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Retour sur un sondage

Depuis deux jours, un sondage de Harris Interactive occupe tout l’espace médiatique. Marine Le Pen serait en tête au premier tour de l’élection présidentielle avec 23%, devançant Martine Aubry et Nicolas Sarkozy, tous deux à 21%. DSK et François Hollande ayant été « curieusement » zappés de la première enquête, un complément d’enquête est mené à la hâte hier, hissant Marine Le Pen à 24%, devant DSK à 23% et Nicolas Sarkozy à 21%. Dans l’hypothèse d’une candidature de François Hollande, ce dernier obtiendrait 20%, devancé par Marine Le Pen à 24% et Nicolas Sarkozy à 21%. Voilà le buzz lancé : dans un sens ou dans l’autre, le 21 avril est de retour, 10 ans après ! Et les ventes du Parisien décollent, générant un beau retour sur le modeste investissement qu’aura requis l’achat d’une partie d’un mystérieux sondage omnibus.

Curieux sondage que celui-ci en effet, dont on ne sait rien ou presque de l’échantillon, de la méthode de redressement et de la marge d’erreur. A croire que l’opacité organisée autour de cette enquête est tout, sauf innocente. A force de choisir certaines options et d’en exclure arbitrairement d’autres, puis de claironner à la cantonade que les options manquantes seront finalement testées, il est possible de faire dire à l’échantillon à peu près ce que l’on veut entendre et qui, pas si accessoirement que cela, fait vendre par ailleurs. Je trouve ce manque de rigueur et de déontologie choquant. Les sondages sont des éléments importants et même précieux dans une société de liberté, pour peu cependant que des garanties minimales de transparence sur leur réalisation soient exigées par le législateur afin de prévenir toute opération de manipulation de l’opinion.

Que sont les sondages ? Une photographie de l’opinion, plus ou moins fidèle en fonction des échantillons constitués, des méthodes de redressement et de la marge d’erreur. Les sondages ne sont pas les résultats d’une élection, a fortiori à 13 mois de l’échéance. Ils ne doivent pas faire les résultats de cette élection non plus. Or il y a quelque chose d’affolant à entendre et lire depuis dimanche une avalanche de commentaires tétanisés dans le style : « çà y est, c’est foutu, c’est plié, on vous avait bien dit, c’est la faute de Sarkozy, de DSK, de Martine Aubry, etc… ». Cet atavisme désabusé n’a pas lieu d’être. Une campagne électorale est par essence dynamique. Celle de 2012 n’a pas encore commencé, sauf peut-être pour Marine Le Pen depuis qu’elle a pris la succession de son père à la tête du Front National, toute contente de bénéficier d’une couverture médiatique généreuse, quand elle n’est pas complaisante, et de l’empressement de Nicolas Sarkozy à mettre en « débat » tout ce qui, peu ou prou, nourrit le fond de commerce des Le Pen depuis belle lurette.

Ce que les sondages – les vrais – ont mesuré au long des derniers mois, c’est la montée progressive des populismes en France, qui se traduit par une poussée des intentions de vote en faveur du Front National, et l’incapacité de la gauche à ce stade à incarner un débouché politique au sarkozysme en panique (car panique il y a lorsque Dominique de Villepin est invité deux fois en une semaine à l’Elysée…). Coup de chance, il y aura les 20 et 27 mars avec les élections cantonales un sondage portant sur un échantillon correspondant à la moitié du corps électoral. Il sera possible alors de voir quel est l’étiage du Front National par rapport au même scrutin il y a trois et six ans ainsi qu’aux élections régionales de l’an passé. Les leçons seront à tirer seront alors infiniment plus fondées que sur la base d’une enquête à tout le moins douteuse.

Puissions-nous, à gauche et singulièrement au PS, voir dans ce coup médiatique le coup de semonce salutaire pour sortir de ce faux rythme politique qui aboutit à renvoyer toute audace au lointain mois de juillet. Pacte de Marrakech ou non, il est grand temps de peser sur l’agenda politique du pays par nos propositions sur les sujets essentiels aux yeux des Français comme l’emploi, l’école, la sécurité, le logement. Le buzz, c’est à nous de le faire et sur le fond ! La tactique, la posture et la chicane sont nos pires ennemis. Veillons à ce que les primaires présidentielles, formidable outil de rassemblement, ne se retournent pas contre nous. Pour gagner une élection, il faut se lâcher, avoir envie et, plus encore, donner envie. L’adversaire, le seul, est à l’Elysée et il s’agira de l’en sortir dans les urnes en ayant convaincu les Français que c’est notre candidat, parce qu’il/elle aura mis en responsabilité toutes ses cartes sur table, qui saura relever la France.

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