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“Aux armes zécolos”

Depuis deux jours, je suis plongé dans la lecture passionnante de « Aux armes zécolos », un roman écrit par un ami et qui a pour thème la reconquête des hauts de l’Aulne par le saumon sauvage ! L’ami écrivain s’appelle Hervé Jaouen. Il doit en être à son cinquantième bouquin depuis ses débuts dans le polar il y a une trentaine d’années. Hervé, qui, dans une vie précédente, fut un excellent banquier sur les terres bigoudènes de Jérôme Kerviel, passe avec bonheur et succès d’un genre à l’autre, d’un style à l’autre, depuis les premières intrigues de ses débuts aux grands romans, chroniques de voyage, contes pour la jeunesse, traductions et beaux livres.
Il écrit dans une maison toute rose au cœur des bois, à deux pas de Notre-Dame de Kerdévot, un petit bijou de chapelle du XVème siècle, située sur la commune d’Ergué-Gabéric. Un endroit sacrément inspirant pour parler des choses de la vie, du temps qui passe et aussi des combats à mener.

Dans « Aux armes zécolos », le combat est celui de Bleunwenn, sorte de Zazie du terroir, qui plaque Paris et ses parents pour venir s’inscrire au lycée dans les Monts d’Arrée, chez ses grands-parents. Son grand-père, fou de pêche à la ligne, déprime sérieusement face à la disparition du saumon dans les hauts de l’Aulne, victime de la pollution agricole et des barrages. Plus de saisons, plus de saumons, tout fout le camp ! Alors Bleunwenn entreprend, avec l’aide de son ami Gwendal, de faire revenir le poisson pour sauver son grand-père et reconquérir la rivière.

Je n’en dis pas plus, à la fois parce que je n’ai pas encore fini le roman et aussi parce que j’espère que ce petit post donnera à celles et ceux qui le liront l’envie de le découvrir. Je suis vraiment touché par ce livre, car il exprime très justement, au-delà de l’intrigue, toutes les questions ouvertes sur la perte accélérée et peut-être irrémédiable de la biodiversité. Le style d’écriture d’Hervé Jaouen est tendre, drôle et parfois cruellement ironique.

Il y a un passage dans le livre qui m’a fait mourir de rire et je ne résiste pas au plaisir de le reproduire ici. C’est Bleunwenn qui parle :

“J’ai observé que les gens, quand ils prennent leur retraite, se divisent principalement en deux camps. Soit ils se laissent glisser sur la mauvaise pente de l’oisiveté gastronome, en pagayant ferme de la fourchette dans la blanquette, le ragoût et autres plats en sauce ; ceux-ci meurent prématurément en scène, au restaurant. Frappés d’apoplexie, ils piquent du nez dans un navarin, puis finissent simplement étouffés ou carrément noyés, selon la profondeur de l’assiette et l’épaisseur de la liaison. Soit, à l’inverse, soudain malades de leur santé, ils grignotent de la biscotte sans sel, chipotent sur la margarine allégée, sculptent leurs corps, s’infligent des joggings marathoniens, lestés d’un pèse-personne en bandoulière pour évaluer leur perte de poids tous les cent mètres ; ils prolongent ainsi leur existence, mais quelle vie de souffrances et de privations ! Et comme personne n’est éternel, quand leur trépas survient, nul besoin de les momifier, ils n’ont plus que la peau sur les os”.

Bleunwenn prend soin cependant de dire que ses grands-parents n’appartiennent à aucune de ces deux catégories. Rassurant pour eux et pour d’autres aussi que les exceptions soient possibles!

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