Sans doute la photo illustrant ce post surprendra-t-elle. Que vient faire effet ce vieux billet dans un papier sur le Sénat ? C’est ce que ce billet a une histoire. Je l’ai retrouvé, non sans émotion, il y a quelques jours dans ma tirelire d’enfant en Bretagne. Mon père me l’avait donné le dimanche 28 septembre 1980. Cela fera 40 ans lundi prochain. C’était le jour des élections sénatoriales dans le Finistère comme dans le reste de la France. Armand Le Borgn’, adjoint au maire d’Ergué-Gabéric, était l’un des 1 847 grands électeurs finistériens. Entre le premier et le second tour de scrutin, comme chaque grand électeur, il avait reçu la somme correspondant à ses frais de déplacement pour venir voter au Palais de Justice à Quimper. 30 Francs, 3 billets de 10 Francs à l’effigie d’Hector Berlioz, venus tout droit et tout neufs de la Banque de France. A ma sœur et à moi, mon père avait donné un et il avait conservé le dernier pour lui. Comme j’étais plutôt fourmi que cigale, je l’avais glissé dans ma tirelire. Je n’avais pas envie de dépenser mon beau billet de 10 Francs. Le moment m’avait marqué, la solennité de l’instant aussi, comme un symbole et une leçon d’instruction civique in situ.
Entre les deux tours de scrutin, l’un le matin, l’autre l’après-midi, nous étions allés avec ma mère et ma sœur rejoindre mon père dans Quimper. Autour du Palais de Justice, il y avait toute la classe politique du département, tous les maires des communes finistériennes, beaucoup de grands électeurs et bien peu de grandes électrices. Il régnait une effervescence insoupçonnée pour l’adolescent que j’étais. On sentait quelque part que ce dimanche-là était d’importance pour notre département. C’est cela qui m’avait touché confusément. A 14-15 ans, je m’éveillais peu à peu à la conscience politique et à la connaissance (timide) de nos institutions. Pour résumer les choses dans ce qui était mon état d’esprit de l’époque, le Sénat était une assemblée certainement respectable, mais bien lointaine aussi, peuplée de vieux schnocks amortis dont quelques-uns avaient en outre le tort redoutable d’être nés au XIXème siècle… Une appréciation aussi péremptoire qu’injuste, que l’on attribuera généreusement aux emportements de la jeunesse. Et peut-être également au climat de l’époque, celle du giscardisme finissant, quand tout – pensait-on – se jouait entre l’Elysée et l’Assemblée nationale.
40 ans après, mon petit billet de 10 Francs pieusement conservé est devenu collector. Et mon état d’esprit à l’égard de l’institution sénatoriale a fort heureusement changé, l’âge, l’expérience (et les études de droit) venant. Je partais de loin. J’avais besoin de comprendre le sens et la pertinence du bicamérisme, puis la valeur ajoutée du Sénat en France. Il y a en Europe des Parlements monocaméraux, comme celui du Portugal que j’ai appris à connaître. Ce choix entre une ou deux chambres appartient à une histoire nationale particulière, à une structure constitutionnelle propre, à la volonté (ou non) de concevoir la fabrique de la loi dans un échange que je crois pour ma part fécond entre la représentation du peuple et celle des territoires, émanant chacune du suffrage universel. Mes deux années américaines au sortir des études m’ont permis aussi de comprendre le sens du dialogue législatif entre la Chambre des Représentants et le Sénat. Le bicamérisme tempère les emballements. Il préserve des seuls calculs politiques et partisans, enrichit l’écriture du droit, assure un meilleur contrôle de l’application de la loi. Et le Sénat joue dans ce cadre un rôle décisif.
Depuis 3 ans, je parcours la France au gré de missions de conseil. Je rencontre nombre d’élus locaux, maires et présidents d’intercommunalités passionnés, dont l’expérience, les attentes, les espoirs, les colères doivent être entendues. C’est au Sénat, par les sénateurs, que cela doit se faire, utilement, efficacement, du bas vers le haut, « bottom up » comme diraient les Américains. La verticalité, la centralisation et les certitudes parisiennes sont autant de plaies dont notre pays crève. Cela vaut aussi pour la représentation locale des Français de l’étranger, les conseils consulaires et leurs élus, auprès desquels les Sénateurs des Français de l’étranger doivent trouver légitimité et expérience. Le suffrage indirect facilite cette incarnation et lui apporte une justification qui, à prime abord, ne va peut-être pas de soi (du moins, le pensais-je initialement ainsi …) et qui pourtant fait sens. Encore faut-il pour cela assurer une représentation équitable des sièges sénatoriaux entre territoires ruraux, périphériques et urbains, suivant aussi fidèlement que possible la distribution démographique de notre pays et son évolution. Le Sénat, s’il veut jouer pleinement son rôle, doit être tout sauf conservateur.
J’ai été député durant 5 ans. L’Assemblée nationale est une chambre passionnante. J’y ai des tas de bons souvenirs. Et quelques moins bons aussi, comme la caporalisation du groupe parlementaire majoritaire par le gouvernement. Et ce qui était vrai dans la précédente législature l’est davantage encore dans l’actuelle. Or, l’Assemblée nationale ne peut être une simple chambre d’enregistrement où penser, réfléchir, s’interroger et s’indigner serait proscrit. Se présente-t-on aux élections pour lever docilement la main si l’on est dans la majorité et s’épuiser à défendre des amendements toujours rejetés si l’on est dans l’opposition ? Non. L’avènement du quinquennat et l’organisation des élections législatives dans la foulée de l’élection présidentielle ont desservi l’Assemblée nationale. La pratique des exécutifs successifs et leur peu d’égard pour les députés ont fait le reste. Le jeu politique et la dictature de l’émotion touchent le Palais Bourbon davantage que le Palais du Luxembourg. C’est la chance du Sénat que d’y échapper pour tracer plus librement, plus sereinement un sillon législatif solide et utile. La démocratie française et la Vème République en ont besoin.
Dimanche prochain, les grands électeurs finistériens se réuniront à Quimper. Ils recevront aussi quelques billets en retour de leur déplacement, des Euros cette fois-ci. Peut-être une tirelire d’enfant les accueillera comme la mienne le fit en son temps. Je l’espère bien. J’aurai une pensée pour mon père et pour ces souvenirs émus de notre famille réunie sur les marches du Palais de Justice. Dommage qu’il n’en reste pas une photo. Il n’y avait pas d’IPhone à l’époque. Je penserai aussi à trois amis qui me sont chers, par-delà les choix politiques. L’une, Maryvonne Blondin, quittera le Sénat et la vie publique après deux beaux mandats de sénatrice du Finistère. Les deux autres, Jean-Jacques Urvoas dans le Finistère et Christian Franqueville dans les Vosges, tenteront d’y entrer. Jean-Jacques fut un mentor exigeant et drôle à la commission des lois de l’Assemblée, Christian fut mon voisin d’hémicycle et un précieux complice durant tant de séances de nuit. L’un comme l’autre aura à cœur de porter au Sénat la passion de son territoire, son expérience de terrain et un engagement parlementaire libre, constructif et d’avenir.
Pour qui pense que l’Europe est un projet de paix et de solidarité, ce qui se passe depuis deux jours sur l’ile grecque de Lesbos est une tragédie et une honte. A Lesbos, ce ne sont pas que des tentes et des infrastructures qui partent en fumée, ce sont aussi l’âme et les valeurs de l’Europe. Avant l’incendie, il y avait dans le camp de Moria plus de 13 000 réfugiés, parmi lesquels 4 000 enfants, vivant dans des conditions d’hygiène et de surpopulation d’une rare indignité, sans accès à une douche et à des toilettes. 13 000 réfugiés, c’est quatre fois plus que la capacité d’accueil du camp. Ces milliers de personnes sont désormais sans abri sur l’ile de Lesbos.
Dire sa tristesse est bien le moins face à cette tragédie. Certains gouvernements européens (pas tous…) l’ont fait. Mais leur tristesse n’est pas une réponse. La réponse, ce serait la réforme si longtemps attendue et toujours différée de la politique migratoire de l’Union européenne. Il n’est plus temps de procrastiner ou de jouer son opinion publique contre les valeurs de l’Europe. C’est la fermeture des frontières nationales aux demandeurs d’asile qui a fait de l’ile de Lesbos un goulet d’étranglement et du camp de Moria une prison à ciel ouvert. S’y sont développé la violence, les trafics en tout genre, la prostitution et les enlèvements de mineurs.
L’incendie du camp de Moria exprime un désespoir qu’il est urgent d’entendre. A quand la réforme du Règlement de Dublin, qui aboutit aujourd’hui à faire reposer sur la Grèce et sur l’Italie à Lampedusa une responsabilité qui concerne toute l’Europe ? Il est vain et injuste d’exiger que le pays d’entrée soit celui qui prenne en charge les migrants. Ce doit être la responsabilité partagée des 27 Etats membres de l’Union européenne. Détourner le regard ou promettre des sous dans le but de maintenir le statu quo n’est pas la réponse. La réponse, ce doit être la mise en place d’un accueil des réfugiés reposant sur leur répartition entre Etats membres de l’Union européenne.
Le droit d’asile est universel. Il repose sur un accueil digne des demandeurs, fuyant les menaces et les persécutions, luttant pour leur vie et celle des leurs. Ne laissons les égoïsmes, les cœurs secs et la xénophobie prospérer sur le chaos, la détresse et les petites lâchetés. A l’approche de la présentation par la Commission européenne de son projet de Pacte sur la migration et l’asile, il est important que l’Allemagne et la France, à l’instar de leur engagement pour la solidarité européenne face à la crise, s’engagent pour une réforme juste, équitable et humaine du Règlement de Dublin, une réforme à la hauteur des valeurs de l’Europe et de son projet de paix par le droit.
Heiner Wittmann (fondateur du Frankreich Blog) et Pierre-Yves Le Borgn’ (ancien député des Français de l’étranger)
Version en allemand sur www.france-blog.info/lesbos-oder-die-verlorene-seele-europas
Il y a quelques jours, j’ai retrouvé la maison après des semaines heureuses en Galice et en Bretagne. Chaque été, lorsque vient le moment du retour, je redoute et en même temps j’attends ce dernier virage, celui qui fait apparaître notre maison à l’issue du voyage. L’esprit est encore en vacances, aux souvenirs, aux échanges familiaux et amicaux de l’été et pourtant la vie quotidienne va bientôt reprendre ses droits. Ce sentiment a cette année un sens plus vif. Les vacances auront été particulières. La crise sanitaire est là. Il a manqué l’insouciance, la légèreté, la quiétude des étés d’avant. Une peur sourde existe en chacun d’entre nous, plus ou moins partagée, plus ou moins avouée. Quand en sortirons-nous ? Ces dernières semaines, les chiffres des autorités de santé publique ont confirmé l’augmentation importante de la circulation du virus, en particulier chez les jeunes, avec le risque en retour qu’ils contaminent les personnes plus âgées, que la maladie menace bien davantage.
Nous allons devoir apprendre à vivre longtemps avec le Covid 19, certainement des mois et donc un nouvel hiver avant qu’un vaccin apparaisse, peut-être au printemps de l’an prochain. Ce sera long. Ce sera dur aussi car, à côté de la crise sanitaire, la crise économique et sociale fera des ravages. C’est maintenant, en cette fin d’été et cet automne, que les faillites et suppressions d’emplois par centaines de milliers vont intervenir inéluctablement. Et rien ne serait pire pour l’économie française qu’un nouveau confinement généralisé, précipité par l’aggravation de la situation sanitaire. Il la ruinerait. L’éviter, c’est prendre conscience de nos responsabilités à chacun : sans vaccin, seuls les gestes barrières et le port du masque permettent de contenir la progression du virus. Ne laissons pas la pandémie faire plus de dégâts qu’elle n’en a déjà fait pour la santé, pour l’économie, pour l’école. Il en tient d’abord à nous, à notre sens du devoir. Se protéger, c’est nous protéger tous.
Pour réussir, la pédagogie dans l’action doit être un souci de tous les instants. La peur, l’angoisse, la colère et malheureusement le complotisme travaillent la société française depuis des mois. Il faut tout partager, mieux partager des informations sur la pandémie et des résultats obtenus (ou non) pour la maîtriser. C’est la responsabilité du gouvernement. Il faut une parole simple, claire, juste et régulière. Elle manque souvent. Une décision n’est efficace que lorsqu’elle est comprise. Pourquoi doit-on porter le masque dans une rue, mais pas dans l’autre ? Comment accepter que tous les festivals de l’été aient été annulés, laissant le monde de la culture dans un état de sinistre avancé, quand 12 000 spectateurs un jour, 9 000 spectateurs un autre, se massent au Puy-du-Fou ? A défaut de justification, le sentiment de « deux poids, deux mesures » prospère et il est ravageur pour la lisibilité de l’action publique, pour son acceptabilité et pour le moral des Français.
La pédagogie requiert l’explication et l’écoute. Tant pour la crise sanitaire que pour la crise économique et sociale. Un effort immense a été annoncé aujourd’hui sous la forme d’un plan de relance de 100 milliards d’Euros, dont 40 milliards provenant de l’Union européenne. Il faut le saluer. Autant d’emplois que possible doivent pouvoir être sauvés, notamment par le recours au chômage partiel et à l’activité partielle de longue durée. Cependant, il faut aussi agir stratégiquement par l’investissement et le développement massif de la formation afin d’aller le plus possible vers des secteurs d’avenir riches en emplois, en particulier pour la transition écologique et énergétique. Le plan de relance ne peut servir à maintenir l’économie française dans la situation d’avant-crise. Paradoxalement, il constitue, dans l’épreuve que nous traversons, une opportunité qui commande de hiérarchiser les priorités. Cela aussi, il est important de l’expliquer et de le justifier.
Il y a un an, il y a même 6 mois encore, jamais nous n’aurions imaginé une telle crise. Elle rebat toutes les cartes de l’action publique, requiert l’engagement européen et international, oblige aussi à reconsidérer des choix politiques antérieurs. Une chose par contre n’a pas changé : c’est le mal-être de la société française, cette peur sourde qu’alimente le sentiment ou la crainte de la relégation sociale, territoriale ou générationnelle. La crise le met désormais à nu. L’explosion peut venir de la coagulation des souffrances. Il faut le savoir. Il faut y répondre, loin de la verticalité d’une gouvernance distante, sur le terrain, par une parole simple et modeste, dans l’action et plus que tout par le résultat. Il s’agit de donner confiance, sans la décréter, en la construisant. Les mois à venir seront décisifs. L’été reviendra, d’autres jours aussi, heureux je le souhaite. J’espère que mon dernier virage l’an prochain sera autre, parce que nous aurons su tourner favorablement la page de cette année sans pareille.
Berlioz, le Sénat et l’avenir
Sans doute la photo illustrant ce post surprendra-t-elle. Que vient faire effet ce vieux billet dans un papier sur le Sénat ? C’est ce que ce billet a une histoire. Je l’ai retrouvé, non sans émotion, il y a quelques jours dans ma tirelire d’enfant en Bretagne. Mon père me l’avait donné le dimanche 28 septembre 1980. Cela fera 40 ans lundi prochain. C’était le jour des élections sénatoriales dans le Finistère comme dans le reste de la France. Armand Le Borgn’, adjoint au maire d’Ergué-Gabéric, était l’un des 1 847 grands électeurs finistériens. Entre le premier et le second tour de scrutin, comme chaque grand électeur, il avait reçu la somme correspondant à ses frais de déplacement pour venir voter au Palais de Justice à Quimper. 30 Francs, 3 billets de 10 Francs à l’effigie d’Hector Berlioz, venus tout droit et tout neufs de la Banque de France. A ma sœur et à moi, mon père avait donné un et il avait conservé le dernier pour lui. Comme j’étais plutôt fourmi que cigale, je l’avais glissé dans ma tirelire. Je n’avais pas envie de dépenser mon beau billet de 10 Francs. Le moment m’avait marqué, la solennité de l’instant aussi, comme un symbole et une leçon d’instruction civique in situ.
Entre les deux tours de scrutin, l’un le matin, l’autre l’après-midi, nous étions allés avec ma mère et ma sœur rejoindre mon père dans Quimper. Autour du Palais de Justice, il y avait toute la classe politique du département, tous les maires des communes finistériennes, beaucoup de grands électeurs et bien peu de grandes électrices. Il régnait une effervescence insoupçonnée pour l’adolescent que j’étais. On sentait quelque part que ce dimanche-là était d’importance pour notre département. C’est cela qui m’avait touché confusément. A 14-15 ans, je m’éveillais peu à peu à la conscience politique et à la connaissance (timide) de nos institutions. Pour résumer les choses dans ce qui était mon état d’esprit de l’époque, le Sénat était une assemblée certainement respectable, mais bien lointaine aussi, peuplée de vieux schnocks amortis dont quelques-uns avaient en outre le tort redoutable d’être nés au XIXème siècle… Une appréciation aussi péremptoire qu’injuste, que l’on attribuera généreusement aux emportements de la jeunesse. Et peut-être également au climat de l’époque, celle du giscardisme finissant, quand tout – pensait-on – se jouait entre l’Elysée et l’Assemblée nationale.
40 ans après, mon petit billet de 10 Francs pieusement conservé est devenu collector. Et mon état d’esprit à l’égard de l’institution sénatoriale a fort heureusement changé, l’âge, l’expérience (et les études de droit) venant. Je partais de loin. J’avais besoin de comprendre le sens et la pertinence du bicamérisme, puis la valeur ajoutée du Sénat en France. Il y a en Europe des Parlements monocaméraux, comme celui du Portugal que j’ai appris à connaître. Ce choix entre une ou deux chambres appartient à une histoire nationale particulière, à une structure constitutionnelle propre, à la volonté (ou non) de concevoir la fabrique de la loi dans un échange que je crois pour ma part fécond entre la représentation du peuple et celle des territoires, émanant chacune du suffrage universel. Mes deux années américaines au sortir des études m’ont permis aussi de comprendre le sens du dialogue législatif entre la Chambre des Représentants et le Sénat. Le bicamérisme tempère les emballements. Il préserve des seuls calculs politiques et partisans, enrichit l’écriture du droit, assure un meilleur contrôle de l’application de la loi. Et le Sénat joue dans ce cadre un rôle décisif.
Depuis 3 ans, je parcours la France au gré de missions de conseil. Je rencontre nombre d’élus locaux, maires et présidents d’intercommunalités passionnés, dont l’expérience, les attentes, les espoirs, les colères doivent être entendues. C’est au Sénat, par les sénateurs, que cela doit se faire, utilement, efficacement, du bas vers le haut, « bottom up » comme diraient les Américains. La verticalité, la centralisation et les certitudes parisiennes sont autant de plaies dont notre pays crève. Cela vaut aussi pour la représentation locale des Français de l’étranger, les conseils consulaires et leurs élus, auprès desquels les Sénateurs des Français de l’étranger doivent trouver légitimité et expérience. Le suffrage indirect facilite cette incarnation et lui apporte une justification qui, à prime abord, ne va peut-être pas de soi (du moins, le pensais-je initialement ainsi …) et qui pourtant fait sens. Encore faut-il pour cela assurer une représentation équitable des sièges sénatoriaux entre territoires ruraux, périphériques et urbains, suivant aussi fidèlement que possible la distribution démographique de notre pays et son évolution. Le Sénat, s’il veut jouer pleinement son rôle, doit être tout sauf conservateur.
J’ai été député durant 5 ans. L’Assemblée nationale est une chambre passionnante. J’y ai des tas de bons souvenirs. Et quelques moins bons aussi, comme la caporalisation du groupe parlementaire majoritaire par le gouvernement. Et ce qui était vrai dans la précédente législature l’est davantage encore dans l’actuelle. Or, l’Assemblée nationale ne peut être une simple chambre d’enregistrement où penser, réfléchir, s’interroger et s’indigner serait proscrit. Se présente-t-on aux élections pour lever docilement la main si l’on est dans la majorité et s’épuiser à défendre des amendements toujours rejetés si l’on est dans l’opposition ? Non. L’avènement du quinquennat et l’organisation des élections législatives dans la foulée de l’élection présidentielle ont desservi l’Assemblée nationale. La pratique des exécutifs successifs et leur peu d’égard pour les députés ont fait le reste. Le jeu politique et la dictature de l’émotion touchent le Palais Bourbon davantage que le Palais du Luxembourg. C’est la chance du Sénat que d’y échapper pour tracer plus librement, plus sereinement un sillon législatif solide et utile. La démocratie française et la Vème République en ont besoin.
Dimanche prochain, les grands électeurs finistériens se réuniront à Quimper. Ils recevront aussi quelques billets en retour de leur déplacement, des Euros cette fois-ci. Peut-être une tirelire d’enfant les accueillera comme la mienne le fit en son temps. Je l’espère bien. J’aurai une pensée pour mon père et pour ces souvenirs émus de notre famille réunie sur les marches du Palais de Justice. Dommage qu’il n’en reste pas une photo. Il n’y avait pas d’IPhone à l’époque. Je penserai aussi à trois amis qui me sont chers, par-delà les choix politiques. L’une, Maryvonne Blondin, quittera le Sénat et la vie publique après deux beaux mandats de sénatrice du Finistère. Les deux autres, Jean-Jacques Urvoas dans le Finistère et Christian Franqueville dans les Vosges, tenteront d’y entrer. Jean-Jacques fut un mentor exigeant et drôle à la commission des lois de l’Assemblée, Christian fut mon voisin d’hémicycle et un précieux complice durant tant de séances de nuit. L’un comme l’autre aura à cœur de porter au Sénat la passion de son territoire, son expérience de terrain et un engagement parlementaire libre, constructif et d’avenir.
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