
J’ai publié cette semaine une tribune en soutien à la Constitution espagnole sur le site de la Fundación Valsaín para la Promoción y Defensa de los Valores Democráticos, dirigée par mon ami Alvaro Gil-Robles, ancien Défenseur du peuple espagnol et Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe. Voici le lien permettant d’y accéder : https://fundacionvalsain.com/v2/site/index.php/en-apoyo-a-la-constitucion-espanola. Et ci-dessous la version en français de ce texte.
Je suis breton. La force et la vitalité des régions en Europe me passionnent. J’y vois l’avenir de notre continent, de son développement et de l’adhésion des peuples à un projet d’union dans la diversité. Français, je suis citoyen d’un pays où le centralisme a trop longtemps été la règle, bridant les volontés et les identités locales. C’est dire que la liberté d’une région d’affirmer son ambition dans le plein respect des règles constitutionnelles et européennes me parle spontanément au cœur.
Comme tant d’autres, je suis la crise en Catalogne avec inquiétude. Je connais et j’aime cette région. Je connais aussi l’Espagne : c’est le pays de mes enfants et de mon épouse. Le hasard veut que j’habite en Belgique à une quinzaine de kilomètres de Waterloo, « siège » depuis un an d’une improbable « République de Catalogne en exil ». D’anciens dirigeants régionaux, soutenus par un parti nationaliste flamand, s’y sont installés et se présentent comme des résistants pourchassés en raison de leur choix indépendantiste.
Tout cela est une invention. Personne en Espagne n’est poursuivi, encore moins emprisonné, en raison de ses opinions. C’est l’honneur de l’Espagne postfranquiste que d’avoir su rompre avec l’arbitraire, en construisant, par la volonté jointe et courageuse de forces politiques que l’histoire avait tragiquement opposées, une démocratie solide et un Etat de droit irréprochable. Des exilés et des prisonniers politiques, il y en avait sous la dictature, beaucoup même. Il n’y en a plus depuis l’avènement de la démocratie espagnole.
De quoi parle-t-on ? De dirigeants qui, à la tête du gouvernement régional, ont choisi d’ignorer les multiples avertissements de leur opposition au parlement catalan, du gouvernement espagnol et de la Cour constitutionnelle en organisant un référendum le 1er octobre 2017 sur l’indépendance de la Catalogne, puis en proclamant cette indépendance. Or, il n’existe pas de droit à l’autodétermination dans la Constitution espagnole, pas plus d’ailleurs que dans la Constitution française ou dans celle de la Belgique.
C’est dans ce cadre que des poursuites pour rébellion, sédition et autre détournements de fonds publics ont été engagées contre les dirigeants catalans concernés. Certains, placés en détention préventive, sont jugés en ce moment par le Tribunal suprême. D’autres non, ayant choisi la fuite – et non l’exil – pour échapper la justice. Les droits de la défense devant le Tribunal suprême sont scrupuleusement respectés. Les débats sont publics et chacun peut les suivre en streaming, en Espagne et ailleurs.
La vérité est là. La justice se prononcera comme dans tout Etat de droit. Dans l’attente, la désinformation et le « story telling » battent leur plein, fracturant profondément la société catalane et déstabilisant l’Espagne. Certains anciens dirigeants catalans en cours de jugement par le Tribunal suprême ou installés à Waterloo se présentent aux élections générales du 28 avril, menant campagne par vidéoconférences. Un parti d’extrême-droite, Vox, est apparu et appelle à la recentralisation de l’Espagne. Tout cela est redoutable.
Dans une démocratie, la Constitution doit être respectée. Elle peut certes évoluer, mais dans le strict respect des règles de réforme et de majorité qualifiée posées par le constituant. Aucune cause ne légitime le viol d’aucune Constitution en Europe. C’est la position que j’avais défendue en toute sincérité devant les autorités espagnoles, puis les députés à Madrid lorsque j’étais candidat au mandat de Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe il y a un peu plus d’un an.
Mais il faut aussi vouloir aller plus loin que le seul rappel de la Constitution et engager le débat, moins tant avec ceux qui écartent les règles pour imposer leurs idées, qu’avec le peuple espagnol et donc les habitants de la Catalogne, sevrés par la désinformation. Ce sont eux qu’il faut convaincre par des arguments de bon sens sur la force de l’identité régionale, son lien utile avec la Nation et la place centrale de la région en Europe. Et donc par le soutien renouvelé aux autonomies en Catalogne et dans le reste de l’Espagne.
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Transition écologique : halte à la procrastination !
Comme de nombreux Français, j’ai suivi la conférence de presse du Président de la République le 25 avril. J’ai été séduit par diverses initiatives et mesures annoncées, mais je suis aussi resté clairement sur ma faim concernant la transition écologique. Disons-le franchement : à ce stade (et depuis 2 ans), le compte n’y est pas. Il y a un écart regrettable, coupable même, entre l’ambition internationale régulièrement affichée par la France sur le climat et la réalité décevante des résultats obtenus dans l’hexagone. Depuis 2015, les émissions de gaz à effet de serre sont reparties à la hausse, en flagrante contradiction avec notre stratégie nationale bas carbone, et les prévisions indiquent qu’elles pourraient continuer à augmenter ainsi jusque 2023.
A un moment – et ce moment, la jeunesse qui défile dans les villes de France nous rappelle que c’est maintenant – il faut avoir le courage et l’ambition d’aligner les professions de foi, les actes et les résultats. Un jury de 150 citoyens tirés au sort va travailler sur la question et faire des propositions. Très bien, mais n’était-ce déjà pas le rôle du grand débat national ? Une taxe carbone aux frontières de l’Union européenne et un prix minimal du carbone dans l’Union ont été mentionnés. Très bien également, mais outre qu’il faut pour cela une unanimité des 28, ceci ne peut nous dédouaner de l’obligation d’agir en France. Or, rien n’a été dit sur l’avenir de la fiscalité française du carbone et la redistribution nécessaire de ses recettes, à l’origine pourtant du mouvement des Gilets jaunes.
La France inscrira prochainement dans la loi l’objectif de neutralité carbone pour 2050, que l’on atteindra en divisant par six les émissions de gaz à effet de serre. Il y aura certes toujours des émissions résiduelles de gaz à effet de serre, mais elles devront compensées par des puits de carbone naturels comme les forêts ou les zones humides et peut-être aussi par la capture et la séquestration du CO2. Comment ne pas soutenir cet objectif ? Et comment ne pas mesurer en même temps que des choix devront être faits pour que les résultats soient au rendez-vous ? A commencer par des choix profonds, structurants, irréversibles d’aménagement du territoire, alors même que la France est soumise à une artificialisation accélérée des terres.
Choisir, agir, obtenir des résultats, là est tout le défi pour notre pays. Cela fait des années, depuis le Grenelle de l’environnement, que la transition écologique est sujette aux effets d’annonce sans grand lendemain et in fine à une procrastination coupable. L’objectif de neutralité carbone voudrait que l’on aborde de front la question de l’affectation des terres : quelle part à la plantation d’arbres, quelle part à la production agricole, quelle part au développement économique, quelle part aussi aux grands parcs solaires ? Si ce travail-là n’est pas fait et les décisions prises peu ou pas exécutées (autre réalité dérangeante), l’objectif, comme les précédents, ne sera pas davantage tenu. Rien ne sera durable non plus sans investissements massifs pour la diversification énergétique, l’isolation thermique et l’évolution de l’agriculture.
On ne peut indéfiniment jouer petit bras et créer des instances supplémentaires de débat alors que l’urgence d’agir est là. Un conseil de défense écologique sera institué au sein du gouvernement. Qu’apportera-t-il à l’action ? Et pour dire les choses abruptement, s’imposera-t-il aux opérateurs historiques de l’énergie en France ? Ou en resterons-nous à « business as usual », c’est-à-dire au surplace ? Le Parlement osera-t-il prendre toute sa place – il le devrait – en inscrivant dans la loi et en particulier dans le budget une fiscalité ambitieuse du carbone qui soit puissamment incitative et en même temps juste socialement ? Contrôlera-t-il l’action de l’exécutif, demandera-t-il des comptes, autant sur l’EPR de Flamanville que sur les parcs éoliens offshore annoncés depuis si longtemps et que l’on attend toujours ?
C’est en affichant des résultats et pas seulement des objectifs que la France exercera utilement le leadership qui lui revient dans le combat global contre le réchauffement climatique. L’Accord de Paris nous oblige. Symboliquement, parce que la France a été le pays hôte de la COP 21, elle en est le garant. Des débats importants interviendront après les élections européennes et le renouvellement de la Commission cet automne. Ils porteront notamment sur la neutralité carbone à l’échelle de l’Union, dans un contexte de division entre Etats allants et Etats réfractaires, et sur les perspectives financières pluriannuelles de l’Union pour la période 2012-2027. Dans cette négociation essentielle, il faudra aller chercher plus de crédits pour la transition écologique. Autant de sujets pour lesquels la France sera attendue, à condition d’être au clair sur la transition écologique chez elle.
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