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L’indécent Monsieur Lombard

Ce mercredi 4 mai, avaient lieu les funérailles du salarié de France Télécom qui s’était immolé par le feu la semaine passée à Mérignac. Moment d’émotion et de recueillement à la mémoire de cet homme, que la logique folle de profit, l’insécurité et le harcèlement érigés en méthodes de management par la direction de France Télécom ont conduit à l’irréparable. Combien de vies et de familles brisées par cette folie qui réduit le salarié au rang de pion, dont on ignore les attentes, les réactions et la souffrance ?

Se taire, en baver, ne jamais protester, prendre sur soi pour voir sa santé partir en quenouilles, les familles se détruire, la déprime s’installer et le monde s’écrouler. Se rebeller, oser la critique, c’est être le râleur, celui qui ne joue pas dans l’équipe, le mouton noir désigné, promis à la marginalisation, aux brimades et tôt ou tard à la porte. Dans le monde merveilleux du RONA, c’est tous les jours le jeu de rôle : il faut être heureux ou au moins prétendre l’être. Dehors, le chômage règne. On le rappelle si souvent… Sourire commercial ou Pôle Emploi, voilà l’alternative. Fermez le ban.

S’il y a quelqu’un que le drame de Mérignac aurait dû conduire à la discrétion pour très longtemps, c’est bien Didier Lombard, l’ancien PDG de France Télécom. C’est en effet sous sa direction et sa responsabilité que ces méthodes de management folles ont déstabilisé l’entreprise et son personnel, conduisant à tant de drames humains. Mais ce monsieur aime les sous et rien ne l’arrête, surtout pas l’indécence.

Il a ainsi été annoncé quelques heures avant les funérailles du salarié de Mérignac que Didier Lombard, parti sous les lazzis il y a peu de la présidence de France Télécom avec une plantureuse retraite-chapeau, présiderait désormais aux destinées du conseil de surveillance de ST Microelectronics ! Et allez donc, voilà quelques espèces de plus à palper pour un paisible retraité de 70 ans, qui émargerait déjà à plus de 500 000 Euros par an, lorsque l’on cumule les émoluments de France Télécom, une pension de fonctionnaire et les jetons de présence dans les conseils d’administration de Radial, Thales et Technicolor !

C’est une honte absolue. Comment ne pas ressentir un mélange de dégoût et de colère face à une telle situation ? Et que fait l’Etat ? Le sens commun a-t-il en effet à ce point déserté les couloirs de Bercy et de Matignon ? Car l’Etat français est actionnaire de ST Microelectronics par le Fonds Stratégique d’Investissement, contrôlé majoritairement par la Caisse des Dépôts. Il a donc bien avalisé d’une manière ou d’une autre la nomination de Didier Lombard et l’annonce publique de celle-ci mardi soir, alors que l’émotion consécutive au drame de Mérignac était à son comble.

Il y a dans cette affaire un degré d’inhumanité et d’incompétence crasse de la part du gouvernement qu’il n’est pas acceptable de tolérer. Que valaient la semaine passée les promesses de Xavier Bertrand, Ministre du Travail, de voir France Télécom traiter enfin de la souffrance au travail si ses collègues Lagarde et Besson s’accommodent ou peut-être même organisent la promotion de celui qui, par son action passée à la tête de l’entreprise, est le premier responsable de cette misère ?

La lutte contre la souffrance au travail doit être érigée au rang de cause nationale. Il n’est plus temps de baratiner sans conviction sur le sujet, mais d’agir vite et fort. Les comportements et méthodes des entreprises, comme également des dirigeants individuellement, qui entraîneraient la souffrance et le harcèlement doivent être réprimés. Il doit y avoir de lourdes amendes et de la prison ferme à la clé. Tant pis pour le lobby du CAC 40 et des chambres de commerce !

Un salarié ne doit plus se sentir seul, démuni, abandonné face à l’intolérable. Il faut réhabiliter le dialogue social et pour ce faire, comme le propose le Parti Socialiste, approfondir la démocratie dans l’entreprise en prévoyant la présence obligatoire de représentants du personnel au sein du conseil d’administration ou de surveillance.

Quant à l’avidité financière des Lombard et autres, elle devra être stoppée net par une lourde taxation des stock options, l’interdiction de voir les rémunérations variables dépasser la part fixe et surtout, la limite au grand maximum de 1 à 20 des écarts de rémunération dans toutes les entreprises à participation publique sans la moindre exception.

C’est à ce prix que la mémoire des victimes de la souffrance au travail sera honorée. Et que Didier Lombard, la bande du Fouquet’s et les autres riches amis du pouvoir qui trustent les postes de direction et d’administrateur ne feront plus d’émules.

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