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Sur ma passion du vélo

stèle Fabio-Casartelli – Col de Portet d’Aspet en 2010.

J’ai reçu ces derniers temps quelques messages mi-amusés, mi-intrigués d’amis me demandant d’où pouvait bien provenir ma passion du sport cycliste. C’est vrai qu’entre les classiques de printemps et le Tour au mois de juillet, il m’arrive de glisser de temps en temps sur le blog ou Facebook quelques commentaires enflammés et décalés par rapport aux sujets couverts d’ordinaire ! Le cyclisme est une passion depuis tout petit. Je suis né dans une famille bretonne qui vénère le vélo. Aussi longtemps que je puisse m’en souvenir, j’ai toujours eu une bicyclette, dont je prenais grand soin. Mon premier maillot était un Gitane en laine bleu et blanc et mon premier vélo de course un Arrow orange. Le vélo, c’est pour moi la liberté. C’est aussi une école de vie. On ne pédale pas n’importe comment.

J’ai suivi les grandes courses cyclistes, le plus souvent à la TV, mais parfois aussi au bord des routes. La première fois que j’ai vu le Tour « en vrai », c’était en 1973 aux Eyzies, en Dordogne, et c’était Jacques Hochart, la « lanterne rouge » de cette année-là, qui était passé en tête, 10 minutes devant le peloton ! Petit, j’avais découvert la collection de Miroir Sprint de mon père dans de vieux cageots poussiéreux. Ils m’avaient passionné. Je les lisais des heures durant, assis sur l’escalier de notre garage, découvrant bien des années plus tard les exploits de Bobet, Robic, Kubler, Coppi et Koblet sur des photographies en noir et blanc. Mon père m’a raconté comment les enfants de Quimerc’h, son village, se réunissaient tous les après-midi de Tour de France pour écouter l’arrivée à la radio. Et filaient sitôt après l’arrivée refaire la course sur leurs bicyclettes.

Dans les années 1970, j’ai le souvenir de journées passées à attendre les flashes d’information de la route du Tour sur Europe 1 et France Inter (hommage ému à Jean-Paul Brouchon, une voix de légende), puis à regarder les ascensions des cols à la télévision avec mon père, mes oncles et cousins. C’était le Tour de Jacques Goddet et Félix Lévitan. Le Tour de Merckx, Ocana, Gimondi, Van Impe, de Vlaeminck, Zoetemelk, Thévenet ou Hinault. Et de Poulidor, que je vénère toujours. Un Tour plus artisanal, un peu moins barnum qu’aujourd’hui, mais plus passionnant aussi. Un Tour où les favoris n’attendaient pas les 2 derniers kilomètres d’une longue étape de montagne pour attaquer. Un Tour où le panache en disputait toujours à l’exploit. Un Tour où personne ne roulait à l’économie. Un Tour qui arrivait encore au Puy-de-Dôme.

J’ai la nostalgie des critériums, qui réunissaient les meilleurs coureurs français et du monde à proximité de chez nous. Il ne reste malheureusement plus grand-chose de ces courses, victimes de l’évolution du cyclisme professionnel. C’est une grande perte. Nous allions au Circuit de l’Aulne à Châteaulin comme on va à la messe. Le Circuit de l’Aulne était la Mecque des critériums. Gagner à Châteaulin avait de la gueule sur un palmarès. Je me souviens des frissons dans la foule lorsque les champions qui avaient égayé nos vacances apparaissaient sur les bords de l’Aulne pour prendre le départ. Il y avait souvent parmi eux le Champion du Monde, couronné la veille, qui arrivait dans son maillot arc-en-ciel. La course achevée, la rentrée scolaire pouvait se profiler. L’été était fini. Nous avions eu notre ration d’exploits.

Tout cela pour dire que le vélo est pour moi un mélange de souvenirs, d’émotions et d’images. J’ai comme l’impression d’avoir découvert la France avec le Tour. La France des petites villes et des villages, celle que raconte Jean-Paul Ollivier avec tant de talent. La France des petites routes, du soleil de l’été, du camping et de nos parfums de légende. L’Izoard et la Casse déserte, le Tourmalet, le Galibier sont pour moi des noms magiques. Il m’arrive parfois de penser à ces lieux mythiques, à ce qu’ils deviennent lorsque le Tour est passé et qu’ils retournent à l’oubli pour un an ou peut-être plus. L’an passé, je m’étais arrêté au mois d’août devant la stèle de Fabio Casartelli dans le col de Portet d’Aspet. Un monument de marbre blanc. Le Tour y était passé quelques semaines avant. Il y avait déjà un immense silence. Une grande solitude aussi. J’imagine la stèle recouverte de neige en hiver, perdue au cœur des Pyrénées.

Voilà en quelques mots ma passion cycliste. Il y a de la nostalgie, mais aussi des rêves. Rêves de courses propres, débarrassées des marchands de mort qui alimentent le dopage. Rêves de voir renaître les petites courses de nos communes. Rêve de partager les valeurs du vélo, l’esprit d’équipe. J’aimerais qu’un jour, quelqu’un découvre mes Miroirs du Cyclisme, cachés dans un carton cabossé, les livres d’Antoine Blondin et mes rédactions d’enfant, enthousiastes, naïves et tendres, quand je m’imaginais pédalant en jaune sur les routes du Tour. Et si je suis tous les ans au Carrefour de l’Arbre, dans le Mur de Grammont, le Cauberg, le Mur de Huy et la Côte de la Redoute, rien ne me ferait plus plaisir que de retrouver l’arrivée d’un Circuit de l’Aulne sur l’avenue Louison-Bobet. Pour que revive la légende.

Bonus pour ceux qui ont lu jusqu’au bout ces digressions sur ma passion de la Petite Reine:

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