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La vaccination est un devoir civique

Sous le soleil timide du 1er mai de Bruxelles, j’ai pris cet après-midi le chemin du centre de la Croix-Rouge de Forest, là où, depuis des mois, j’effectuais des tests PCR en quantité conséquente. C’était la condition pour continuer à passer la frontière belge, travailler et maintenir à flot ma petite entreprise. Aujourd’hui, ce n’est pas pour un test que je suis allé à Forest, mais pour le vaccin du Covid, enfin. Des mois que j’attendais cela, comme tant d’autres. Au lieu de tourner à droite en haut de l’escalier, vers les cabines de test, j’ai pris pour la première fois à gauche, vers les cabines de vaccination. Que dire, sinon que je suis soulagé. Et heureux. Et reconnaissant aussi. Je suis un quinquagénaire on ne peut plus banal, ni petit ni grand, ni maigre ni dodu. Le VTT est ma passion et me tient en forme. Le spinning le faisait aussi, mais mon club de sport n’a plus rouvert depuis octobre. Tant bien que mal en cette période compliquée, j’ai fait de l’exercice, au point souvent d’oublier l’asthme dont je souffre depuis l’enfance et que j’ai appris à dominer par le sport et la musculation pectorale. Cet asthme-là aurait cependant pu compliquer les choses si j’avais été contaminé au Covid. J’ai essayé de chasser cette crainte de mes pensées tout au long de ces mois, d’observer toutes les règles de prudence et de tenir bon.

Mon tour, aujourd’hui, était venu. C’est le bénéfice de l’âge. Le littéraire que je suis a pour les scientifiques et les chercheurs une admiration éperdue. C’est hallucinant, lorsque l’on y pense, qu’un vaccin contre le Covid, maladie nouvelle et tellement inconnue encore, ait pu être développé en l’espace d’un an seulement. Dans la tragédie que nous vivons à l’échelle du monde depuis les premiers mois de 2020, il y a dans cet exploit le meilleur du génie humain. Imaginons, avec les deuxième, troisième et quatrième vagues, ce que nos vies auraient été si nous n’avions en 2021 d’autre issue pour nous protéger qu’un confinement infini, destructeur moralement, économiquement et socialement. Certes, la campagne de vaccination entamée au cœur de l’hiver a connu des épisodes chaotiques, mais les faits sont là : des millions de personnes ont déjà été vaccinées et le chemin vers l’immunité collective est pris. Voilà pourquoi j’éprouve un profond sentiment de reconnaissance pour les femmes et hommes qui, sans relâche, ont cherché, testé, investi et produit pour que le vaccin arrive au plus vite. Je me suis dit, au retour de Forest, que je devais l’écrire. Il faut vouloir voir le meilleur au milieu d’une épreuve, nouer les fils de l’espoir et affirmer aussi un certain nombre de vérités.

Le vaccin contre le Covid, c’est un droit. Je pense que c’est aussi un devoir. Quand une maladie tue des millions de personnes, fait reculer l’espérance de vie, met l’économie à l’arrêt et entraine la paupérisation de couches entière de notre société, il faut avoir la force d’âme de penser aux autres avant de penser à soi. Cela veut dire se faire vacciner, en laissant de côté toutes les préventions, bonnes ou mauvaises, que l’on peut avoir contre la vaccination, les aiguilles, les firmes pharmaceutiques ou le capitalisme. Il n’est plus temps d’être douillet, craintif, rigide ou révolutionnaire, il est temps, tout simplement, d’être altruiste et citoyen. La vaccination est un devoir civique. Bien sûr, toute injection est un risque, mais que pèse ce risque au regard du malheur collectif que nous vivons ? Je ne comprends déjà pas les anti-vaccins en règle générale, et c’est encore moins le cas dans la crise du Covid. La liberté que je défends bec et ongle se conjugue avec l’éthique de responsabilité. Et la solidarité. C’est par la vaccination que nous vaincrons ensemble le Covid, par la construction de l’immunité collective. Il n’y a aucune autre issue pour s’en sortir. Nous nous devons les uns aux autres et c’est maintenant, dans les actes, qu’il faut que chacun le prouve.

Il n’est pas correct d’espérer des autres qu’ils fassent l’effort que l’on se refuse à faire pour soi-même, d’attendre confortablement et égoïstement l’immunité collective à laquelle on aura choisi individuellement de pas contribuer. La société n’est pas faite que de droits, et plus encore lorsqu’elle organise la prise en charge médicale sur la base de la solidarité nationale. En retour, il y a un devoir. Selon l’Institut Pasteur, il faudrait que plus de 90% des adultes soient vaccinés pour que l’on retrouve une vie enfin libérée. C’est cet objectif qu’il faut aller chercher. Ce ne sera pas simple. Qui ne rêve pas de vivre enfin sans masque, de pouvoir embrasser ses amis et ses proches, de voyager à nouveau, de retrouver une vie sociale et familiale, un travail, un avenir ? C’est la vaccination, la vaccination de tous et pour tous, qui le permettra. Ne le devons-nous pas à la mémoire des victimes du Covid, ne le devons-nous pas aux soignants héroïques qui se battent jusque l’épuisement pour sauver des vies ? Il faut convaincre, dépasser les réticences, en appeler au sens du devoir, mobiliser face au péril. Rien n’est encore gagné, a fortiori face au développement des variants, mais il est certain que tout sera perdu si l’on n’atteint pas l’immunité collective. Soyons tous à la hauteur du défi. Il le faut.