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Lesbos ou l’âme perdue de l’Europe


Image par Thomas Meier, Pixabay

Pour qui pense que l’Europe est un projet de paix et de solidarité, ce qui se passe depuis deux jours sur l’ile grecque de Lesbos est une tragédie et une honte. A Lesbos, ce ne sont pas que des tentes et des infrastructures qui partent en fumée, ce sont aussi l’âme et les valeurs de l’Europe. Avant l’incendie, il y avait dans le camp de Moria plus de 13 000 réfugiés, parmi lesquels 4 000 enfants, vivant dans des conditions d’hygiène et de surpopulation d’une rare indignité, sans accès à une douche et à des toilettes. 13 000 réfugiés, c’est quatre fois plus que la capacité d’accueil du camp. Ces milliers de personnes sont désormais sans abri sur l’ile de Lesbos.

Dire sa tristesse est bien le moins face à cette tragédie. Certains gouvernements européens (pas tous…) l’ont fait. Mais leur tristesse n’est pas une réponse. La réponse, ce serait la réforme si longtemps attendue et toujours différée de la politique migratoire de l’Union européenne. Il n’est plus temps de procrastiner ou de jouer son opinion publique contre les valeurs de l’Europe. C’est la fermeture des frontières nationales aux demandeurs d’asile qui a fait de l’ile de Lesbos un goulet d’étranglement et du camp de Moria une prison à ciel ouvert. S’y sont développé la violence, les trafics en tout genre, la prostitution et les enlèvements de mineurs.

L’incendie du camp de Moria exprime un désespoir qu’il est urgent d’entendre. A quand la réforme du Règlement de Dublin, qui aboutit aujourd’hui à faire reposer sur la Grèce et sur l’Italie à Lampedusa une responsabilité qui concerne toute l’Europe ? Il est vain et injuste d’exiger que le pays d’entrée soit celui qui prenne en charge les migrants. Ce doit être la responsabilité partagée des 27 Etats membres de l’Union européenne. Détourner le regard ou promettre des sous dans le but de maintenir le statu quo n’est pas la réponse. La réponse, ce doit être la mise en place d’un accueil des réfugiés reposant sur leur répartition entre Etats membres de l’Union européenne.

Le droit d’asile est universel. Il repose sur un accueil digne des demandeurs, fuyant les menaces et les persécutions, luttant pour leur vie et celle des leurs. Ne laissons les égoïsmes, les cœurs secs et la xénophobie prospérer sur le chaos, la détresse et les petites lâchetés. A l’approche de la présentation par la Commission européenne de son projet de Pacte sur la migration et l’asile, il est important que l’Allemagne et la France, à l’instar de leur engagement pour la solidarité européenne face à la crise, s’engagent pour une réforme juste, équitable et humaine du Règlement de Dublin, une réforme à la hauteur des valeurs de l’Europe et de son projet de paix par le droit.

Heiner Wittmann (fondateur du Frankreich Blog) et Pierre-Yves Le Borgn’ (ancien député des Français de l’étranger)

Version en allemand sur www.france-blog.info/lesbos-oder-die-verlorene-seele-europas