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L’esprit de Bruges, 25 ans après

Il est des moments qui font chaud au cœur. Des moments qui ne durent que quelques heures et qui pourtant valent pour toujours. Hier, j’ai retrouvé mes amis du Collège d’Europe, au bord des canaux de Bruges, 25 ans après notre diplôme. A l’approche, pour nous tous, de la cinquantaine. Il y avait quelques cheveux gris, quelques petites calvities, des visages un peu plus ronds, mais surtout tellement souriants. 25 ans, c’est long. Un quart de siècle. Le mur de Berlin n’existe plus. Le rideau de fer non plus. Et Margaret Thatcher, la marraine de notre promotion, la dame du fameux discours de Bruges, est passée de l’autre côté du miroir. Pourtant, nous nous sommes retrouvés comme si nous nous étions quittés la veille. C’est fou comme la complicité survit à l’épreuve du temps. Forgée par ces mois passés ensemble, ces longues journées et soirées d’étude, ces amitiés et ces passions que notre jeunesse avait construites et que la vie a préservées.

Bruges est restée la même, magnifique et envoutante, fréquentée quand vient l’été. Rien n’y était plus beau que les mois d’hiver, dans le vent et la pluie, lorsque la ville était à nous, sombre et chaleureuse. Nous roulions sur de grandes bicyclettes, parcourant les rues de nos résidences au Collège. Pas d’ordinateur à l’époque, pas non plus de portable. Des tas de livres et des kilos de photocopies. La bibliothèque était notre royaume et le recueil des arrêts de la Cour notre bible. Nous traversions le Markt à la tombée du soir, passions devant la baraque à frites sans toujours pouvoir résister à l’odeur tentante qui s’en échappait, poussions la porte de bars entrés depuis dans la légende de Bruges et dans la nôtre encore davantage. Du travail, beaucoup de travail et aussi des fêtes, comme celle, finale, avec la remise du diplôme. Le lendemain, en ce début juin 1989, nous avions vidé nos chambres, bouclé nos valises, ravalé puis versé nos larmes. C’était fini. Nous reverrions-nous ?

Nous nous sommes revus, évoquant nos vies, les succès et les peines, les bonheurs et les épreuves. Notre auberge à nous n’était pas espagnole. Elle était flamande. Elle le reste. C’est l’esprit de Bruges, si dur à définir, car il mêle l’amitié et l’idéal, la passion et la volonté. L’Europe nous a unis. Elle continue de le faire. Sur le chemin de la vie, il y aura pour cette promotion d’autres rendez-vous, sans trop compter les bougies. Nous viendrons de loin, de nos villes et pays, au rendez-vous de l’amitié, parce que cette aventure-là, elle est pour très longtemps.

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