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Marée noire et avenir énergétique

Carte de la localisation de la marée noire

Alors que s’ouvre ce mardi à l’Assemblée Nationale le débat sur le projet de loi Grenelle II, qui comporte un important volet énergétique, la terrible marée noire touchant peu à peu les côtes américaines du Golfe du Mexique soulève de nombreuses interrogations quant au futur du forage pétrolier offshore.

Une nappe de brut d’une taille à ce stade de 74 000 km2, soit l’équivalent de 15% du territoire de la France métropolitaine, avance inexorablement vers les côtes de Louisiane et du Mississipi, menaçant plus de 400 espèces animales fragiles ainsi que l’économie de la pêche et du tourisme jusqu’en Floride. 160 000 litres de brut s’échappent chaque jour de la plate-forme Deep Water Horizon de BP, sans que la fuite ait pu être maîtrisée.

Une sorte de dôme en forme de couvercle pourrait être posé sur le pipeline dans un délai d’une semaine, ce qui permettrait d’acheminer le pétrole vers la surface où il serait capté en sécurité. Outre que cette opération n’a jamais encore été réalisée à une profondeur de 1 500 mètres, rendant de fait sa réalisation très aléatoire, la fracture dans l’intervalle de la tête de puits pourrait entraîner une catastrophe d’ampleur bien plus considérable. Il se dit que 16 millions de litres de brut par jour pourraient alors s’échapper en pleine mer!

Le forage offshore, qui représente aujourd’hui près d’un tiers de l’approvisionnement pétrolier mondial, est-il sûr ? Doit-il être encouragé, comme avait pu le laisser entendre la décision du Président Obama le 31 mars dernier de lever le moratoire qui existait depuis plus de 20 ans aux Etats-Unis sur les forages en haute mer ? Cette décision visait, certes, à trouver un terrain d’entente avec les républicains en vue de l’adoption du projet de loi sur le changement climatique, mais elle était apparue comme une lourde concession au lobby des majors pétrolières.

Les conditions de l’explosion de la plate-forme Deep Water Horizon restent encore inconnues et seront certainement analysées dans le détail. Dans l’attente, il faut se féliciter que la levée du moratoire ait été immédiatement suspendue par l’administration américaine dans l’attente des résultats de l’enquête. BP assumera tous les coûts de dépollution ainsi que les dommages et intérêts dus aux personnes directement affectées par la catastrophe. Le groupe a pris les devants des procès qui s’annonçaient. C’était bien le moins, mais est-ce là la réponse ?

Il est permis en effet de se demander si le risque pour la société, l’économie et la biodiversité justifie à terme le développement du forage offshore.

Quel lien avec l’examen du projet de loi Grenelle II en France? Sans doute la difficulté de faire prévaloir les intérêts de la société sur des industries installées, riches et influentes, et la réticence en parallèle à affronter les conséquences d’un changement par ailleurs souhaité.

Pas de plate-forme de forage menaçante au large des côtes françaises, mais en clair une opposition montante au développement à grande échelle des énergies renouvelables. Ainsi, un rapport présenté par le Président de la Commission de la Production et des Echanges de l’Assemblée Nationale, Patrick Ollier, entend limiter le développement des éoliennes dans le pays, au risque de mettre en péril la réalisation par la France de son objectif de réaliser 23% de sa production d’électricité à partir d’énergies renouvelables en 2020.

Les propositions du rapport Ollier seront débattues lors de l’examen du projet de loi Grenelle II. La dimension paysagère du développement éolien est une question légitime, comme également le bruit et le risque pour les oiseaux.

Pour autant, faut-il sacrifier une source d’énergie nouvelle, dans laquelle la France accuse déjà un considérable retard, et faire la politique de l’autruche sur le front de la lutte contre le réchauffement climatique ? N’y a-t-il pas matière à compromis, comme dans les meilleures heures du Grenelle de l’Environnement, avant que, désastre aux régionales aidant, Nicolas Sarkozy choisisse de revenir sur de nombreux engagements de l’Etat en matière de développement durable ?

La catastrophe pétrolière dans le Golfe du Mexique sonne comme une piqûre de rappel. Puisse cette piqûre être salutaire. Le monde ne peut se satisfaire de risques inconsidérés pour la société et la biodiversité. Il doit favoriser le développement des technologies vertes, porteuses de progrès dans la lutte contre la crise climatique et véritables gisements d’emplois. Depuis l’échec de Copenhague, une vague climato-sceptique est à l’œuvre, trouvant en France en Claude Allègre un impétueux porte-parole.

Ne laissons pas cette vague reléguer un mouvement citoyen et une économie émergente au rang de l’anecdote. Pour avoir compris très tôt le potentiel des énergies renouvelables, le Parlement allemand, sous l’impulsion de deux députés (Hermann Scheer, SPD et Hans-Josef Fell, Vert) avait adopté du temps du gouvernement Schröder un cadre législatif qui a permis depuis lors de développer une réelle économie des énergies renouvelables dans le pays, créant des dizaines de milliers d’emplois.

La France peut le faire aussi, à condition de s’affranchir de toutes les frilosités, conservatismes et autres pressions exercées pour que rien ne change.

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