que le nationalisme ne construit aucun avenir, seulement des illusions.

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