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Taxe carbone: quand tombent les masques de la droite

A la suite de sa déroute aux régionales, la droite tombe les masques.

Exit la taxe carbone, rejetée au nom des fondamentaux libéraux selon lesquels tout effort fiscal, plus encore toute justice fiscale, sont à proscrire. La messe annoncée par François Fillon hier a été dite par Nicolas Sarkozy ce matin : la taxe carbone est enterrée. En ces temps de disette électorale, la peur et l’insécurité sont les valeurs refuges de la droite en charpie.

La brutalité de l’annonce est à la hauteur du cynisme du pouvoir : la priorité environnementale du début de quinquennat, marquée par le Grenelle de l’Environnement, n’aura donc été qu’un leurre. Le discours de Nicolas Sarkozy du 10 septembre 2009 vantant « le choix historique de la mise en place d’une fiscalité écologique » est passé à la trappe.  Sans doute prétendra-t-on demain qu’il n’a même jamais été prononcé…

Quand les choses se tendent, l’environnement est prestement évacué, signifiant ainsi qu’il ne saurait être une préoccupation qu’en périodes politiques et économiques plus légères. La droite n’a toujours rien compris au gisement d’emplois et de richesses que l’économie verte porte en elle. Elle n’a rien compris non plus à l’urgence climatique et c’est à raison que tous les militants de l’environnement se réveillent ce mercredi avec une sérieuse gueule de bois.

Les travaux remarquables du Grenelle de l’Environnement en faveur d’une taxe contribuant à modifier les comportements pour « dé-carboniser » l’économie française sont ainsi passés par pertes et profits. Il en est de même de toute la réflexion conduite par la Commission Rocard sur le prix de la tonne de CO2, l’assiette de la taxe et son taux.

Le MEDEF et les multiples lobbies qui s’agitaient dans la coulisse depuis la censure du passage concerné de la loi de finances par le Conseil Constitutionnel en fin d’année 2009 peuvent se frotter les mains. Le gouvernement leur a donné ce qu’ils voulaient : l’exonération de tout effort supplémentaire dans la lutte contre la crise climatique.

Comme pour l’assouplissement des règles environnementales promis par Nicolas Sarkozy au monde agricole au début mars, la concurrence avec nos partenaires de l’Union européenne est désormais régulièrement convoquée pour proscrire tout courage national en termes de protection de l’environnement et du climat. Triste argument pour habiller ce qui est un acte de cynisme et de couardise politique.

Plus que jamais, la taxe carbone est un élément central d’une politique visant à lutter efficacement contre le réchauffement climatique et à faire face à la raréfaction annoncée des énergies fossiles. Renchérissant dans la transparence le prix de l’énergie fossile, elle contribuerait de manière décisive à l’évolution des modes de production et des comportements individuels et collectifs.

Elle ne devrait épargner à tout le moins aucun des secteurs industriels non-couverts par le marché européen d’échange de quotas d’émissions de CO2. De même, elle devrait être un instrument de redistribution des revenus afin de réduire les inégalités. C’est en effet la condition nécessaire de son acceptabilité sociale.

Le produit de la taxe pourrait être utilisé pour le financement de mesures comme par exemple la prime à l’emploi, dès lors que seraient mis en place en parallèle d’importants plans d’économies d’énergie dans le logement social et d’investissements dans les transports publics.

Porter le débat à l’échelle européenne a du sens, sans pour autant écarter toute initiative nationale comme le fait à présent Nicolas Sarkozy. La première question à se poser est celle de l’efficacité de la taxe carbone en comparaison au dispositif européen de quotas d’émissions de CO2.

La taxe carbone ne doit pas se penser en complément du marché européen d’émissions. Elle donne en effet un signal prix stable, qui permet aux entreprises d’anticiper et de mieux se défendre contre la concurrence déloyale venue de zones du monde moins engagées dans le combat contre la crise climatique.

A l’inverse, la spéculation inhérente au dispositif de quotas fragilise l’incitation à substituer des technologies plus économes de CO2. Le Conseil Constitutionnel avait indiqué en décembre 2009 que les secteurs exposés à ce  dispositif ne sauraient en tout état de cause rester à l’écart de la taxe carbone. C’est très juste, n’en déplaise à Laurence Parisot et au MEDEF.

La Suède est le pays européen que Nicolas Sarkozy a choisi à grand tort de ne pas suivre. Il est en effet le meilleur exemple de ce que la mise en place d’une taxe carbone efficace est possible. La taxe carbone suédoise a contribué à réduire de 9% les émissions de gaz à effet de serre du pays depuis 1991 alors que la croissance économique y progressait de 48%.

La Présidence suédoise de l’Union européenne avait, en fin d’année 2009, avancé l’idée d’une taxe carbone européenne. Sans grand succès, les Etats membres ne rivalisant pas d’allant en matière fiscale à l’échelle européenne. La règle de l’unanimité posée par les Traités rend l’opération aléatoire. L’idée est bonne cependant, dès lors qu’elle ne dédouane pas les gouvernements de leur obligation de résultat au niveau national.

La décision de Nicolas Sarkozy ce mercredi est une faute politique majeure que nous devons attaquer, marteler, pointer du doigt.

La crise climatique est là. Elle ne s’efface pas devant la crise économique. Mieux, la réponse à la crise climatique est aussi celle à la crise économique.

C’est l’avenir de l’humanité qui est en jeu et le Président de la République a montré aujourd’hui qu’il n’en était pas à la hauteur.

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